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MEYERBEER IN ITALY
 

Romilda e Costanza : "Che barbaro tormento", trio
Semiramide riconosciuta : "Il piacer, la gioja scenda", air
Emma di Resburgo : "Di gioja, di pace", sextuor
Margherita d'Anjou : "Pensa, e guarda", trio
L'esule di Granata : "Si, mel credi", duo
Il Crociato in Egitto : "Questre destre l'acciaro di morte",
air, "Ah ! non ti son più cara", duo,
"Cara mano dell'amore",
air, "Sogni, e ridenti", finale I

Bruce Ford, Bronwen Mills, Anne Mason, Chris Merritt, 
Yvonne Kenny, Diana Montague, Paul Nilon,
Geoffrey Dolton, Harry Nicoll, Maria Bovino,
Alastair Miles, Russell Smythe, Della Jones, Patricia Spence,
Ian Platt, Linda Kitchen, Ugo Benelli.

The Royal Philharmonic Orchestra (Il Crociato in Egitto),
Philharmonia Orchestra,
Geoffrey Mitchell Choir
direction David PARRY

1CD Opera rara ORR222, 2002, 68'06''



Les passionnés de Meyerbeer, de plus en plus nombreux, comme on le sait, connaissaient bien sûr l'existence des six opéras italiens. Ils en avaient déjà eu un avant-goût avec la publication, en 1991, chez Opera rara, d'Il Crociato in Egitto. Mais voici à présent un CD présentant systématiquement un extrait de chacun de ces opéras. Meyerbeer, sur les conseils de Salieri à Vienne, alla séjourner en Italie de 1816 à 1827 : il y découvrit un nouveau style suite à une représentation de Tancredi. Ce "chemin de Damas" (Robert Pourvoyeur) l'emmènera à écrire six opéras, tous joués avec grand succès. La forte influence rossinienne n'empêchera pas l'éclosion de sa personnalité, et c'est là tout l'intérêt de cette parution que de démontrer l'émergence d'un style propre. Romilda e Costanza (1817), le premier de la série, est représenté par un superbe trio à l'écriture vocale admirable, ce qui laisse sous-entendre que, malgré les insuccès encourus en Allemagne, le compositeur était déjà en possession d'une technique extrêmement sérieuse. Peut-être est-ce le climat italien qui, comme chez tant de romantiques, fit éclore son talent ? L'air de Semiramide riconosciuta (1819) est le pur joyau de ce disque. Joliment accompagné de la harpe et des choeurs, la mélodie se déploie avec un lyrisme digne des plus beaux accents belliniens ou rossiniens, aux côtés d'une virtuosité redoutable. Tout comme Spontini, Meyerbeer fut un excellent compositeur d'ensembles. Bien avant la célèbre "Bénédiction des poignards" des Huguenots, le sextuor d'Emma di Resburgo (1819) en témoigne : la ligne est fort séduisante, et l'on se prend à évoquer Mozart... Le trio de Margherita d'Anjou (1820), livret de Felice Romani, bien plus alerte, revient furieusement à Rossini et anticipe le Donizetti bouffe, tout en possédant bien des traits personnels, ne fut-ce que rythmiques. Notons ici qu'Opera rara publiera un enregistrement intégral de cet opéra, prévu pour septembre 2003. L'esule di Granata (1822) tranche nettement sur les précédents ouvrages : le rôle de Sulemano, dans cette sombre histoire d'Abencérages à Grenade, annonce celui de Bertram dans Robert le Diable, premier succès parisien (1831). Le long duo avec Almanzor est éclairant à cet égard. Le CD inclut également quatre extraits du dernier des six opéras, le fameux Crociato in Egitto (1824), qui ouvrit à Meyerbeer les portes de Paris ; extraits repris de l'intégrale de 1991, dont le ravissant air d'Armando et l'imposant finale du premier acte qui conclut cette parution exceptionnelle. Exceptionnelle aussi par l'interprétation de toute l'équipe d'Opera rara : j'épinglerai peut-être Yvonne Kenny, Chris Merritt, Della Jones ou Alastair Miles, mais en vain sans doute, car tous, solistes, choeur et orchestre, participent à cette véritable fête vocale et dramatique que constitue ce "Meyerbeer in Italy". Ce CD est une résurrection musicologique, certes, et passionnera sans doute tous les amateurs sensibles à l'évolution historique du genre. Il convaincra surtout les mélomanes que le génie de Meyerbeer ne s'est pas formé tout seul (théorie applicable à tous les grands compositeurs, Mozart, Wagner, Verdi ou Richard Strauss), et que ses oeuvres de jeunesse sont toutes emplies d'un charme que nous sommes ravis de découvrir.
 
 
Bruno Peeters
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