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Le Vœu de Louis XIII

Nicolas FORME


Assumpta est Maria - Guillaume Bouzignac
Fulcite me floribus - Etienne Moulinié
Missa duobus choris, Kyrie - Nicolas Formé
Missa duobus choris, Gloria - Nicolas Formé
Missa duobus choris, Credo - Nicolas Formé
Veni sponsa mea - Etienne Moulinié
Missa duobus choris, Sanctus - Nicolas Formé
Ego flos campi - Etienne Moulinié
Tu crois, ô beau soleil (instrumental) - Louis XIII
Missa duobus choris, Agnus Dei - Nicolas Formé
Salve Regina - Antoine Boesset
Litanies de la Vierge - Etienne Moulinié
Ecce tu pulchra es - Nicolas Formé
Domine salvum fac Regem - Nicolas Formé

Barbara Kusa, dessus
Damien Guillon, bas-dessus
Robert Getchell, haute-contre
Alain Buet, basse taille
Arnaud Richard, basse

Les Pages & les Chantres du Centre
de Musique Baroque de Versailles
Olivier Schneebeli, direction

Alpha 097, 55 min., enr. février 2005



Ce n’est pas être sage qu’être plus sage qu’il faut...


« Il a chassé le naturel, le naturel n'est pas revenu. »
Jules Renart,
Mémoires.




Le 10 Février de l’an 1638, Louis Treizième plaça solennellement le Royaume sous la protection de la Vierge par une royale déclaration. Il exigea que la Mère de Dieu soit célébrée avec pompe dans tous les évêchés de France chaque 15 août, fête de l’Assomption. C’est cet excellent prétexte qu’Olivier Schneebeli saisit pour présenter son programme bâti autour des compositions de la Chapelle royale se rapportant au culte marial, dans la France de Richelieu.

En dépit des assertions du livret – par ailleurs toujours aussi bien fait - qui invite à la découverte d’un « programme particulièrement chatoyant et d’une rutilance toute baroque », les pièces présentées ne sont guère impressionnantes pour le chroniqueur blasé que voici. Certes, l’instrumentation comprend cornets, sacqueboutes et violes de gambes, mais ceux-ci restent aussi efficaces que discrets, soutenant simplement les chœurs. Les amateurs de ritournelles instrumentales, de trompettes et de timbales tonitruantes passeront leur chemin, au grand soulagement de leurs voisins d’appartement.

En outre, le style des quatre compositeurs est très – trop - homogène. On retrouve au long des 55 minutes du disque une écriture ample et assez verticale, jouant souvent sur le choc des masses chorales d’un double chœur inspiré par Gabrieli et qui préfigure l’opposition du petit chœur (de solistes) au grand chœur (de choristes) caractéristique de la seconde moitié du Grand Siècle. Les passages solistes sont très courts, téméraires échappées héroïques du magma choral.

Les Pages & les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles assènent leurs parties avec ferveur et application, inébranlables et altiers. Les attaques sont précises, l’équilibre des voix particulièrement bien dosé, le continuo intelligent et sensible. De même, les solistes sont impeccables : saluons la magnifique Barbara Kusa au chant aérien d’une lumineuse clarté, Alain Buet qui émeut par la chaude onctuosité de son timbre, ou Robert Getchell exemplaire comme à son habitude. Seul Damien Guillon déçoit quelque peu par des aigus étroits et pincés. Les symphonistes, quant à eux, bénéficient d’une prise de son large et flatteuse qui permet de savourer le grain des archets, le souffle des sacqueboutes, la ductilité du cornet.

Mais alors, d’où diable – pardon – d’où diantre vient cette insidieuse monotonie qui envahit l’auditeur, pousse mécaniquement son bras à placer la 2ème version des Coronation Anthems de Haendel par Robert King (Hyperion) sur la platine, alors que ses lèvres murmurent un inavouable « voilà une bien belle musique, il est donc temps d’en changer » ?

Peut-être cet enregistrement trop ciselé respire t-il trop l’art voire l’artifice, laissant peu de place à l’expression et au sentiment. En effet, le « Vœu de Louis XIII » nous laisse sur notre faim, spectateur impuissant planté devant un tableau flamand au vernis trop brillant et trop lisse, fruit d’un consciencieux travail de restauration, placé au centre d’une salle immaculée derrière un triple verre anti-effraction : un peu plus de variété dans le choix des œuvres et dans les tempi, un zeste de spontanéité, de contraste, d’élan rugueux dans l’interprétation ne nous auraient pas déplus. Hélas, il faut attendre les 2 dernières minutes du disque pour que la tension se relâche dans un joyeux Domine salvum fac regem final où souffle un vent de liberté nouveau. Le sieur Quinault, créateur intarissable de maximes, écrivait : « ce n’est pas être sage qu’être plus sage qu’il faut », et il avait bien raison.



   Viet-Linh NGUYEN

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