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Benjamin BRITTEN (1913-1976)

THE RAPE OF LUCRETIA

Opéra de chambre en deux actes
Livret de Ronald Duncan d’après Le viol de Lucrèce de André Obey.

Male chorus : Anthony Rolfe-Johnson
Female chorus : Kathryn Harries
Lucretia : Jean Rigby
Tarquinius : Russell Smythe
Collatinus : Richard van Allan
Junius : Alan Opie
Bianca : Anne-Marie Owens
Lucia : Cathryn Pope
English National Opera Orchestra
Lionel Friend

Channel four television RM/Arts 1987
DVD Arthaus Musik (102 021)




Comme chez Janacek, dont la musique extrêmement visuelle appelle le théâtre, l’univers musical de Britten se voit autant qu’il s’écoute et gagne à être représenté scéniquement. Second ouvrage lyrique créé à Glyndebourne le 12 juillet 1946, The rape of Lucretia, spécialement écrit pour l’organe abyssal de Kathleen Ferrier, appartient à ces opéras de chambre que Britten affectionnait tant. Après l’imposant Peter Grimes, le compositeur réduit de manière drastique le nombre de personnages, ainsi que la formation orchestrale qui ne dépasse pas quinze instruments. L’auteur en s’engageant dans cette voie originale et inexploitée entendait résoudre les difficultés liées à la mise en scène et en baisser le coût, tout en se faisant l’apôtre d’un genre dans lequel il allait briller. Devenu à la suite du succès remporté par Peter Grimes en 1944 le plus important dramaturge lyrique d’Angleterre, Britten allait bientôt fonder le Festival d’Aldeburgh, où la plupart de ses œuvres seraient créées. Parallèlement à Billy Budd et à Gloriana que l’on peut cataloguer dans les grosses productions, The rape of Lucretia, puis The little sweep, Let’s make an opera ou The prodigal son sont à ranger dans les œuvres de petites tailles.

La production de l’English National Opera qui nous parvient aujourd’hui, réalisée en 1987 par les forces de Channel four TV, est une réussite. L’image est travaillée avec intelligence, le recours aux gros plans et aux surimpressions est toujours justifié, les lumières sont savamment dosées. La mise en scène de Graham Vick est d’une belle efficacité, jouant sur la sobriété et le dépouillement, avec raison. Alors que le chœur d’hommes et de femmes domine l’assistance du haut d’une arène invisible, les mains fermement accrochées à la barre, comme au tribunal, la caméra les délaisse dès qu’il s’agit de se focaliser sur l’histoire de Lucrèce. Le procédé est simple mais l’effet garanti, d’autant que les commentaires choraux peuvent alors s’intégrer à l’action, comme une voix off. Un plancher nu fait de lattes brutes, quelques parois coulissantes et des silhouettes découpées noir sur blanc, une esthétique japonisante et minimaliste sert d’écrin à ce drame de la jalousie auquel se livrent Romains et Etrusques. Lucretia, seule femme romaine à être demeurée vertueuse en l’absence de son mari, sera finalement violée par Tarquinius et préférera se donner la mort malgré le pardon de son époux, Collatinus. Jean Rigby possède une belle voix de mezzo, chaude et ambrée, un registre grave solide et équilibré qui conviennent parfaitement à ce portrait de femme intègre et passionnée, qui refuse la honte et meurt apaisée. Belles prestations de ses servantes, la mezzo-soprano Anne-Marie Owens (Bianca) et la soprano Cathryn Pope (Lucia). L’interprétation sur le fil de Richard van Allan, Collatinus d’une grande probité musicale, le Junius rebelle et sanguin confié à la belle voix brune d’ Alan Opie et le Tarquinius vipérin de Russell Smythe, comédien malheureusement assez limité, confirment les qualités de l’école de chant britannique. Kathryn Harries (Female chorus) et Anthony Rolfe-Johnson (Male chorus), sont tous les deux saisissants et confèrent à leurs interventions une part indispensable d’émotion et l’humanité. Invisible mais ô combien important, l’Orchestre de l’ENO, conduit avec vigueur et éloquence par Lionel Friend, emporte l’adhésion, collant à l’âpreté du discours musical, grâce à une tension jamais relâchée et à un sens aigu de la narration.


   François LESUEUR

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