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Franz SCHUBERT (1797 - 1828)

Sonate pour piano en si bémol majeur D 960

Trois lieder
Viola D 786 (La violette)
texte de Franz von Schober

Der Winterabend D 938 (Soir d'hiver)
texte de Karl Gottfried von Leitner

Abschied von der Erde D 829 - Melodrama - (Adieu à la terre)
texte d' Adolf Pratobevera

Leif Ove ANDSNES, piano
Ian BOSTRIDGE, ténor

1 CD EMI 5 57901 2 - 2005 - durée 65'45


L'un et l'autre
 

En matière d'art, la complémentarité engendre souvent l'harmonie, la similitude peut être fascinante ou redondante, selon les cas.

Ce qui est passionnant dans le tandem Andsnes / Bostridge, c'est que ces deux artistes, pourtant assez dissemblables au départ, se complètent d'une étonnante façon, la rigueur nordique d'Andsnes atténuant le maniérisme british du ténor. Une chose est sûre : de leur association naît une alchimie artistique indiscutable, d'une exigence et d'une originalité rares.

Ce disque surprenant en est le vivant exemple. Sur une durée de 65 minutes, c'est le piano qui prédomine, avec la superbe sonate en si bémol major, où l'on perçoit les influences croisées de Haydn et de Beethoven. Andsnes y brille de cette manière discrète et soutenue qui n'appartient qu'aux vrais diamants. Pas d'afféterie ni de coquetterie dans son jeu, mais une profonde sensibilité, conforme à la personnalité de cet artiste si particulier, qui a fondé dans un tout petit village, Risor, situé aux confins des terres australes de son pays natal, la Norvège, un festival de musique de chambre. Tous les ans, il s'y produit avec ses amis et ne craint pas de tenir les "seconds rôles" en accompagnant Ian Bostridge, le Quatuor Artemis ou d'autres artistes, avec lesquels il partage le bonheur de faire de la musique, tout simplement. 

Cette expérience discographique n'est pas un coup d'essai pour ces deux compères, deux CD de la même veine, également consacrés à Schubert, ayant déjà été publiés chez EMI. 

Le présent enregistrement permet d'entendre, outre le superbe piano d'Andsnes, trois lieder assez rares. Le très long Viola (13 minutes) est un petit chef-d'oeuvre, à la fois camée délicat et mini drame romantique (il y est question d'une pauvre violette - symbole à la fois de beauté, de poésie et de solitude), mais sa durée explique qu'il figure rarement au programme des récitals, au disque comme au concert.

Pourtant, en 1997, il y a huit ans déjà, von Otter l'avait osé dans son fameux récital Schubert paru chez DG (DG 4534812), accompagnée par le fidèle Bengt Forsberg. Il va sans dire que les deux interprétations sont assez radicalement différentes, l'expressionnisme exacerbé et quelque peu maniéré de Bostridge répondant au romantisme finement ciselé, mais plus spontané et naturel, de la mezzo suédoise. Chacun y exprime son tempérament: fondamentalement sombre et dramatique chez Bostridge, protéiforme et plus nuancé chez von Otter. Le piano d'Andsnes semble plus présent, celui de Forsberg effacé, un peu en retrait. De toute façon, à un tel niveau d'interprétation, où l'intelligence a rendez-vous avec la musicalité, préférer l'une ou l'autre version est affaire de goût ou "d'affinités électives ".

Si Der Winterabend, également assez développé (7 minutes) et chanté assez sobrement, permet au ténor de mettre davantage en valeur son sens de la coloration, le court Abschied von der Erde, qui a la particularité d'être un mélodrame parlé avec accompagnement de piano - comme si à un moment donné, le chant devait s'éteindre pour laisser parler le silence - lui offre la possibilité de faire montre de ses talents déclamatoires, pour le moins étonnants.

Comme toujours, les partis pris de Ian Bostridge pourront irriter plus d'un auditeur. Il n'empêche que ce disque exigeant, au charme singulier, ne peut laisser indifférent.
  


Juliette BUCH




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