C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Giuseppe VERDI (1813-1901)

La Forza del destino


Opéra en quatre actes sur un livret de Francesco Maria Piave
d’après le drame Don Alvaro o la fuerza del sino
de Angel Pérez de Saavedra, duc de Rivas


Donna Leonora di Vargas : Maria Callas
Don Alvaro : Richard Tucker
Don Carlo di Vargas : Carlo Tagliabue
Padre Guardiano : Nicola Rossi Lemeni
Preziosilla : Elena Nicolai
Fra Melitone : Renato Capecchi
Il Marchese di Calatrava : Plinio Clabassi
Mastro Trabuco : Gino Del Signore
Curra, Une Mendiante : Rina Cavallari
Un Chirurgo, Un Alcade, Un Giocatore, Un Soldato : Dario Caselli
Un Soldato, Un Giocatore : Giulio Scarinci
Un Soldato, Un Giocatore : Ottorino Begali

Orchestra e Coro del Teatro alla Scala di Milano
Maestro del Coro : Vittore Veneziani
Maestro Concertatore e Direttore : Tullio Serafin

Enregistré au « Teatro alla Scala » de Milan,
du 17 au 27 août 1954


Compléments : extraits de La Forza del destino
Donna Leonora di Vargas : Zinka Milanov
Don Alvaro : Jan Peerce
Don Carlo di Vargas : Leonard Warren
Padre Guardiano : Nicola Moscona
Un Giocatore : Raymond Keast
Robert Shaw Chorale, Robert Shaw, director
RCA Victor Orchestra
Direction : Renato Cellini et Jonel Perlea

Enregistré au « Manhattan Center » de New York en 1950, 1953 et 1955
Durées Cd 1 : 75’58 ; Cd 2 : 56’59 ; Cd 3 : 78’37
(dont 25’09 pour l’Acte IV et 53’28 d’extraits R.C.A.)
Durée totale de l’exécution de l’opéra : 2h. 37 mn. 37’’
Notes et résumé de l’intrigue par plage, en anglais
Naxos Historical 8.111322-24




La Forza…  di Maria, ou quand le génie transfigure l’entourage


Naxos a l’honnêteté de préciser que l’enregistrement reflète la première publication en Lp, ne comportant pas la scène de Fra Melitone servant la soupe aux pauvres, au début du quatrième acte. Ce morceau fut pourtant enregistré mais écarté pour cause de limite de durée des disques microsillons. Bien des années plus tard, il fut inclus et publié dans l’intégrale, mais n’est pas encore tombé dans le domaine public et donc Naxos ne peut le publier et propose à la place une série d’extraits gravés à l’origine par la RCA Victor.

Maria Callas règne sur cette intégrale, non en vedette de couverture mais bien en interprète exceptionnelle et complète ! Tour à tour amère, anxieuse ou apaisée, vibrante, déchirée, menaçante même (avec le bon Padre Guardiano !), elle est une Donna Leonora di Vargas achevée. On retrouve cette intelligence du chant et de l’interprétation exemplaires, et jusque dans les moindres détails. Il faut remarquer par exemple, avec quel accent désolé elle traduit la détresse du personnage devant choisir entre son père et celui qu’elle aime, dans son « Diman si partirà. » (On partira demain - Acte I).
Rappelons qu’elle fréquenta peu le rôle sur scène, ce qui apparemment ne l’empêche pas de l’habiter de bout en bout ! Ayons alors d’emblée l’honnêteté de dire que cette intégrale vaut pour elle, malgré les mérites de son entourage, qui, à lui seul, ne tient pas la confrontation avec les Del Monaco, Corelli, Bergonzi, Bastianini, Molinari Pradelli… des autres exécutions disponibles.

