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G.F. Haendel (1685-1759)

Messiah

Le Messie

Version 1750 avec deux altos

Kerstin Avemo, sop.
Patricia Bardon, alt.
Lawrence Zazzo, c-ten.
Kobie van Rensburg, ten.
Neal Davies, b.

The Choir of Clare College
Freiburger Barockorchester
 
René Jacobs, direction

2 Super CD / SACD hybride
HMC 901928.29
10-2006
durée : 2h18





Vous attendiez le Messie ?


Ce Messie dirigé par René Jacobs frappe d’emblée par son parti-pris très opératique et presque pré-classique dans ses nuances et sa masse orchestrale. Ce n’est pourtant pas la version remodelée par Mozart que le chef nous propose mais celle dirigée par Haendel en personne, en 1750. Evacuant l’aspect mystique de l’œuvre, Jacobs défend dans le livret une vision « divertissante » et virtuose de cet oratorio sacré.

Pourtant, le voyage débute plutôt mal avec le timbre naturellement pincé et nasillard du ténor Kobie van Rensburg et son anglais hésitant. Dès son « Comfort ye, people », on lui proposerait bien des bonbons suisses à la menthe. Ce sera la plus grande déception de l’enregistrement. Heureusement, Neal Davies allie puissance et virilité, mitraillant ses vocalises à la Ewa Poddles dans son « Thus saith the Lord of Hosts »,  Lawrence Zazzo se montre doux et sensible malgré des aigus forcés et tremblotants, et Kerstin Avemo d’une élégance charmeuse se joue avec panache des coloratures du « Rejoice greatly, O daughter of Zion ». Enfin Patricia Bardon se révèle impériale avec sa voix chaude et corsée, et ravit par la poésie qui se dégage lors de ses interventions. Ouf, le plateau vocal est sauf !

Mais que serait le Messie sans chœur ? Celui du Clare College se caractérise par une grande pureté et transparence toute anglaise, et des pupitres très aérés. Heureusement, cette sonorité angélique mais froide est compensée par la direction de Jacobs qui lui confère mordant et spontanéité. Disons-le tout net, c’est l’un des meilleurs chœurs du Messie que nous avons entendu jusqu’ici, même si ses effectifs très fournis peuvent rebuter.

Dans la fosse, dès l’ouverture, le Freiburger Barockorchester sonne ample et plein avec une assurance un peu ténébreuse. Le chef accentue les articulations, impressionne l’auditeur par la conviction inébranlable des cordes. Pendant ces deux heures et demie, l’orchestre bondit, rugit avec une précision et une violence extraordinaires, puis semble s’effondrer, épuisé, à la fin des airs de fureur. Certes, l’Orchestre Baroque de Fribourg ne sonne pas vraiment scrupuleusement baroque avec sa manie des crescendos incendiaires, mais en voudra t-on à ce véritable acteur du drame, masse d’une vénéneuse et délicieuse instabilité qui nous surprend à chaque instant ? Si une comparaison douteuse vient à l’esprit, c’est que nos musiciens teutons résultent d’un croisement transgénique prohibé entre la puissance des Musiciens du Louvre de Marc Minkowski, et la cyclothymie de l’Ensemble Matheus de Spinosi.

Au final, René Jacobs a encore frappé ! Laissant un énorme RJ jaune sur les murs de brique des docks de Londres, le chef, loin de s’endormir sur ses lauriers bien mérités, vole  d’expérience en expérience, n’hésitant pas à diriger dangereusement en imprimant une vision très personnelle de cette œuvre si célèbre pour son « Alleluia » rutilant. Qui donc pourra l’arrêter ?


Viet-Linh NGUYEN

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