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(Gustav Mahler)

Gustav MAHLER 
Das Lied von der Erde

version réorchestrée par A.Schoenberg et R. Riehn (1988)

Gilles Ragon (ténor) - Vincent Le Texier (baryton)
Ensemble Orchestral Contemporain
direction Daniel KAWKA

1 CD Selena SEL 02-0301



Enregistrement doublement désarçonnant de l'ultime chef-d'oeuvre vocal de Mahler. Tout d'abord parce qu'il s'agit de la version pour ténor et baryton au lieu de celle, traditionnelle, pour ténor et contralto. Dietrich Fischer-Dieskau l'avait déjà gravée, par deux fois (Bernstein, Kletzki). L'Abschied final semble étrangement différent, mais tout aussi douloureux. Ensuite parce que l'éditeur a choisi l'instrumentation d'Arnold Schönberg pour ensemble instrumental. En effet, en lieu et place du grand orchestre symphonique, nous avons ici une instrumentation succincte, dont voici la nomenclature : deux violons, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, piano, harmonium et deux percussions. Schönberg a-t-il laissé cette instrumentation inachevée ? On peut le croire, Raiser Riehn l'ayant terminée en 1983, d'après la notice introductive. Cette nouvelle parure paraîtra étrange à tout familier de l'oeuvre, en particulier dans le quatrième lied, Von der Schönheit, qui requiert la pleine puissance orchestrale. On pourra regretter aussi l'alchimie de timbres dans la marche funèbre d'Abschied. Mais il faut avouer que cette "chambrisation" fait parfaitement ressortir le travail compositionnel de Mahler, et l'opposition homme/femme  - ombre/lumière sur laquelle insiste beaucoup Daniel Kawka.

Si le timbre de Gilles Ragon, musicien scrupuleux, se révèle parfois ingrat, celui de Vincent Le Texier, grand interprète de lieder, semble idéal, et son Abschied est très ressenti.

Vision fort attentive de Kawka, qui rend bien l'ambiance "chinoise" du troisième lied, Von der Jügend, et décortique impeccablement l'admirable marche funèbre-interlude d'Abschied. Nous ne sommes sans doute pas émus comme avec Kathleen Ferrier, mais passionnément intéressés. Version atypique donc, tout à fait fascinante, et qui fascinera peut-être plus les historiens de la musique que les afficionados de Mahler. Quoique. Le Chant de la Terre est-il une grande cantate dramatique ou le creuset d'une expérimentation expressionniste ? Bruno Walter / Daniel Kawka : même combat ?
  


Bruno Peeters
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