C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
...
[ Historique des critiques CD, DVD]  [ Index des critiques CD, DVD ]
....
......
Mille Bonjours !
Chansons de Guillaume Du Fay


1- Pour ce que veoir je ne puis
2- Helas mon dueil
3- Mille bonjours (clavier)
4- Helas, et quant vous veray ?
5- Je languis en piteux martire
6- Mon chier amy, qu'avés vous empensé
7- Mit ganczem Willen (C. Paumann, clavier)
8- C'est bien raison de devoir essaucier
9- Resvelliés vous et faites chiere lye
10- Franc cuer gentil (clavier)
11- Franc cuer gentil
12- S'il est plaisir que je vous puisse faire
13- Par le regard de vos beaux yeux
14- Se la face ay pale
 (clavier)
15- Je veuil chanter de cuer joyeux
16- Mille bonjours
17- Entre vous, gentils amoureux
18- Puisque vous estez campieur
19- He, compaignons, resvelons nous

Ensemble : Diabolus In Musica
Direction :  Antoine Guerber

Réf. CD : Alpha 116
Durée totale : 75'57''




Un Dufay profane béni par le diable en musique


Génie incontesté du 15ème siècle, Guillaume Dufay (ou Du Fay, c. 1400-1474) a produit des chefs d'œuvres tant religieux que profanes. Si ses motets isorythmiques (magnifiquement interprétés par le Huelgas Ensemble dans le CD HMC 901700) et ses messes (dont celle basée sur la chanson « Se la face ay pale », interprétée également par l'ensemble Diabolus In Musica dans le CD Alpha 051) sont à juste titre connus, ses chansons profanes – au nombre approximatif de 80 en fonction des attributions - méritent également toute l'attention des mélomanes. Dufay y fait montre d'une invention mélodique et rythmique toujours renouvelée au service de l'expressivité du texte. Connaissant l'enregistrement intégral des chansons réalisé par le London Medieval Ensemble, qui date un peu, et les versions policées de l'Ensemble Gilles Binchois, nous étions impatients de découvrir une nouvelle interprétation, un nouvel éclairage sur ces compositions. Nous ne fûmes pas déçus.

Antoine Gerber nous offre une version intime, sobre et belle, alliant variété des couleurs et respect du texte musical. Les tempi choisis, généralement plus lents que dans les autres enregistrements, sont convaincants et une attention particulière a été mise sur la prononciation et l'intelligibilité du texte. Nous sommes particulièrement convaincus par les voix d'hommes, justes et expressives, un tout petit peu moins par la soprane Aïno Lund-Lavoipierre dont le timbre s'accorde moins bien, selon nous, à ce répertoire dont les lignes du Superius (1) furent probablement écrites pour voix en fausset. Notons l'improbable alternance au sein d'une même pièce des instruments et des voix, ainsi que l'omission épisodique d'une ligne mélodique pour le seul besoin de varier les couleurs. La participation systématique des instruments – généralement une guiterne pour la ligne rythmée du Contratenor et une vièle à archet pour celle plus chantante du Tenor, est également « regrettable », les chansons pouvant toutes être interprétées sans instruments en vocalisant les parties démunies de texte, option jamais retenue dans cet enregistrement. La seule interprétation exclusivement a capella du CD (S'il est plaisir, plage n°12), convaincante du point de vue sonore, est artificiellement créée en ajustant les paroles du Cantus au Tenor au prix d'une modification, certes infime mais réelle, de la ligne mélodique (ajout de répétition de notes en lieu et place de notes tenues).

Cependant, ces quelques réserves d'ordre musicologique - d'ailleurs sujettes à caution - ne doivent pas voiler l'essentiel : cet enregistrement est une grande réussite esthétique. Soulignons la « douce  tristesse » de Helas mon dueil (n°2), l'expressivité exacerbée par les variations de tempi de Je languis en piteux martire (n°  5), le gai entrain de Je veuil chanter de cuer joyeux (n°15) et le formidable son du clavicytherium particulièrement appréciable dans Mit ganczem Willen (n°7).

L'acoustique sèche de la Ferme de Villefavard convient parfaitement à ce répertoire. La prise de son irréprochable et le soin apporté à la jaquette (photos, texte de présentation, paroles originales et les traductions anglaises) témoignent une fois de plus de la qualité du label Alpha avec lequel Antoine Guerber devrait enregistrer, pour notre plus grand contentement, d'autres chansons de Dufay. Peut-être aurons nous l'occasion d'y apprécier à nouveau, sans intervention excessive d'instruments, des belles voix des contretenors Andrès Rojas-Urrego et Frédéric Betous et du ténor Raphaël Boulay. Quoiqu'il en soit, vivement la prochaine bénédiction de Diabolus in Musica !


Mathias Le Rider



(1) Aussi nommée Cantus. La grande majorité des chansons de cette époque sont à trois voix : la voix principale dite du Cantus, est bien souvent la seule à « porter » le texte dans les manuscrits. Elle est musicalement soutenue par les voix dites de Contratenor  et de Tenor qui partagent un même ambitus plus grave.




Commander ce CD sur Amazon.fr
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]