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Gioacchino ROSSINI

Maometto II
(version vénitienne de 1822)

Denis Sedov, Maometto
Anna-Rita Gemmabella, Calbo
Luisa Islam-Ali-Zade, Anna
Massimiliano Barbolini, Paolo Erisso
Antonio de Gobbi, Condulmiero
Cesare Ruta, Selimo

Choeur Philharmonique tchèque de Brno
Orchestre de chambre tchèque de Brno
Brad Cohen

Enregistré au Festival Rossini de Wildbad en juillet 2002
Durée 164'40"

3 CD Naxos
7 30099 61492 4



Parmi les opéras de Rossini, Maometto II figure en très bonne place pour décrocher la palme de l'oeuvre la plus modifiée et la plus retouchée. Créé triomphalement à Naples en 1820, le compositeur le remania pour la Fenice en 1822. Repris en 1826 pour la "Grande boutique" qu'est en train de devenir l'Opéra de Paris, Maometto devient Le Siège de Corinthe. L'oeuvre s'imposera dans le courant du XXème siècle sous le nom de L'Assedio di Corinto, traduction italienne... de la version française.

La mouture vénitienne enregistrée par Naxos lors du Festival de Wildbad est probablement la moins "intéressante" des multiples versions. Musicalement et dramatiquement assez proche de la partition originale, elle est vocalement beaucoup moins virtuose : Maometto et Anna y perdent chacun un air et la grande scène de Calbo "Non temer : d'un basso affetto" est écourtée. Enfin, l'oeuvre s'achève sur la victoire vénitienne aux sons du rondo "Tanti affetti in tal momento" tiré de la Donna del Lago.

Tout cela pour dire que le Festival de Wildbad n'a probablement pas choisi cette version par souci musicologique mais plutôt parce qu'elle s'impose lorsqu'on ne dispose pas d'un plateau de tout premier plan. Non que cet enregistrement soit indigne. On aurait, au contraire, tendance à vouloir réécouter cette oeuvre décidément superbe dès les derniers accords retentis. Mais le disque, en pérennisant un spectacle, si bon soit-il, le condamne à une écoute dépassionnée et forcément plus intransigeante. 

Comme souvent dans les intégrales Naxos, un nom au milieu de chanteurs modestes suffit à attirer l'attention du mélomane. Ici, il s'agit de Denis Sedov, dont les prestations discographiques sont trop rares pour être boudées. La voix a déjà perdu un peu de cette magnificence qui avait fait merveille à la sortie de l'Ariodante de Minkowski. Le chant, en revanche, est toujours aussi stylé et le timbre souverain. Manque seulement à son Maometto plus d'autorité vindicative dans son air d'entrée qui mettrait davantage en évidence, par la suite, le déchirement du personnage. A cela s'ajoute une tendance à ornementer et cadencer dans le grave qui, à la longue, fatigue la voix et altère la ligne de chant. N'est pas Samuel Ramey qui veut...

A ses côtés, on découvre avec terreur les émules qu'a faites Jennifer Larmore en terres rossiniennes. Loin des joutes virtuoses et belcantistes, les deux cantatrices s'adonnent à un concours de sons tubés et dans les joues, dans la lignée de leur glorieuse devancière. Cela est d'autant plus rageant que le Calbo d'Anna-Rita Gemmabella est des plus convaincants, avec cette vaillance et ce côté androgyne dans la voix que seule possède aujourd'hui Ewa Podles. De même pour Luisa Islam-Ali-Zade : on se réjouit de voir cette partie, écrite pour la Colbran, attribué à une mezzo colorature. Elle se joue de la tessiture périlleuse du rôle et arrive presque intacte au rondo final. Mais les graves gonflés artificiellement enlèvent tout charme à ce chant par ailleurs fort soigné. Dramatiquement moins valorisé et parfois fâché avec la justesse, l'Erisso de Massimilano Barbolini est le seul à rester en retrait.

D'un orchestre qui ne fait pas toujours dans la dentelle, mais qui parvient à donner un souffle aux épisodes guerriers et aux nombreux affrontements, on regrettera l'incapacité à animer les récitatifs qui sont les seuls temps morts de ces trois galettes. Il en va de même pour le choeur, qui nous offre le pire (guerriers turcs pour le moins débraillés) et le meilleur (grande scène finale survoltée). Une intégrale qui sait se rendre attachante malgré ses limites et à laquelle on reviendra parallèlement à la version Scimone, en rêvant à un enregistrement réunissant un jour Devia, Podles, Florez et Sedov...
  


Sévag TACHDJIAN




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