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Jules Massenet (1842-1912)

MANON

Opéra en 5 actes de Henri Meilhac et Philippe Gille
d’après l’Abbé Prévost

Victoria de Los Angeles, Manon Lescaut
Henri Legay, le Chevalier des Grieux
Jean Borthayre, le Comte des Grieux
Michel Dens, Lescaut
René Herent, Guillot de Morfontaine
Jean Vieuille, De Brétigny
Liliane Berton, Poussette
Raymonde Notti, Javotte
Marthe Serres, Rosette

Chœur et Orchestre de l’Opéra Comique
Pierre Monteux

Enregistré en avril-juin 1955 à la Salle de la Mutualité à Paris.

Bonus
Debussy La Demoiselle élue
Berlioz Les Nuits d’été

Victoria de Los Angeles, soprano
Carol Smith, mezzo-soprano
Radcliffe Choral Society
Boston Symphony Orchestra
Charles Munch

Durée totale : 3’34’41’’
3 CD NAXOS 7 47313 32682 2




Magnifiquement franchouillard


Plutôt que cet enregistrement de Monteux, EMI a préféré celui de Plasson avec Cotrubas et Kraus, ce qui explique que cette gravure officielle ait été moins diffusée. Pourtant, réalisée au lendemain de la Guerre, cette intégrale préserve les derniers vestiges d’une esthétique et d’une école qui va imperceptiblement se perdre dans les décennies suivantes.

Evidemment on pourra trouver tout cela un peu vieilli voire « vieille France ». Pourtant loin de créer une distance, ce verni désuet d’après-guerre évoquera pour l’auditeur du XXIe siècle le Paris de Massenet sinon celui de l’Abbé Prévost. Les interprètes se contentent ici de jouer leur rôle, de représenter une histoire et leur croyance en l’œuvre, aussi ridicule soient certaines répliques (« Pas trop de bruit, cela redouble l’appétit »), suffit à lui donner vie et cohérence. On admirera alors la simplicité de la réalisation, loin de tout artifice ou recherche de spectaculaire.

Aidé de la troupe de l’Opéra Comique, pour qui l’œuvre de Massenet a une réelle signification, Pierre Monteux anime les différents épisodes avec une grande variété, sait mettre l’orchestre au premier plan dans les interludes et entractes, sait passer avec beaucoup de naturel du chant à la parole.

D’une galerie de chanteurs hauts en couleurs, on retiendra le truculent Comte des Grieux de Jean Borthayre et son savoureux accent basque, ainsi que le vétéran de l’équipe, le Guillot de René Herent qui parle plus qu’il ne chante. Mais mon Dieu qu’il parle bien ! Sa déclamation se fait chant avec une grâce difficilement envisageable aujourd’hui.
Au Chevalier des Grieux, Henri Legay apporte son style impeccable, tour à tour lyrique, passionné, vaillant. Le tout dans un français de rêve, qui souligne les moindres subtilités du texte (passages du vouvoiement au tutoiement !) sans jamais les accentuer.
Reste Victoria de Los Angeles, espagnole de naissance et française de cœur. La soprano est un peu trop mûre pour Manon. Si elle arrive à trouver fraîcheur et ingénuité au premier acte, le contre-ré et la Gavotte du Cours la Reine un peu en force ôtent de l’insouciance et de la désinvolture au personnage. Loin de la catin dépeint par Montesquieu, la Manon de Los Angeles est évidemment très « grande Dame » de bout en bout. Digne jusqu’à sa mort, la soprano parvient à rendre attachant un personnage trop souvent réduit à sa seule frivolité.

En complément, La Demoiselle élue et Les Nuits d’été rappelleront pour qui l’ignore encore les affinités de la chanteuse avec le répertoire français. Parfois discutable mais absolument incontournable.

Sévag TACHDJIAN




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