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Philippe BOESMANS (né en 1936)

JULIE

Opéra en un acte et douze scènes 
Livret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger
díaprès Mademoiselle Julie díAugust Strinberg

Jean, Gary Magee
Julie, Malena Ernman
Kristin, Kerstin Avemo

Orchestre de chambre de la Monnaie
Direction Kazushi Ono

Live, Bruxelles mars 2005 

Editions CYPRES


Après La ronde (1993) et Le Conte d'hiver (1999), respectivement tirés de Schnitzler et de Shakespeare, le compositeur Philippe Boesmans a choisi de mettre en musique la pièce de Strinberg, Mademoiselle Julie. Créée le 8 mars 2005 au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, Julie, également présentée en mai à Vienne, puis au Festival d'Aix-en-Provence, a fait l'objet du présent enregistrement publié par le label Cyprès.

Ce nouvel opéra marque le retour de Boesmans à un univers plus intime et plus noir. Condensé par rapport à l'original, ce huis clos à trois personnages que leurs conditions sociales séparent, mène en effet inexorablement vers le drame et non vers un quelconque marivaudage. Julie, dont les fiançailles viennent d'être rompues, courtise le valet de son oncle la nuit de la Saint-Jean, mais au lieu de fuir vers un nouveau destin se suicide, mettant ainsi fin à sa déconvenue et à sa propre déchéance.

Une fois de plus le style de Boesmans, reconnaissable à ses efflorescences fantastiques, procurées par une instrumentation ondoyante, ponctuée par des accents incisifs qui rappellent Berg et Britten pour le climat et Strauss pour la fluidité, fait merveille. Vécue en temps réel, l'action progresse et accompagne l'affrontement terrible des deux protagonistes (Julie et Jean), dont chaque échange est souligné par un orchestre aux couleurs peu graduées, mais à la texture extrêmement travaillée. 

Kazushi Ono dirige les dix huit musiciens de l'Orchestre de chambre de La Monnaie (cordes, bois, cuivres, harpes, percussions et célesta) avec autorité, maniant les rythmes et les timbres de cette subtile partition, tout en dégageant les nombreux thèmes emmêlés, dont le superbe motif de la Nuit de la Saint-Jean, repris plusieurs fois à la manière d'un leitmotiv wagnérien.

Comme dans ses précédents opus, la force du compositeur réside dans l'efficacité dramatique du récit et dans l'écriture vocale respectueuse des voix et de la prosodie (ici l'allemand). Le spectacle conçu main dans la main avec Luc Bondy, également auteur du livret avec Marie-Louise Bischofberger, retransmis l'été dernier par France Télévision, participe de cette réussite, par son intensité, son érotisme latent et son atmosphère étouffante.

Magnifiquement habitée, la Julie de la mezzo-soprano suédoise Malena Ernman, bien plus pertinente que dans l'Hercule de Haendel (Bondy/Christie vu à Aix et à Paris), surprend par sa capacité à passer de la provocation à l'humiliation, en assumant crânement les failles de son personnage pour le mener sans complaisance vers la mort. Séducteur, arrogant et veule, le baryton Gary Magee compose un étonnant Jean, qui retourne la situation à son avantage, se jouant de Julie après avoir lui-même été son jouet, avec une incroyable perversité. Incapables de s'aimer sans se faire souffrir, ces deux êtres préfèrent se combattre, arbitrés par la frêle Kristin, fiancée bafouée mais lucide de Jean, interprétée avec justesse par la soprano Kerstin Avemo. Une oeuvre ambitieuse et haletante à découvrir sans tarder.
 
 

François LESUEUR


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