C O N C E R T S 
 
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STRASBOURG
21/01/05
Sarastro - Tamino - Monostatos - Pamina
© Alain KAISER
DIE ZAUBERFLÖTE

Wolfgang Amadeus MOZART

Sarastro - Friedemann RÖHLIG
Tamino - Matthias KLINK
Pamina - Henrike JACOB
Papageno - Thomas DOLIE
Papagena - Luanda SIQUEIRA
Reine de la Nuit - Chantal PERRAUD
Monostatos - François PIOLINO
1ère Dame - Karen LEIBER
2ème Dame - Géraldine CHAUVET
3ème Dame - Sylvie ALTHAPARRO
Orateur - Paul GA
1e Prêtre - Seung Mook LEE
2ème Prêtre - Virgile FRANNAIS

Choeurs de l'Opéra national du Rhin
Orchestre Symphonique de Mulhouse

Direction musicale : Neil BEARDMORE

Mise en scène, décors et costumes : Achim FREYER
Lumières : Gerd BUDSCHIGK

Reprise de la coproduction de l'Opéra national du Rhin
avec le festival de Schwetzingen

21 janvier 2005

La Flûte enchantée de l'Opéra du Rhin joue la carte de l'irrévérence dans la fidélité.

L'irrévérence réside dans la vision d'Achim Freyer, signataire de la mise en scène (reprise ici avec beaucoup de précision par Hendrik Müller), des décors et des costumes. Cette production ne constitue pas une nouveauté, puisqu'elle a été créée en avril 2002 au festival de Schwetzingen, et donnée dans la foulée à l'Opéra du Rhin, coproducteur du spectacle. Elle a également fait l'objet alors d'une retransmission sur ARTE, qui ne rendait cependant pas pleine justice à sa créativité. Achim Freyer annonçait la couleur, en présentant sa lecture : "je veux qu'elle passe comme un éclair, qu'on ne s'y ennuie pas un seul instant". Pour y parvenir, l'artiste berlinois créé un univers naïf et bariolé, joue du rythme et du grotesque pour souligner une conception approfondie de l'oeuvre et des personnages. Alors que Benno Besson, à Garnier, recréait l'univers des contes de fées de notre enfance, Akim Freyer nous entraîne ici dans un véritable cartoon : les portes tournent, les personnages roulent, les bruitages abondent et les gags se succèdent sans relâche. Certes, tout n'est pas du meilleur goût dans cette avalanche, mais ce que le spectateur perd en subtilité, il le gagne incontestablement en pure jubilation.

La fidélité se manifeste dans la volonté affichée par le chef de respecter les indications originelles de tempo et d'articulation, mais aussi par le respect des dialogues parlés. C'est la moindre des choses, me direz-vous ? Pas forcément, au moment où les signataires d'une production actuellement reprise à Paris leur substituent des poèmes lus par deux comédiens "pour les transposer en un langage contemporain, plus proche de notre interprétation onirique et subjective que le traitement naturaliste réservé traditionnellement par l'opéra". A Strasbourg, le public réagit pourtant de la meilleure façon aux dialogues, tandis qu'Achim Freyer nous prouve qu'il est possible de monter une production à la fois divertissante et exigeante de la Flûte enchantée sans devoir nécessairement modifier les ingrédients de la recette... Son travail est le fruit d'une véritable réflexion, mais il refuse de céder à un intellectualisme excessif et renoue en cela avec l'esprit original de l'oeuvre composée par Mozart pour le public populaire des faubourgs de Vienne. Son talent graphique, sa fantaisie et son inventivité lui permettent en tout cas d'imprimer une forte marque à cette production.


Papageno, Pamina, Monostatos & Choeur.
© Alain KAISER

Pour cette reprise, l'Opéra du Rhin a fait appel exclusivement à de jeunes chanteurs, ce qui constitue incontestablement une prise de risque, mais se révèle ici une option gagnante, car chacun s'investit dans la production avec générosité et naturel. Survivant de la distribution d'origine, le ténor Matthias Klink (Belmonte à Aix cet été) ne possède pas le plus séduisant des timbres mais s'impose par l'énergie et la musicalité de son chant ; en outre, il forme un couple bien assorti avec la charmante Pamina d'Henrike Jacob (Papagena dans cette même production en 2002), au timbre plus corsé qu'il n'est d'habitude dans ce rôle et qui m'a particulièrement impressionné par la violence de son désespoir au second acte. La plus forte impression musicale de la soirée revient toutefois au Sarastro de Friedemann Röhlig, qui s'était révélé ici même la saison passée dans Gurnemanz. Il possède une voix de basse ample, techniquement très sûre et superbement timbrée sur toute l'étendue de la tessiture, avec les graves abyssaux (mais en rien caverneux) attendus dans cette partition. Un grand espoir, assurément !

La distribution est complétée par quelques valeurs montantes du chant français. Thomas Dolié, très en verve, campe le plus drôle et le plus sympathique des Papageno mais doit encore gagner en étoffe vocale pour rendre pleine justice à ses deux airs. Chantal Perraud trouve de jolis accents maternels dans la première partie de "O zittre nicht" et se joue crânement des vocalises finales de "Der Hölle Rache", mais le reste est plus problématique... Rien à redire, en revanche, de l'Orateur parfait d'autorité et de timbre de Paul Gay, dont on regrette la brièveté des interventions, ni du Monostatos désopilant campé par le ténor suisse François Piolino, véritable ténor de caractère qui respecte toutefois les impératifs du chant et traduit toute la finesse de "Alles fühlt der Liebe Freuden". Lorsqu'on aura ajouté que les dames de la nuit ont parfois des difficultés à s'accorder et que les trois génies chantent faux comme souvent, on obtiendra une distribution peut-être pas définitive mais d'un réel intérêt.

L'anglais Neil Beardmore, directeur musical de l'atelier lyrique de l'Opéra du Rhin, se montre très attentif à ces jeunes chanteurs mais n'évite pas certains décalages, tandis que les musiciens de l'orchestre symphonique de Mulhouse se montrent un peu avares de couleurs. Il est vrai qu'avec une mise en scène aussi originale, inventive et rythmée, on a parfois tendance à oublier ce qui se passe dans la fosse pour profiter d'un spectacle réjouissant qui s'adresse à tous les âges et à tous les publics.
 
 

Vincent DELOGE
Prochaines représentations :
23, 26, 28 & 30 janvier, 1er février (Strasbourg) 6 & 8 février (Colmar)
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