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Daniel Danielis (1635-1696)

Caeleste Convivium

Propter nimiam charitatem
Ornate aras
O bonitas o amor !
Ad arma fideles
Obstupescite omnes
O ! o salutaris hostia !
Ad fontes amoris
Venite et videte
Super flumina Babylonis
Ad gaudia caeli
Quo tendimus mortales ? 

Ensemble Pierre Robert

Francine van der Heijden & Johannette Zomer, dessus
Marcel Beekman, haute-contre
Robert Getchell, taille
Robbert Muuse, basse
Emilia Gliozzi, violoncelle
Laurent Le Chenadec, basson

Frédéric Desenclos,
grand orgue de Claude Parizot de 1739 et direction



Le Banquet Céleste est un recueil de motets rassemblés par Sébastien de Brossard. Le manuscrit resta inachevé et l'on y trouve également quelques oeuvres de Charpentier et du compositeur-copiste lui-même. Cependant, ce sont bien les onze motets à 3 voix et basse continue de Danielis qui se taillent la part du lion. Composeur discret, ce quasi inconnu fut maître de chapelle du duc Gustave-Adolphe de Mecklembourg-Güstrow jusqu'en 1681, échoua au concours de la Chapelle Royale en 1683 et termina sa carrière -si l'on peut vraiment parler de carrière- à la cathédrale de Vannes, cité du Morbihan frileusement abritée derrière ses remparts XVème... Tout ceci pour dire qu'on s'attendait à des motets agréables et sans prétention de la part d'un petit maître de province, aux partitions étrangement sauvées de l'oubli par un grand musicien (Brossard).

"Morbleu, Monsieur, vous voilà bien fourvoyé et j'eus attendu plus de jugement et de goût de la part d'une oreille comme la vôtre !" me rétorquera le descendant de Danielis. En effet, dès les premières notes, le compositeur s'affirme comme un maître du petit motet. Dans une ambiance intimiste, pleine de spiritualité et de finesse, il cisèle les contours d'oeuvres aux climats extrêmement variés, de l'appel de basse du "Propter nimiam charitatem" presque sépulcral aux ornements joyeux du "Ornate aras". L'ensemble rappelle le style mixte de Couperin et de ses "goûts réunis" alliant l'intelligibilité française à la virtuosité exubérante de l'Italie. Certains accents contrapuntiques étranges rappellent même parfois ces contrées d'outre-Rhin et le prince au nom imprononçable chez lequel Danielis commença son service.

L'ensemble Pierre Robert offre une lecture à la fois fine et sensible du Banquet. Marcel Beekman, Robert Getchell et Robert Muuse sont rompus à ce genre de répertoire et l'on goûtera l'élégance, la sobriété et le naturel de leurs phrasés. Robert Getchell en particulier possède un fort beau timbre et une technique sans défaut. En revanche, l'une des soprano allie grâce angélique et pureté de timbre tandis que l'autre peine dans les aigus et semblent bien mal à l'aise, abattant mécaniquement les mesures sans jamais coller aux affects du texte. La notice ne précisant pas qui interprète chaque motet, le mystère demeure entier et l'auditeur louera donc alternativement Francine van der Heijden ou Johannette Zomer pour sa spontanéité. 

Le continuo est sobre, rigoureux, raffiné. L'irruption du son grainé du basson est surprenant (là où l'on aurait plutôt attendu un luth), mais la surprise laisse rapidement la place à l'intérêt puis à l'enthousiasme. Le seul bémol provient d'une direction tellement sensible qu'elle paraît trop retenue, bridée, cachée dans la pénombre du bas-côté gothique de la cathédrale. Il y manque un certain entrain, un peu plus de mouvement et l'on ne peut s'empêcher de songer à l'interprétation que Christophe Rousset ou Hervé Niquet auraient donnée d'un tel joyau. Cependant, l'invitation à ce banquet aux mets délicats n'est certainement pas de celle que l'ont peut facilement décliner...
 
 

Viet-Linh NGUYEN

 
 



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