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HAENDEL - Fleming

George Frideric Handel (1685-1759)
Renée Fleming

Orchestra of the Age of Enlightenment
Harry Bicket

1. Oh sleep, why dost thou leave me ? - Semele
2. Endless pleasure - Semele
3. Scoglio d'immota fronte - Scipione
4. Quando spieghi I tuoi tormenti - Orlando
5. Ombra mai fù - Serse
6. To fleeting pleasures make your court - Samson
7. Lascia ch'io pianga - Rinaldo
8. Dunque, I lacci d'un volto... Ah! crudel - Rinaldo
9. Let the bright seraphim - Samson
10. V'adoro, pupille - Giulio Cesare
11. Da tempeste il legno infranto - Giulio Cesare
12. Ritorna, oh caro e dolce moi tesoro - Rodelinda
13. Sommo rettor del cielo... D'una torbisa sorgente - Lotario
14. Pensieri, voi mi tormentate - Agrippina
15.  Bel piacere è godere fido amor ! - Agrippina
16. Calm thou my soul... Convey me to some peaceful shore - Alexander Balus

DECCA 475 6186 DSA

Enregistré du 15 au 24 novembre 2003
au Colosseum de Watford



Il n'y a pas de hasard. A l'heure où Mondovino de Jonathan Nossiter, une réflexion sur le vin et la mondialisation, s'affiche au cinéma, le même propos peut s'appliquer à l'actualité discographique au travers de deux récitals dédiés à Haendel et à la voix de soprano. D'un côté, Sandrine Piau et Christophe Rousset chez Naïve jouent le petit viticulteur bourguignon ou languedocien qui, porté par sa seule passion, produit un cru rare et précieux. De l'autre, ce disque de Renée Fleming se range plutôt dans le camp des grands producteurs qui stockent le jus de raisin dans des barriques de bois neuf pour lui assurer un goût vanillé propre à séduire le plus grand nombre. Malheureusement, c'est ici cette bouteille que nous débouchons.

Mais auparavant, on admirera le flacon. Renée, plus star que diva, plus Hollywood que Scala, sur fond écarlate, comme une rose perdue au milieu de ses pétales, exhibe un regard en coin et un sourire enjôleur. En haut à droite, un sticker argenté annonce "Plays on SACD & CD Players". On ne lésine pas sur les moyens. La meilleure technique est convoquée. Le produit sera de luxe, superbe et raffiné.
Au verso, un examen des airs proposés continue d'inciter à la consommation. Des tubes pour ne pas effrayer le néophyte, des raretés pour convaincre le connaisseur, des opéras en italien, des oratorios en anglais. Chacun y trouvera son compte.

La liqueur bachique se versera dans un verre, à pied évidemment. Dès les premières gorgées du "Oh Sleep, why dost thou leave me ?", le plaisir est immédiat, le confort évident. La voix coule, souple et suave, sur le continuo. L'air suivant, "Endless pleasure", extrait de la même oeuvre, confirme la bonne attaque. En revanche, quand ensuite Bérénice de Scipione est conviée, on aimerait que la dame s'oxygène un peu. La vocalise se devrait plus précise, plus affûtée, comme ces notes répétées qui imitent les battements du coeur de l'héroïne. Plus loin, "Let the bright Seraphim" et surtout "Da tempeste il legno infranto" souffriront aussi du manque d'agilité. De la comparaison alors inévitable avec l'interprétation de Sandrine Piau (l'air de Berenice ouvre son récital) surgit l'analogie avec Mondovino. Pris d'un doute, on balaye rapidement les différentes plages du disque jusqu'à ce que l'évidence s'impose. Les portraits défilent identiques. Dorinda, Dalila, Cleopatra (de Giulio Cesare comme d'Alexander Balus), Agrippina ont toutes la même apparence ronde et polie qui les prive de caractère, ce fameux parfum de vanille...

Lorsque surviennent les tubes, "Ombra mai fù" ou "Lascia ch'io pianga", le vin est carrément éventé. Les scies du répertoire demandent pour garder leur pouvoir de séduction un peu plus de charpente. Elles engendrent sinon l'ennui.

En fin de compte, outre Semele, seules Armida ("Dunque, I lacci d'un volto... Ah! Crudel") et Rodelinda ("Ritorna, oh caro e dolce moi tesoro") se détachent avec netteté. La dernière surtout, charnue, équilibrée avec ce moelleux incomparable qui, si l'on quitte le domaine de l'oenologie pour celui de la pâtisserie, amena Sir Georg Solti à surnommer la cantatrice "double cream".

Tout au long de la dégustation, l'orchestre accompagne avec déférence la déesse, lui ouvre le passage, gomme l'angle pour ne pas faire ombrage à la somptuosité du timbre, ponce la note, s'agite avec distinction ou traîne avec complaisance. Dommage ; on apprécie dans un ensemble baroque, comme dans un Sancerre, qu'il soit certes harmonieux et long, mais aussi vif, ample, fruité. Car l'hédonisme sonore, érigé comme principe, convient mal à l'art lyrique. Il est tout de même un peu triste de boire sans ressentir la moindre ivresse.


Christophe RIZOUD




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