C O N C E R T S 
 
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BARCELONE
29/05/03
Die Walküre

Opéra de Richard Wagner

Mise en scène : Harry Kupfer
Scénographie : Hans Schavernoch
Costumes : Reinhard Heinrich
Eclairages : Manfred Voss

Production du Deutsche Staatsoper Berlin

Brünnhilde : Deborah Polaski
Siegmund : Peter Seiffert
Sieglinde : Linda Watson
Wotan : Falk Struckmann (acte II) & Peteris Eglitis (acte III)
Fricka : Lioba Braun
Hunding : Kwanchul Youn
Helmwige : Heike Gierhardt
Gerhilde : Sabine Brohm
Ortlinde : Annegeer Stumphius
Waltraute : Marisa Altmann-Althausen
Siegrune : Mireia Pintó
Schwertleite : Andrea Bönig
Grimgerde : Corinne Romijn
Rossweise : Francisca Beaumont
 

Direction musicale : Bertrand de Billy
Orchestre du Gran Teatre del Liceu

Barcelone, le 29 mai 2003 (1re)



Walkyrie
Wotan qui pleure
 

Pour la production, le Liceu choisit la sécurité en accueillant la production berlinoise de Harry Kupfer.
N'ayant vu que cette unique Walkyrie, les impressions ci-dessous sont à relativiser par rapport à celles découlant de la vision du cycle complet.
Il n'est néanmoins pas interdit d'attendre de chaque "journée" une cohérence individuelle: sur ce point, la production nous laisse quelque peu sur notre faim.

Les décors sont dignes d'un film de science-fiction américain du début des années 80 (je pense à Tron produit par Walt Disney... c'est dire les références !) avec fond en tube néon et projection de diapositives, éléments métalliques façon vaisseau spatial gagné par la rouille.
Au premier acte, la scène est barrée par un immense tronc d'arbre, qui ressemble plutôt à un gigantesque rôti calciné (on voit même un morceau de broche métallique en ressortir).
Au second, seules subsistent deux poutres métalliques, dont l'une s'effondre à la conclusion du duo Wotan/Brunnhilde (genre : "les bras m'en tombent").
Le dernier acte est plus divertissant : au début, les fières Walkyries réveillent des athlètes apparemment dénudés.
Pendant plusieurs minutes, la question "Sont-ils vraiment nus ?" est LE sujet de conversation entre possesseurs de jumelles et simples spectateurs.
Au final, les néons clignotent en rouge, symbolisant ainsi le feu sacré, tandis que le rocher sort du sol par la magie d'un ascenseur hydraulique.
Côté costumes, on oscille entre la SF années 40 (Wotan en Flash Gordon avec les lunettes de Matrix) et le contemporain (Siegmund en rocker bavarois sur le retour, mèches peroxydées et abdos Kronembourg).

Musicalement, le pire côtoie le meilleur.
Le premier acte est en tout point superbe. Peter Seiffert est un Siegmund éclatant, à la voix lumineuse.
Au départ, un vibrato un peu ample dans les notes tenues soulève quelques appréhensions : rapidement, celui-ci disparaît, ce qui nous vaut notamment des "Wälseuuuuuuuuuuuuuu" absolument uniques, voire melchioréens !

Sa partenaire, Linda Watson est un peu en retrait : non qu'elle ait de véritables défauts, mais la voix est un peu quelconque. Elle assure toutefois sa partie avec beaucoup de sûreté.

Le rôle de Hunding est assez ingrat : difficile d'en être une incarnation marquante à défaut d'un physique de colosse ou de graves impressionnants : Kwanchul Youn est donc un Hunding correct, sans plus.

C'est dans la fosse que les choses sont plus originales : Bertrand de Billy réussit en effet à donner à ce premier acte des couleurs "françaises", faisant sonner les cordes comme chez Gounod. Il révèle ainsi des miroirs inattendus entre cette partition et les duos de Faust ou de Roméo.

Au second acte, nous retrouvons avec plaisir une Deborah Polaski qui semble avoir retrouvé une partie de ses moyens vocaux.
Malgré plus de dix ans de fréquentation du rôle, sa voix, qu'on a connue assez abîmée ces dernières années, nous confond par son timbre lumineux, son volume impressionnant.
On lui pardonnera donc quelques aigus un peu criés, d'autant que son engagement scénique est proprement électrisant.

Le Wotan de Falk Struckmann est en revanche un peu terne : la composition du personnage est franchement sommaire et quelques aigus sortent péniblement.

Enfin, Lioba Braun a des moyens, mais elle ne laissera guère de souvenirs en Fricka.

Côté orchestre, les choses se sont un peu gâtées : dans cette partie, les vents sont bien plus exposés qu'au premier acte, ce qui nous vaut quelques couacs retentissants.

Mais ce n'est rien à côté du dernier acte, qui commence par une véritable chasse aux canards dans la Chevauchée des Walkyries : difficile dans ces conditions de juger des intentions de Bertrand de Billy, tant celui-ci est occupé à gérer des problèmes techniques avec son orchestre.

L'impression de cafouillage est accentuée par un cheptel de Walkyries dont le seul point commun est qu'elles chantent suffisamment fort, ce qui est regrettable pour une partie d'entre elles qu'on préfèrerait ne pas entendre du tout.

Un malheur ne venant jamais seul, c'est à la doublure de Falk Struckmann, finalement annoncé souffrant, que revient l'acte III.
Le baryton américain Peteris Eglitis n'est hélas pas du tout un Wotan de stature internationale : volume insuffisant, placement excessivement nasal, aigus trop bas...
Dans ces conditions, les Adieux deviennent interminables !

Au rideau final, le public ovationne les jumeaux, épargne Wotan, salue de Billy mais réserve quelques huées pour l'orchestre au moment où celui-ci se lève (c'est plutôt rare au Liceo).

Une soirée mitigée donc, sauvée par un premier acte admirable.
 
 
 

Placido Carrerotti
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