En ce qui concerne Richard Tucker en Don Alvaro, le manque de séduction de son timbre nasal une fois mis de côté, on considère – et on apprécie, résigné - la solidité et une certaine chaleur dans l’émission. On lui a reproché son italien guindé mais il a au moins l’intelligence de la parole, non seulement une diction claire mais également une juste accentuation, selon le sens des mots qu’il prononce. On retient le style du récitatif de son grand air (qui hélas commence par un vilain coup de glotte, alors que l’on se disposait, en toute bonne foi, de ne pas penser au superbe piano que Giuseppe Di Stefano faisait à cet endroit). Les effets appuyés qui suivent ne sont pas plus efficaces, malheureusement, que sa sobre intelligence du chant au premier acte. On note de même, dans les trois duos avec le baryton, une belle attaque méritant d’être signalée et prouvant que le ténor américain n’avait pas besoin d’artifices.

On a beaucoup écrit, en parlant de Carlo Tagliabue en Don Carlo di Vargas, que le grand baryton l’avait enregistré trop tard, or il n’avait à l’époque que cinquante-six ans ! …et trente-deux ans d’une carrière qu’il ne terminerait qu’en 1962. Evidemment, dans son air, on a l’impression soit d’une certaine fatigue, ou alors d’une trop grande attention à sa ligne de chant, plutôt que de vivre ses paroles d’amère vengeance, comme le faisait Ettore Bastianini, certes moins stylé, mais avec un mordant impressionnant et une beauté de timbre qui fait beaucoup pardonner. En fait, l’audition de sa précédente intégrale, plus jeune de onze années, le montre à peine plus incisif mais en tout cas il nous dessine ici un Don Carlo de belle tenue.

Avec Nicola Rossi Lemeni, on découvre un Padre Guardiano qui chuchote, parle en tremblant, fragile ou tourmenté, et dont la Callas semble ne faire qu’une bouchée, au début de leur grand duo. Il semble en retrait même dans le grand Finale de l’opéra, alors qu’il exhorte Don Alvaro à l’humilité.

Elena Nicolai, de son timbre « gras », fait de Preziosilla une bohémienne qui a du métier mais heureusement ne force pas le trait. A l’ineffable Fra Melitone de Renato Capecchi, qui l’interpréta tellement, on pardonnera de charger quelque peu son rôle : il reste dans le ton du personnage de bourru bienfaisant.

Les rôles secondaires, à commencer par le Marchese di Calatrava de Plinio Clabassi, sont tous bien tenus, et le « Coro del Teatro alla Scala », instruit par Vittore Veneziani, se montre toujours à la hauteur de la réputation de l’illustre Théâtre. A la tête de l’orchestre idéal pour cette musique (et bien d’autres), Tullio Serafin fait montre de ses qualités (énergie dramatique), comme de ses défauts (brusquerie et sécheresse des accords plaqués), mais nous donne dans l’ensemble une concertazione efficace.


Les extraits R.C.A. nous permettent de découvrir la Donna Leonora de grande classe de Zinka Milanov, beauté du timbre et chant raffiné n’excluant pas la vaillance. Jan Peerce (Don Alvaro) présente un timbre plus nasal encore que celui de Richard Tucker et une prononciation laborieuse de l’italien. Une belle solidité dans l’émission et une certaine chaleur de la voix en rachètent le caractère ingrat. Don Carlo di Vargas est le célèbre Leonard Warren : on retrouve la belle pâte de voix qu’on lui connaît, l’art du chant nuancé, mais aussi la prononciation de l’italien imparfaite. Il nous gratifie en revanche d’un bel aigu éclatant à la fin de sa cabalette, comme jamais ses collègues n’en ajoutent. Pour le peu qu’on l’entend dans ces extraits, Nicola Moscona est un Padre Guardiano un peu neutre mais efficace. On apprécie la direction vibrante et nerveuse de Renato Cellini (Jonel Perlea ne dirige que les airs « O tu che in seno agli angeli » et « Pace, pace, mio Dio ! »).


Yonel BULDRINI


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