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Une flûte invisible…

Musique française à l’aube du XXème siècle


Debussy
Six épigraphes antiques
Trois chansons de Bilitis *
Le Faune §
La Flûte de Pan °

Caplet
Petite valse °
Rêverie °
Viens, une flûte invisible §°
Ecoute mon cœur *°

Roussel
Pan °
Deux poèmes de Ronsard §°

Godard
Viens ! §

Pierné
Les trois chansons §

Saint-Saëns
Une flûte invisible §°
Viens ! * §

Sandrine Piau, soprano *
Hervé Lamy, ténor §
Gilles de Talhouët, flûte °
Arthur Schoonderwoerd, piano

Durée totale : 72’54
Enregistré du 3 au 6 novembre 2004 à l’Auditorium d’Alençon
1 CD Alpha 096 – 3 760014 190964



Faune à la française

Naïades, satyres, faunes et autres divinités sylvestres peuplent ce disque et c’est avec précaution qu’il faut l’ouvrir, telle une boite de Pandore qui pourrait à tout moment laisser s’échapper ces étranges créatures. Car ce que ne dit pas le vague sous-titre du présent enregistrement, « musique française à l’aube du XXème siècle », c’est l’originalité et la cohérence remarquables de ce programme, qui met en perspective des œuvres, pour la plupart célèbres, afin de créer un système de résonances entre elles.

Viens, une flûte invisible soupire dans les vergers : qui aurait pu soupçonner la fortune que connaîtrait cette modeste chanson d’Hugo chez les compositeurs français ? Pas moins de six versions différentes sont réunies ici. Pourtant ce poème, loin d’être un tendre badinage, cristallise la sensibilité d’une époque – et d’un courant – pour tout ce qui touche à la nature dans ce qu’elle a d’indicible et d’invisible.

Bien plus qu’un disque à thème, les interprètes de ce projet nous racontent une véritable histoire en six tableaux (les six mouvements des Epigraphes antiques), durant laquelle les deux amants du dialogue hugolien se cherchent avant de se retrouver dans un ultime duo, dont le texte est celui-là même qu’ils avaient précédemment chanté chacun à leur tour… A l’auditeur ensuite, selon son humeur, de recomposer le programme (par compositeur, par cycle, par instrument) pour renouveler sans cesse le discours et confronter différemment les œuvres.

Harmonies étranges, mouvantes et fluctuantes, formation atypique (dont les déroutants Deux poèmes de Ronsard de Roussel pour ténor et flûte d’une éblouissante plénitude sonore), et mélange des timbres (jusqu’à la fusion idéale de la flûte, de la voix et du piano dans le Viens, une flûte invisible de Caplet) achèvent de donner une cohérence musicale à cet enregistrement.

La flûte de Gilles de Talhouët est d'une musicalité parfaite – notamment dans la touchante Rêverie de Caplet –, le chant de Sandrine Piau d’une grâce que son précédent récital Debussy laisser déjà deviner dans un tel répertoire, Hervé Lamy d’une diction irréprochable et d’une sensibilité a fleur de… mot, et le piano d’Arthur Schoonderwoerd d’une délicatesse et d’une attention (lorsqu’il accompagne) de tous les instants. D’aucuns pourront regretter ça et là quelques aigus serrés dans le Viens ! de Godard, un manque de couleur dans les Chansons de Bilitis ou encore un manque de liquidité dans les Epigraphes antiques. Mais paradoxalement, ces quelques imperfections donnent un petit arrière goût d’amertume qui convient parfaitement à cet univers où le sentiment agreste est tout empreint de mélancolie.


   Sévag TACHDJIAN

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