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Gustav MAHLER (1860 - 1911)
 

Symphonie n°2
en ut mineur "Résurrection"

Latonia Moore, soprano
Nadja Michael, mezzo soprano

Wiener Singverein - (Direction : Johannes Prinz)

Wiener Philharmoniker
Direction : Gilbert Kaplan

2 CD DG 474 380 - 2
Durée totale : 1 h 25 environ

Édité avec l'aide de la Fondation Kaplan - New York

CD 1

I. Allegro maestoso

CD 2

II. Andante moderato

III. In ruhig fliessender Bewegung

IV. Urlicht (Des Knaben Wunderhorn)
Sehr feierlich, aber schlicht (Choralmässig)

V. Im Tempo des Scherzo - Langsam
Maestoso - Allegro energico
Lansam -"der grosse Appell"
Langsam misterioso
mit Aufschwung, aber nicht eilen - Langsam



BEAUCOUP DE BRUIT POUR PAS GRAND CHOSE...
 Comme la symphonie n° 3 dont Pierre Boulez vient de graver une nouvelle version, la n°2 ne rencontra guère, au départ, de succès auprès de la critique, surtout lors de l'audition de ses trois premiers mouvements. Pourtant, il s'agit d'une oeuvre extraordinaire, qui fascinera et bouleversera Schönberg et dont la genèse est une des plus étonnantes de toute l'histoire de la musique. Mahler mit plusieurs années à la composer, de 1888 à 1894, période durant laquelle il n'écrivit par ailleurs que des lieder. Le texte chanté par le contralto solo "Urlicht" ("Lumière originelle") est d'ailleurs tiré du Knaben Wunderhorn. Quant au scherzo, il fut composé pratiquement en même temps que le célèbre Des Antonius von Padua Fischpredigt, dont il reprend le thème en le démultipliant.

Traversée par l'obsession de la mort et la sourde interrogation sur ce qui lui succède, la symphonie trouvera enfin sa réponse dans l'apothéose du chant final : 

"Ressusciter, oui tu vas ressusciter, mon coeur, en un instant
Et ce que tu as vaincu te portera vers Dieu".


(Klopstock/Mahler)

Décidément, diriger les symphonies de Mahler n'est pas chose facile, d'autant plus que son oeuvre, monumentale et incontournable, a attiré les plus grands chefs d'orchestre et chanteurs et bénéficie, il faut bien le reconnaître, d'une très riche discographie.

C'est le cas en particulier, pour la Deux, dite Résurrection, dont l'immense Bruno Walter a gravé une version pour CBS en 1958, avec le New York Philharmonic et Maureen Forrester (CBS Masterworks M2K 420 032) mais aussi une autre, antérieure et plus difficile à trouver, avec l'irremplaçable Kathleen Ferrier. Il convient de rappeler que Walter était l'assistant de Mahler au moment de la première audition complète de cette oeuvre à Berlin, en 1895.

Plus près de nous, également pour DG, Claudio Abbado en a dirigé une très belle lecture, enregistrée en public, avec le Wiener Philharmoniker, Cheryl Studer et Waltraute Meier (n° 439 953-2).

A l'audition de ce nouvel enregistrement, on peut se demander s'il était vraiment nécessaire, même si la notice indique qu'il s'agit de "la nouvelle édition officielle" réalisée par Gilbert Kaplan lui-même. Certes, ce chef a dirigé l'oeuvre à la tête de plus de cinquante orchestres et l'avait déjà enregistrée une première fois avec le London Symphony Orchestra, chez Conifer en 1988, avec un certain succès.

Oui, mais voilà, si son enthousiasme, sa ferveur sont dignes de respect et presque touchants, ce diable de Mahler en a fait chuter plus d'un. Et là où Boulez déçoit à force de décortiquer l'oeuvre avec froideur, distance et une démarche quasiment "chirurgicale", Kaplan ne réussit pas mieux. Boulez gommait les contrastes, Kaplan les accentue jusqu'à la boursouflure. Le résultat est pompeux, tonitruant parfois, et au bout du compte indigeste, surtout quand on compare avec Walter, Abbado et cet autre grand mahlérien qu'est Bernard Haitink.

Mahler est un compositeur complexe et avec cette nouvelle version, on touche encore du doigt la difficulté qui en résulte : l'idéal, pour interpréter ses oeuvres, serait de parvenir à un juste équilibre entre la froideur analytique, nécessaire, certes, mais qui doit être moyen plutôt qu'une fin en soi, et l'idolâtrie extatique, proche d'une dévotion tellement respectueuse qu'elle en devient dégoulinante et saint-sulpicienne.

C'est d'autant plus regrettable que Gilbert Kaplan semble avoir consacré une grande partie de sa vie musicale à Mahler, dont il a publié une biographie, et que son interprétation, toute imparfaite qu'elle soit, est empreinte d'une grande sincérité.

En conclusion, malgré un Wiener Philharmoniker toujours aussi somptueux, deux chanteuses tout à fait honorables sans être transcendantes (pour la transcendance, il convient d'entendre d'urgence Kathleen Ferrier dans le Urlicht) et un superbe "Wiener Singeverein", cette nouvelle version ne risque pas de détrôner celles citées en exergue. Le fait qu'il s'agisse du premier enregistrement de la nouvelle édition peut, tout au plus, intéresser les musicologues.

Juliette BUCH


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