C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
...
[ Historique des critiques CD, DVD]  [ Index des critiques CD, DVD ]
....
......
BENVENUTO CELLINI

Hector BERLIOZ

Gregory Kunde, Benvenuto Cellini
Patrizia Ciofi, Teresa
Joyce di Donato, Ascanio
Jean-François Lapointe, Fieramosca
Laurent Naouri, Balducci
Renaud Delaigue, Le Pape
Eric Salha, Francesco
Marc Mauillon, Barnardino
Eric Huchet, Le cabaretier
Ronan Nédélec, Pompeo

Choeur de Radio France
Orchestre National de France
John Nelson

Durée : 190'00''
Enregistrement public
les 8 et 11 décembre 2003 à la Maison de la Radio
3 CD Virgin Classics 7 24354 57062 9


Benvenuto Cellini aura donc dû attendre le bicentenaire de la naissance de son compositeur pour enfin avoir les honneurs d'une deuxième gravure studio ! Bien plus, l'opéra de Berlioz nous est enfin restitué, comme Les Troyens revisités par Gardiner au Châtelet, dans son intégralité - géniale et démesurée. Au terme de plus de trois heures de musique, on ressort de l'écoute de ce Benvenuto Cellini heureux et frustré. Heureux de connaître enfin ce chef-d'oeuvre dans son exhaustivité, heureux d'avoir pu vivre cette épopée aux allures shakespeariennes et d'une incroyable vitalité dans toute sa cohérence. Frustré de ne pouvoir que l'entendre, tant le drame de Berlioz ne s'accomplit qu'à la scène, frustré surtout que le plaisir ne soit pas absolu et que la réalisation, si colossale soit-elle, accuse de nombreuses limites vocales.

On ne reviendra pas sur le forfait d'Alagna qui aura, au final, brillé par son absence dans les célébrations du bicentenaire. Prédestiné (du moins, a priori) pour Enée et Cellini, il aura ainsi laissé la place à Gregory Kunde, dont le principal atout est d'avoir mené à bien le doublé en quelques mois d'intervalle. Si ce dernier pouvait se permettre de dessiner un Enée en retrait, jouet des divinités antiques, pour pallier un manque évident d'héroïsme, le rôle du sculpteur florentin l'oblige à assurer le devant de la scène, avec plus ou moins de bonheur. Certes, il surmonte l'impossible tessiture du rôle mais au prix d'aigus tirés, pris par en dessous, et de ports de voix qui, à long terme, mettent la justesse en péril. Des multiples facettes du personnage, manque essentiellement celle de l'artiste, le génie créateur n'apparaissant que rarement dans ce chant sans grandes nuances.

Le cas de Patrizia Ciofi est assez similaire. Depuis quelque temps, on mesure un peu mieux les qualités et la versatilité de cette artiste attachante. Si son français s'est perfectionné par la fréquentation assidue de rôles du répertoire hexagonal, la diction se fait au détriment de l'intonation et d'un chant un rien maniéré. C'est d'autant plus dommage que le portrait qu'elle dresse de Teresa est sensible et nuancé : fragilité, détermination et doute confèrent une réelle psychologie à la jeune fille, loin des oies blanches vocalisantes. Les trois clés de fa qui entourent les deux amants sont bien individualisées, entre le truculent Laurent Naouri, qui privilégie le jeu théâtral sur la pure beauté vocale, le solide Jean-François Lapointe, rival repenti au nom de l'art, et le trop jeune Renaud Delaigue, à qui il manque la maturité vocale pour incarner un Clément VII crédible. Joyce Di Donato trouve, quant à elle, en Ascanio, un rôle idéal pour son timbre androgyne et sa tessiture de mezzo clair et héroïque.

Mais le véritable orfèvre dans cette entreprise, celui qui cisèle un ONF incandescent, celui qui, à l'instar de Cellini dans la scène finale, construit un chef-d'oeuvre à partir d'éléments disparates et inégaux, c'est John Nelson. Bien plus que de rendre son vrai visage à l'opéra, il enflamme la partition et, en alchimiste, découvre les parfaits dosages entre drame et comédie pour chaque scène. Soulignant l'atmosphère propre aux différents tableaux qui apparaissent comme autant de bas-reliefs, il met en évidence la multiplicité des inspirations musicales et la cohérence finale de l'oeuvre. Une réalisation majeure qui, à l'image même de la partition de Berlioz, fascine et impressionne dans sa globalité, mais accuse de nombreuses faiblesses dès qu'on s'y intéresse de plus près.
  


Sévag TACHDJIAN




Commander ce CD sur  Amazon.fr
Benvenuto%20Cellini" target="_blank">
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]