C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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GREAT OPERATIC ARIAS

Airs et duos extraits de
Adriana Lecouvreur, La Favorita, Il Trovatore,
La Gioconda, Don Giovanni, Rienzi,
Semele, Tancredi, Norma,
Don Carlo, Roméo et Juliette


Jennifer Larmore, mezzo-soprano
Philharmonia Orchestra
David Parry

1 CD Chandos, CHAN 3142




Marginal. Et alors ?


Pourquoi se le cacher ? Ce récital a des défauts ! Un surtout, qui est presque rédhibitoire : il est intégralement chanté en anglais. L’exercice est courant outre-Manche mais il faut reconnaître que de notre côté du Channel, rien ne justifie que nous y souscrivions. Grosso modo, dans un monde parfait, une « Valse de Juliette » en anglais ne devrait pas trouver beaucoup d’acheteurs dans l’hexagone. On se demande même franchement pourquoi un tel disque a trouvé les chemins de la France… Sans doute parce que c’est Jennifer Larmore qui est enregistrée – pour mémoire, le récital de Della Jones chez le même éditeur, qui vaut son pesant de sucettes, n’a pas eu la même chance.

Passé cela on est très, très heureux de retrouver la diva. Ceci dit il faudra passer par une autre caractéristique de l’album qui tient à son style même. Et quand je parle de style… Clairement, nous avons affaire à tout, ici, sauf au déploiement d’un chant stylé. Une déferlante, oui ; un combat de catch féminin, oui – c’est particulièrement le cas dans Norma ; du beau chant, non ! Nonobstant cela, on peut raisonnablement être client de cette optique, surtout en ces années où, avouons-le, l’hyper-calibrage au quart de dixième de coma près est devenu monnaie courante. Alors, oui à cette esthétique pompier, brûlante, saignante qui a un petit arrière-goût du MET ou de l’Italie des années 1940 : Cigna, Caniglia et Milanov  et leurs consoeurs 4 x 4 ne sont pas très loin !

Si vous avez réussi à passer le duo de La Gioconda sans manifestation violente de votre animal de compagnie, de votre voisin cacochyme ou de toute autre forme d’autorité supérieure et/ou incontrôlable, il est même bien possible que vous preniez – comme moi – un vrai et sincère plaisir à l’écoute de ce disque. Compte tenu de cela, il faudra quand même dire que ce n’est pas le genre de récital que l’on écouterait tous les jours : sur la longueur, son jusqu’au-boutisme permanent peut fatiguer.

Et Larmore ? Sans doute elle est entrée dans sa belle maturité. Sans doute, aussi, le timbre a perdu de sa fraîcheur – mais il est toujours bien impressionnant – exposant de grandes plaques grises, opaques, surtout sensibles dans le bel canto : Tancredi et La Favorita s’en ressentent malgré le soin apporté à une ligne de chant bien soutenue. Sans doute, enfin, Larmore va là où elle ne devrait s’aventurer que très prudemment : sa Juliette body-buildée fait réfléchir – on imagine mal le Roméo assorti !

Il y a pourtant de belles surprises ici ; très belles même et franchement inattendue. C’est Adriana Lecouvreur, Rienzi, Don Carlo. Là, la voix connaît des moments de pure merveille, d’expansion furieuse, arrachée toujours mais d’une éloquence brute de falcon fuligineux qui laisse rêver des prises de rôle à venir – peut-être !

Alors, oui, c’est en anglais - surtout ; oui c’est d’un goût parfois douteux ; oui c’est donc condamné à rester relativement marginal. Mais malgré tout cela – ou à cause de – il faut quand même tenter le coup de se frotter à ce chant que l’on regrettera sans doute un jour.

Benoît BERGER



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