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Gaetano Donizetti (1797-1848)

Maria Stuarda

"Tragedia lirica" en trois actes de Giuseppe Bardari
d'après la Maria Stuart de Friedrich von Schiller.

Musique de Gaetano DONIZETTI

Création :18 octobre1834 au Teatro San Carlo de Naples,
 sous le titre de Buondelmonte avec un nouveau livret, rédigé par Pietro Salatino ;
et le 30 décembre 1835, au Teatro alla Scala, avec les livret et titre originaux de Maria Stuarda.
 

Dynamic CDS 407-1/2 
Enregistré en décembre 2001 au Teatro Donizetti de Bergame
Texte de présentation et livret en italien, français, anglais et allemand 
Durées : Cd 1 [Acte I + Acte II] : 73'23".
Cd 2 [Acte III] : 62'27".


Maria Stuarda a eu une naissance vraiment tourmentée : composée lors de l'été 1834, elle arrive à la répétition générale qui se déroule avec bonheur (malgré un crêpage de chignon entre les cantatrices incarnant les reines rivales) et voilà que le roi de Naples l'interdit brusquement et sans appel. Le pauvre Donizetti doit, sans comprendre et en toute hâte, adapter sa musique à un livret différent... L'année suivante, à la Scala, la création a enfin lieu mais la Malibran ne résiste pas à lancer la fameuse invective contre Elisabetta avec les paroles originales, pourtant retirées par la censure milanaise. Résultat, la pauvre Stuarda est de nouveau interdite ! Elle continuera pourtant, tant bien que mal, son voyage en Italie et même en Espagne et au Portugal. En 1958, le Teatro Donizetti de Bergame effectue la première reprise moderne et l'ouvrage ne quittera plus le répertoire, servi par des tempéraments comme Gencer, Sills, Caballé, Sutherland, Gruberova...

La partition adoptée à Bergame en 1958 est une révision demandée par le chef d'orchestre Oliviero De Fabritiis à son collègue Armando Gatto. En l'absence de la partition autographe, perdue, celui-ci a utilisé diverses sources et il est intéressant de savoir que sa révision fut suivie par trente années de représentations et trois enregistrements en studio. Mais voici que vers la fin des années 1980, on redécouvre la partition autographe dans une collection privée de Stockholm ! La Casa Ricordi lance aussitôt une édition critique et la première exécution a lieu à nouveau au Teatro Donizetti de Bergame en 1989... réservant quelques surprises aux donizettiens accourus en masse. En effet, le choeur initial et la stretta finale du deuxième acte sont deux passages bien connus de La Favorita !

On estime que Donizetti, perdant l'espoir de faire "tourner" sa Stuarda, décida de réemployer ces passages... mais on le découvrit lorsqu'on songea enfin à éditer une partition et à remonter l'oeuvre, à Naples en 1865, et on remplaça ces morceaux désormais connus à travers La Favorita par d'autres, probablement tirés de Buondelmonte. La révision du Maestro Gatto s'appuyant sur cette édition, elle accueillit par conséquent ces morceaux de remplacement.

L'ennui, c'est que ces passages, disons non originaux, sont fort viables ! Le choeur d'introduction, d'abord, un peu rigide ou guindé comme l'était la cour d'Angleterre, la stretta du Finale II, ensuite, d'une véhémence désespérée, qui rend admirablement le soulagement fatal de Maria, défoulant une indignation qui risque de lui coûter cher. C'est l'un des cas où le retour à l'original, évidemment souhaitable dans l'esprit, n'est pas forcément convaincant dans les faits.

Une édition critique comprend toutes les variantes que l'on peut trouver, et en ce qui concerne Maria Stuarda, on possède l'intéressante ouverture composée pour la Scala, malheureusement, celle-ci est reléguée en appendice, ce qui ne doit pas inciter les théâtres à la jouer... De fait, lors de la première exécution de l'édition critique, en 1989, le Teatro Donizetti délaissait l'ouverture et face à notre étonnement avait répondu que si l'édition critique rassemble, le théâtre choisit quoi jouer... 

On n'a toujours pas l'ouverture en 2001, mais, par contre, on a retenu la variante milanaise de la cabaletta d'entrée de Maria, moins intéressante à notre sens, car, d'une part, elle est plus virtuose (Malibran oblige !), d'autre part, elle reprend moins le fort beau thème principal de l'air... qui du reste parcourt toute l'ouverture. Ces choix discutables mis à part, on a le plaisir d'entendre une exécution sans coupures un plaisir qui compense quelque peu l'impression donnée par un beau travail, soigné au possible, mais peu vibrant.

Carmela Remigio possède un timbre bien rond, une technique au point et la ligne de chant soignée d'une interprète attentive et précise... mais campe une Maria à l'expression trop flegmatique, trop... anglaise pour ainsi dire (ce qui est un comble pour une reine d'Écosse !)...même si elle s'anime, un peu parfois, comme dans sa cabaletta d'entrée. Sonia Ganassi assume efficacement la partie d'Elisabetta Ier Tudor, avec sa ligne de chant ornée d'une coloratura qu'on dit voulue par Donizetti, par opposition à la ligne plus épurée (spianata) de Maria. Le ténor Joseph Calleja est doté d'un assez beau timbre et propose un chant propre, tout en campant un Roberto di Leicester timide, qu'il supplie, aime ou menace. Enfin, si la justesse vacille parfois, elle est rachetée par de belles nuances. 

Riccardo Zanellato est un honnête Talbot ? rôle un peu en retrait, il faut le dire ? même s'il est parfois un peu trop discret, notamment dans la scène de la confession où il presse Maria d'avouer une dernière faute, en ne se montrant guère menaçant. Marzio Giossi et Cinzia Rizzone se révèlent efficaces dans les rôles secondaires de Lord Cecil et Anna Kennedy.

Le "Fondazione Orchestra Stabile di Bergamo Gaetano Donizetti", aux cordes un peu minces et aigres, sonne lui-aussi aseptisé, et fait ainsi (hélas) écho aux chanteurs. Le "Coro del Circuito Lirico Lombardo" est bien préparé par Valentino Metti qui, en tant que Chef des Choeurs du Teatro Donizetti de Bergame, se doit d'être particulièrement sensible à la musique de l'illustre Fils de la Ville. On apprécie la sage et attentive direction de Fabrizio Maria Carminati, toujours préférable à la "précipitation" moderne, qui malmène et casse la musique.

En somme, les interprètes exécutent (avec soin) plus qu'ils ne "vivent" leur rôle, et l'on pense au précédent enregistrement servi par une Edita Gruberova fatiguée, mais vibrante et expressive ! L'engagement des chanteurs faisait presque oublier les coupures.

Pour celui qui n'a pas encore de Maria Stuarda intégrale (et originale)... même s'il devra chercher l'ouverture ailleurs...
 
  


Yonel Buldrini



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