C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Richard WAGNER (1813-1883)

    THE GREAT OPERAS FROM THE BAYREUTH FESTIVAL


Artistes divers

CDs 1& 2
Der fliegende Holländer
Anja Silja / Fritz Uhl / Josef Greindl / Franz Crass
Wolfgang Sawallisch

CDs 3-5
Tannhäuser
Silja / Wolfgang Windgassen / Eberhard Wächter /
Josef Greindl
Wolfgang Sawallisch

CDs 6-8
Lohengrin
Anja Silja / Astrid Varnay / Jess Thomas / Ramon Vinay
Wolfgang Sawallisch

CDs 9-11
Tristan und Isolde
Birgit Nilsson / Wolfgang Windgassen
Karl Böhm

CDs 12-15
Die Meistersinger von Nürnberg
Hannelore Bode / Jean Cox / Bernd Weikl / Karl Ridderbusch / Sans Sotin
Silvio Varviso

Der Ring des Nibelungen:
CDs 16 & 17
Das Rheingold
Annelies Burmeister / Wolfgang Windgassen / Theo Adam /
Gustav Neidlinger
Karl Böhm

CDs 18-21
Die Walküre
Birgit Nilsson / Leonie Rysanek / James King / Theo Adam
Karl Böhm

CDs 22-25
Siegfried
Birgit Nilsson / Wolfgang Windgassen / Theo Adam
Karl Böhm

CDs 26-29
Götterdämmerung
Birgit Nilsson / Wolfgang Windgassen / Josef Greindl /
Gustav Neidlinger
Karl Böhm

CDs 30-33
Parsifal
Waltraud Meier / Peter Hoffmann / Hans Sotin / Simon Estes
James Levine

Chœur et Orchestre du Festival de Bayreuth
Wolfgang Sawallisch, Karl Böhm, Silvio Varviso, James Levine

33 CD DECCA, 478 0279


Mythique


Mythique, c’est le premier adjectif qui vient à l’esprit. Spontanément, donc, oui ce coffret est mythique. Mythique et pas cher, pour être précis – ce qui, mis bout à bout suppose un sacré intérêt, suffisant déjà ! Ceci dit, on épuisera bien des épithètes avant d’arriver à décrire ce que cet ensemble représente pour l’histoire et pour le mélomane.

Il faut commencer, cependant, par dire que rien ne fait figure de nouveauté ici. Seul le « rhabillage » compte ; encore est-il fait a minima. Beau coffret ; pour le reste – éditorialement s’entend – il faudra aller chercher ailleurs les outils d’interprétation de… l’interprétation wagnérienne. C’est dommage, forcément, parce que l’objet s’adresse avant tout aux néophytes – ou à ceux qui, comme moi, avaient besoin de remettre à plat leurs vieilles éditions afin de contenter leur compulsivité freudienne.

Donc pas de poulains ici ; rien que des chevaux de trait de l’industrie discographique. Il faut pourtant dire, aussi, que la « vieille » édition Bayreuth de Philips n’a pas été reprise dans son intégralité ; et que DECCA n’a pas, non plus, cherché à placer de manière obligatoire ses pions « maison ». Bref, cela fait un assemblage pas forcément attendu. Exit par exemple le « Ring » de Boulez au profit de celui de Böhm ; même cas de figure pour le « Hollandais » de Nelson qui cède sa place à celui de Sawallisch.

Mais quand je dis mythique, il faut quand même s’entendre. Je vous le dis en confidence, tout n’est pas de la même eau dans ce coffret. Il y a même des égarés : il faudra donc passer vite, vite sur les « Maîtres » de Varviso qui ne valent grosso modo que pour le Sachs de Ridderbusch. Et – pardon à lui – il conviendra de ne pas trop s’attarder sur le « Parsifal » de Levine qui a fait un remake autrement palpitant – sous étiquette jaune – de l’épopée du « chaste fol ». Et ceci, d’ailleurs, en dépit d’une Meier à son initium, vrai mezzo encore – et quel mezzo ! Il y avait Knappertsbusch…

Mais… Mais qui pourra se retenir devant un « Ring » et un « Tristan » de Böhm – presque des hiatus, eux dont les leitmotiv se coulent si bien dans une matière pétrie d’une main de poète, ce qui d’ailleurs n’empêche jamais ni la hauteur de vue ni le drame ni les fracas ? Qui pourra ne pas exulter de retrouver – c’est l’histoire du gant de la « Vie parisienne » - les bains de soufre en fusion de Sawallisch ? Et Nilsson – hantée et hantante ? Et Mödl – ruinée certes, mais ruinée comme peut l’être un théâtre antique grec encore bruissant de tragédies plurimillénaires ? Et Rysanek, femelle primale devant le frêne ? Et Windgassen « simplement » - et à jamais – supérieur ? Et…

Surtout, le coffret expose – surexpose – des visions. Des visions fugaces, fugitives mais aussi – et plus souvent peut-être – de vraies visions prophétiques : dans des voix diffractées comme des bouts de miroirs atomisés ; à l’orchestre aussi. Des visions dures parfois, interventionnistes, dont l’accès peut paraître périlleux, sans joliesse ; heurté, hostile souvent et cela même chez Böhm, quasi abstrait pour le duo d’amour de « Tristan ».

Laisser de côté le « Hollandais » de Nelson – bon sans plus une fois qu’on l’a privé de l’imagier de Küpfer – pour rééditer celui de Sawallisch, c’est ainsi un choix courageux, presque téméraire ; parce qu’il est arraché comme une lame de fonds, éviscéré presque, d’un chant éperdu, acide parfois. Reprendre son « Lohengrin » - qui est sans doute le plus politiquement incorrect de la confrontation, le plus moite, le plus turpide – ne l’est pas moins. Parce que, là encore, la fresque est tout sauf une enluminure, que l’éclairage est cru et les violons verts, stridents presque au prélude ; parce que Silja – verte elle aussi, et ce n’est rien de le dire – est hallucinée ou illuminée, c’est selon ; la seule pour qui le « Rêve d’Elsa » veut vraiment dire quelque chose. Parce que Thomas pue un érotisme trouble peu compatible avec l’image – d’Epinal – lumineuse de Lohengrin et qui prend à la gorge : exit le cygne, voilà la Harley de « La chevauchée fantastique ». Parce que Varnay, aussi, fait surgir des images fuligineuses, des cauchemars alla Otto Dix en Ortrud de « Grand Guignol », dégouttant de haine, de bassesse avec grimoire et hémoglobine – et diabolique de vocalité dardée !

Evidemment cela fait de ce coffret un objet profondément univoque. Mais peut-on seulement s’attaquer à Wagner en étant consensuel ou simple musicien ? Il témoigne en fait avant tout – et c’est bien le plus important, pour ne pas dire le plus excitant – comme l’on peut, comme l’on devrait toujours se jeter dans le bain wagnérien sans arrière-pensées à cœur, à corps – et à voix – perdus. Le voyage, cette formidable odyssée humaine, avec un Windgassen juvénilissime, avec un Greindl rocailleux, avec une Silja rude, brutale – tous ceux-là même abrités des diaprures des arches de velours de Böhm – s’en trouve alors éclairé d’une lumière particulière, crue souvent mais attirante. Attirante comme peut l’être une bougie pour un papillon ; au risque de s’y roussir un peu les ailes, l’imaginaire ou l’oreille.

Mythique et… grisant.



Benoît BERGER


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