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Bedrich SMETANA (1824 – 1884)

Die Verkaufte Braut
(La Fiancée Vendue –Prodana Nevesta)


Opéra comique en trois actes
Livret original, Karel Sabina
Version allemande, Max Kalbeck

Chœur, Ballet et Orchestre du Wiener Staatsoper
Chef de Chœur, Helmut Froschauer
Direction, Adam Fischer
Chorégraphie, Gerlinde Dill
Décors et Costumes, Rolf Langenfass
Mise en scène et réalisation, Otto Schenk

Opéra de Vienne, 25 avril 1982

Distribution

Kruschina (Krusina)    : Alfred Sramek
Katinka (Ludmila) : Gertrude Jahn
Marie (Marenka) : Lucia Popp
Micha : Walter Fink
Agnes (Hàta) : Czelawa Slania
Wenzel (Vasek) : Heinz Zednik
Hans (Jenik) : Siegfried Jerusalem
Kezal (Kecal) Karl Ridderbusch
Springer : Erich Kunz
Esmeralda : Gabriele Sima
Muff : Hans Christian

1DVD DG 00440 073 4360




UNE FIANCÉE DIGNE D’UN TSAR….


Bedrich Smetana est célèbre, certes, pour son poème symphonique « Vltava » - plus connu sous son titre allemand, « La Moldau », le second d’un cycle de six intitulé « Mà vlast » (Ma patrie), mais aussi pour le plus réputé de ses huit opéras, « La Fiancée Vendue ».

Bien qu’ayant été le premier compositeur à utiliser des thèmes spécifiquement tchèques, en particulier dans ses œuvres lyriques, il lui fut cependant reproché de ne pas être assez « nationaliste » et trop fasciné par la musique de Wagner.

Pourtant ce sera cette « Fiancée vendue », considérée désormais comme une institution nationale, devenue pour le monde entier un exemple typique d’opéra « folklorique », qui allait contribuer largement à sa popularité de musicien « national », à tel point qu’il devait inspirer nombre de ses compatriotes : Dvoràk, Fibich….mais aussi Schönberg, qui estimait lui devoir beaucoup.

Désormais, lors du concert d’ouverture du Printemps de Prague qui a lieu chaque année, le 12 mai, date anniversaire de la mort de Smetana, on joue toujours La Vltava, qui est aussi le nom d’une rivière de Tchécoslovaquie.

L’intrigue de « La Fiancée vendue » est typique d’un village de Bohème, avec une pittoresque galerie de personnages hauts en couleurs : parents soucieux de marier leur jolie fille amoureuse d’un jeune homme pauvre, qui se révélera par la suite être le fils retrouvé d’une famille riche, autre prétendant un peu benêt, finalement écarté, « marieur » débonnaire et filou, troupe de cirque, etc, etc…

L’écriture musicale de l’œuvre fait la part belle à la musique populaire de Bohème, ses polkas, ses mélodies élégiaques, avec ce qu‘il faut de dosage subtil entre le rire et les larmes, la quasi-tragédie et la comédie…et aussi cette gaîté mêlée de mélancolie si caractéristique de l’âme slave.

Smetana vivait à une époque où la Bohème faisait partie de l’Empire des Habsbourg, et, bien que se sentant « tchèque de cœur », il parlait mieux l’allemand que sa langue maternelle.

Ceci explique que, bien que la version originale, remaniée en 1871, ait bien été créée dans cette langue, on l’ait fréquemment représentée en allemand dans les pays germaniques, dans une version élaborée en 1893 par Max Kalbeck, que reprend le présent enregistrement.

Otto Schenk, on le sait, n’a jamais été réputé pour être un metteur en scène « révolutionnaire »… Cependant, nombre de ses productions, certes, très « classiques », ont malgré tout fait les beaux soirs du Wiener Staatsoper - comme par exemple celle du mémorable « Rosenkavalier » dirigé par Carlos Kleiber.

Et puis, par les temps qui courent, après les excès récurrents du « regie theater », cette production très « bon enfant » a au moins l’avantage de posséder une fraîcheur et une simplicité que l’on peinerait désormais à retrouver aujourd’hui.

En fait, le véritable intérêt de cette captation réside dans sa distribution, avec, en tête, bien sûr, la divine Lucia Popp, qui brille de mille feux dans le rôle de Marie, comme le fit avant elle une autre cantatrice tchèque – très différente, mais tout aussi divine : Jarmila Novotna.

Entendre et voir Lucia Popp dans cet opéra est un véritable régal, et l’on ne sait ce que l’on doit préférer : le timbre à la fois pur et charnu, le sourire malicieux et tendre, la finesse, la tristesse rêveuse, la grâce indéfinissable, en un mot, le charme…

Siegfried Jérusalem, qui devait plus tard s’imposer à Bayreuth dans le répertoire wagnérien, campe un Hans fort crédible, bien que parfois un peu mis à mal dans la tessiture aigüe. Il est vrai qu’il venait d’aborder « Parsifal », également à Vienne.

Et puis, c’est un vrai plaisir que de retrouver Karl Ridderbush, plutôt habitué à Gurnemanz, Hans Sachs ou Hagen, dans le rôle truculent de Kezal.

Autre bonheur : l’étonnant Heinz Zednik – l’inoubliable Mime de Chéreau et Boulez à Bayreuth – dans le personnage, gauche et touchant à force d’être ridicule, de Wenzel, le prétendant finalement éconduit par Marie.

Les autres comprimari ne manquent pas non plus de panache, et il convient de décerner une mention toute particulière au vétéran Erich Kunz, très drôle en directeur de cirque, sans oublier la gracieuse Esmeralda de Gabriele Sima qui, plus tard sera Octavian auprès de Natalie Dessay, à Vienne, toujours....

Si l’on ajoute l’excellence des chœurs, et du chef Adam Fischer à la tête de l’orchestre du Wiener Staatsoper à la fête, on comprendra que l’on tient là une très belle version qui eût sans doute un peu gagné à être chantée dans sa langue originale.

Mais tant pis, Lucia était là, Lucia que Muti surnomma « la lumière »..Elle seule justifierait l’achat de ce DVD, savoureux et parfumé comme les bonbons d’antan.

Juliette BUCH




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