C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Giacomo PUCCINI (1858-1924)

   
LA BOHEME

Mimi, Anna Netrebko
Musetta, Nicole Cabell
Rodolfo, Rolando Villazon
Marcello, Boaz Daniel
Schaunard, Stéphane Degout
Colline, Vitalij Kowaljow
Benoît, Tiziano Bracci
Alcindoro, Tiziano Bracci
Parpignol, Kevin Connors

Chor des Bayerischen Rundfunks
Kinderchor des Stadttheaters am Gärtnerplatz
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunk

Bertrand de Billy

2 CDs Deutsche Grammophon, 00289 477 6600


Ah ! L’amour


C’est un paradoxe apparent que l’un des opéras les plus populaires du répertoire n’ait pas une discographie aussi pléthorique que l’on puisse imaginer. Mieux encore, on peut s’étonner que LE « tube » puccinien ait, finalement, si peu de références contemporaines – bref que l’on n’ait pas franchement trouvé de pendant à « LA Bohème » de Karajan, puisqu’il faut le nommer. Vaduva/Alagna chez Pappano ; Bocelli/Frittoi chez Mehta… Passez vot’ chemin, m’sieurs dames !

Parlons couples : Callas/Di Stefano ; Tebaldi/Bergonzi ; Freni/Pavarotti. Il faut un couple à « La Bohème » pour que cette dernière soit marquante. Eh bien ! Mais, nous l’avons ici ; et c’est sans doute ce qui désigne, déjà, cet enregistrement comme une pierre blanche en devenir.

Oui, il faut un couple à « La Bohème ». Un couple qui respire à l’unisson – qui expire, aussi ; mieux, qui s’inspire. Un couple chez qui l’étreinte vocale sue la vérité, l’amour, la passion. C’est bête à dire, mais, est-ce tellement évident ? Or qui osera dire – qui osera tenter l’impossible démonstration, le théorème incongru – que Netrebko/Villazon ce n’est pas tout cela à la fois et même un peu plus : deux voix pour un seul cœur, pour une vision unique – dans tous les sens du terme et au moins ici ?

Osera-t-on dire que ces deux-là ne réactivent pas des souvenirs, des émotions puissantes, quasi-inavouables que l’on croyait enfuies, prisonnières de nos vieilles cires ? Qu’ils ne nous arrachent pas spasmes, larmes et tremblements, à mesure que eux-mêmes s’arrachent les tripes – pour ne pas dire la voix ? Oui, on l’osera ! Et on sera même prêt à en découdre avec ceux chez qui la méfiance à l’égard du couple relève in petto de la cause entendue sans autre forme d’écoute ! Ne leur en déplaise il n’iront pas à cette « Bohème » - s’ils y vont, mais ont-ils seulement cette honnêteté intellectuelle ? – comme à la curée…

Pourtant Villazon plafonne souvent ici, parfois univoque dans un emportement qui veut cacher les failles d’une période qui n’a pas été sa plus faste – voir le duo avec Marcello au III. Cependant Che gelida manina est phrasé amplement, comme on tire l’archet, dans un long crescendo brûlant, frémissant. Et il sait ce qu’est la défonce.

Netrebko, elle, n’a pas ces problèmes – hélas, pour les Cassandres bougonnes. Elle donne une Mimi fabuleuse, irisée, opalescente aussi dans ses deux airs – quand bien même le mot est faible, par nature, chez elle – et cela, d’abord, par le timbre – quel « ut » pour conclure le I, asséné mais plein, radiant. Et puis, elle aussi s’engage jusqu’à l’extrême, mise à nue jusqu’à l’indécence ; sa Mimi est tellement Mimi qu’elle crève l’écran, comme un viol de la partition ! Alors, oui Netrebko fait peu cousette ; oui, il lui manque un peu de la fraîcheur naïve de Freni – surtout au I ; oui, le timbre – quelle moire, quelle substance juteuse – est peut-être un peu superlatif dans ce contexte… Mais osez seulement venir me dire que vous préférez une « Bohème » a minima !

Le seul problème, finalement – parce qu’il en faut un – c’est que notre couple éclipse un peu ce – ceux – qui l’entoure. C’est peut-être un peu la faute du chef, théâtral certes mais parfois un peu extérieur à l’action. Le I passe bien mais le II passe, seulement, emporté, sans aspérités, trop analytique pour être honnête ; c’est la même chose pour le III, pauvre de coloration – une couleur, même sourde, reste une couleur – alors que le IV s’impose mieux. Un constat alors, tout simple ; un lieu commun : il n’est finalement pas facile de réussir ces musiques qui paraissent évidentes !

On a donc un bon Marcello – mais Panerai reste inapprochable ; un bon Schaunard – sans excès de chauvinisme, parce qu’il n’y a pas, non plus, de quoi crier au miracle ; un très bon Colline ; mais une Musette sans chair ni vrai suc – là, on s’avoue déçu.

Cela fait ¾ de « Bohème »… donc trois étoiles sur quatre !



Benoît BERGER


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