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Laurent PETITGIRARD (né en 1950)

Joseph Merrick,
the Elephant Man

opéra en quatre actes , musique de Laurent Petitgirard,
libretto en français d'Eric Nonn

Nathalie Stutzmann (Elephant Man)
Nicolas Rivenq (Docteur Treves)
Robert Breault (Tom Norman)
Marie Devellereau (Mary)
Sophie Koch (Eva Luckes)
Nicolas Courjal (Carr Gomm)
Celena Nelson-Shafer (La Colorature)
Damien Grelier (Jimmy)

Orchestre Philharmonique de Monte Carlo
Choeur français d'Opéra
Direction musicale : Laurent Petitgirard

2 CD Le Chant du Monde LDC 2781139.40

2 CD Naxos 8.557608-09
(Réédition, novembre 2004)



Laurent Petitgirard m'apparaît comme l'un de ces irréductibles Gaulois qui peuplent le village d'Astérix : faisant fi des modes et des courants, il signe à la fin du XXe siècle un opéra tonal et vocal qui renoue avec la meilleure tradition française, celle que Francis Poulenc avait sans doute été le dernier à illustrer. Connu davantage pour ses compositions symphoniques et ses musiques de film, le compositeur témoigne pourtant ici d'une réelle affinité avec l'univers lyrique. Nous connaissons l'histoire de Joseph Merrick, dit Elephant Man, grâce au remarquable film de David Lynch qui constituait un vibrant appel au respect de la dignité humaine. Cet anglais difforme, atteint de la neurofibromatose, mourut en 1890 à l'age de 27 ans. De son histoire, Eric Nonn a tiré un livret d'une grande habileté au découpage très classique et qui met en relief la psychologie des personnages et leurs sentiments contradictoires, refusant ainsi tout manichéisme. 

Sur cette trame, Laurent Petitgirard a composé une partition résolument tonale, témoignant d'une incontestable habileté mélodique, d'une bonne maîtrise de la prosodie et d'un réel talent d'instrumentation, utilisant efficacement une large palette de timbres et de couleurs . L'écriture vocale, dépourvue de pièges et d'aspérités et respectueuse des tessitures,  renoue avec celle de Poulenc et il ne faut pas s'étonner dès lors que des chanteurs aussi talentueux que Nicolas Rivenq, Marie Devellereau et Sophie Koch aient prêté leur concours à cet enregistrement. Nathalie Stutzmann apporte son timbre étrange au personnage de  Merrick, que le compositeur a eu l'excellente idée de destiner à un contralto, et marque à la fois sa différence et son humanité, suscitant l'émotion à chacune de ses interventions. Il faut noter la performance de la colorature américaine Celena Shafer, âgée de 22 ans seulement,  dans un air impossible qui culmine au contre-sol. Les choeurs sont abordés de manière plus classique encore et il ne serait pas surprenant de voir un jour figurer la superbe prière des malades parmi les compilations de choeurs d'opéras à destination du grand public. Elle constitue en tout cas une véritable scène de bravoure, au même titre que le choeur de White Chapel Road au premier acte ou que la mort d'Elephant Man.

L'enregistrement a été réalisé en 1999 à Monte-Carlo mais l'oeuvre ne sera présentée sur scène (dans une mise en scène de Daniel Mesguich et avec une distribution similaire) que l'année prochaine à Prague *, théâtre qui a décidé de l'inscrire aussitôt au répertoire. Nous ne doutons pas du succès de ces représentations au regard de la qualité de la partition et du potentiel dramatique  qu'elle recèle, et nous espérons assister très prochainement à la création française. Un regret pour terminer : le livret ne donne que peu d'informations sur les circonstances de la composition de l'oeuvre. Une telle entreprise aurait sans doute mérité un soin éditorial plus attentif. Cette réserve ne nous empêchera pas cependant de recommander chaleureusement la découverte de cet enregistrement à tous ceux qui pensent aujourd'hui qu'une oeuvre contemporaine peut regarder vers une certaine tradition sans être nullement passéiste pour autant.
  


Vincent Deloge


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En savoir plus sur Laurent Petitgirard : voir son site
 

(mise en ligne : 16/12/ 2001)
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