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Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827)

FIDELIO

Opéra en trois actes
Livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treitschke d'après la pièce de Jean-Nicolas Bouilly  "Leonore ou l'amour conjugal"

Leonore/Fidelio : Christa Ludwig
Florestan : Jon Vickers
Rocco : Walter Kreppel
Marzelline : Gundula Janowitz
Don Pizzaro : Walter Berry
Jaquino : Waldemar Kmentt
Don Fernando : Eberhard Waechter
Erster Gefangener : Kostas Paskalis
Zweiter Gefangener : Ljubomir Pantscheff

Chor und Orchester der Wiener Staatsoper 
Direction Herbert von Karajan

Berlin : 25 mai 1962

2 CDs DG
avril 2008




Christa ou l'amour musical


La musique de Beethoven occupa une grande place dans la carrière d'Herbert von Karajan, à la scène comme au disque, comme sont là pour le rappeler les quatre intégrales des symphonies réalisées par le maestro. Chef taillé pour le grand répertoire, les œuvres fortes et les compositeurs de légende, Karajan s'attaqua très vite à l'unique opéra écrit par Beethoven, Fidelio, sur lequel veillait jalousement Wilhelm Furtängler. Il dirigea cependant Martha Mödl dès 1952 à la Scala et en juin 1953 à Vienne avec les Wiener Symphoniker (Walhall), Christel Goltz à Salzbourg en 1957 (Hunt), Birgit Nilson à Milan (HRE), avant d'y pousser dans ses derniers retranchements la frêle Helga Dernesch (1970), bientôt victime de ses fantasmes pour Tristan und Isolde, les deux avec Jon Vickers (EMI).

En mai 1962, Karajan se voit confier par le Staatsoper de Vienne la direction et la mise en scène d'un nouveau Fidelio, dont l'enregistrement longtemps trouvable en 33T (Movimento musica) fait son entrée officielle en CD au catalogue DG. Les photographies prises pendant cette représentation publique nous renseignent sur l'esthétique résolument dépouillée, l'ascétisme assumé par Karajan dont la régie s'accorde à la lecture musicale hyper calibrée, faite pour répondre à des critères interprétatifs qui n'ont déjà plus l'exaltation des années cinquante.

La battue s'est nettement alourdie par rapport à 1953, même si le geste demeure large et permet de fulgurantes accélérations, les plans sonores sont plus détaillés malgré une pâte sonore onctueuse et homogène et le discours plus sérieux, plus intellectualisé a certes gagné en rigueur, mais perdu en spontanéité. La maitrise de l'orchestre est celle d'un konzertmeister dont la science musciale est immense, mais où la notion de partage, d'échange, a fait place à la domination.

Marchant sur les pas de sa propre mère avec une émotion palpable, Christa Ludwig qui venait de graver le rôle-titre pour EMI avec Otto Klemperer, une intégrale qui ferait date, réalise un formidable exploit (qu'elle renouvellera jusqu'en 1968 et dont il existe un témoignage filmé en novembre 1962 au Deutsche Oper de Berlin, dirigé par Arthur Rother). On mesure les efforts effectués par cette voix de mezzo longue et vibrante pour venir à bout de cette tessiture extrême, mais l'artiste n'y laisse aucune plume réussissant à maintenir la tension, à émouvoir et à exulter de bonheur dans les bras de son époux libéré, avec cette féminité, cette humanité et cette rondeur de timbre qui n'appartiennent qu'à elle. Mezzo-soprano assurément, qui osa pourtant Ariadne auf Naxos (à Salzbourg en 1964), Lady Macbeth (à Vienne en 1970) et de très nombreuses fois la Teinturière dans Die frau ohne Schatten....avec les succès que l'on sait. En légère méforme, Jon Vickers, mythique Florestan de Klemperer et de Karajan au disque, transforme son instabilité vocale en de déchirants accents qui rendent son incarcération et sa détresse plus vraies que nature. Lui aussi se consume sans tricher, bête de scène en toute circonstance.

Avant d'embrasser le rôle de Leonore (et avec Vickers à Orange en 1977), la fraîche Gundula Janowitz fait ses premières armes avec une Marzelline en tout point gracieuse, face au très collet monté Jaquino de Waldemar Kmentt. Walter Kreppel malgré une magnifique voix parlée, n'a pas la splendeur vocale de Gottlob Frick en Rocco et le grand Walter Berry se plait à camper un Pizzaro sanguinaire et despotique au détriment des mots qu'il prononce à peine et des graves qu'il essaie d'obtenir en ouvrant artificiellement les sons. A signaler dans le rôle de Don Fernando, la présence discrète du baryton Eberhard Waechter. Un document d'archives qui s'adresse d'abord aux initiés.

François LESUEUR

 


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