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Claudio Monteverdi

Vespro della beata Vergine da concerto
(édition critique Alessandrini)

Roberta Invernizzi, Monica Piccinini, Anna Simboli, soprani
Sara Mingardo, contralto
Francesco Ghelardini, alto
Vincenzo di Donato, Luca Dordolo, Gianluca Ferrarini, tenori
Pietro Spagnoli, Furio Zanasi, baritoni
Antonio Abete, Daniele Carnovich, bassi

Concerto italiano
Rinaldo Alessandrini

Enregistré à Rome en avril 2004
Durée 105'26"

2 CD-livre Naïve 
7 09861 30405 9


On se trouve devant ce disque comme un visiteur, flânant sur la via Giulia près du Palazzo Farnese où ont été enregistrées ces Vêpres, tombe par hasard sur une église qu'il n'avait jamais remarquée. Eglise consacrée au culte marial dont la façade, à l'instar de la superbe pochette du présent enregistrement, attirerait tout d'abord l'attention. On y entrerait ensuite, sans trop d'espoirs, persuadé de voir, et d'entendre, ce que l'on connaît déjà. Et là, dès les premiers regards, dès les premières mesures, la surprise est extrême. Aucun foisonnement baroque. Le minimalisme de l'effectif (un chanteur par partie, occasionnellement doublé par un instrumentiste) confère, d'emblée, une légèreté et une lumière rares à ces Vêpres. Une église renaissance aux lignes épurées et aux marbres pastel, flamboyante mais en rien tourmentée, comme l'Annonciation de Martini qui orne la couverture. Pour peu qu'on poursuive notre visite et notre écoute, les chapelles latérales et les sections se succèdent, fulgurant condensé des multiples inspirations et tendances du Seicento naissant.

Dès le Dixit Dominus, Alessandrini ouvre l'oeuvre aux influences les plus diverses en un fascinant kaléidoscope musical et pictural. A la polyphonie a cappella du Laudate pueri qui évoque les Primitifs italiens fait suite le Duo seraphim pour ténors dont le maniérisme exacerbé n'est pas sans rappeler la profusion des drapés de Pontormo. Le dolorisme du Nisi Dominus tout droit sorti d'une toile de Mantegna s'enchaîne alors au plain-chant d'un Audi Coelum digne de Giotto ou de Fra Angelico. Les cadences finales qui concluent les savantes polyphonies ont, quant à elle, la majesté des clefs de voûte gothiques vers lesquelles convergent toutes les voix et par lesquelles se résolvent toutes les tensions architecturales et musicales.

Il en va ainsi de toute l'oeuvre, à l'image d'une Italie qui hésite entre optimisme renaissant et scepticisme contre réformiste, entre polyphonies traditionnelles et harmonies novatrices, pour s'achever sur les deux Magnificat irradiants de beauté - on retiendra surtout l'extatique Deposuit potentes dans le premier et le sublime Quia fecit dans le second.

Face aux formidables réussites du Catalan et de l'Argentin, Savall et Garrido, Alessandrini convoque donc une distribution presque intégralement italienne, sensible à la beauté purement musicale de la langue et à sa déclamation. Le soin éditorial apporté par Naïve à ses publications n'est pas une nouveauté, mais elle participe ici grandement à la réussite de l'enregistrement. L'éditeur aurait-il d'ailleurs trouvé la manière la plus efficace de lutter contre le piratage en proposant des objets discographiques à part entière et non pas seulement des disques accompagnés d'une simple pochette ?

On n'ose imaginer quelle Selva morale pourrait nous offrir le Concerto italiano avec une telle variété de couleurs et une telle plénitude sonore, magnificence musicale sublimée par l'acoustique pleine de morbidezza du Palazzo Farnese.
  


Sévag TACHDJIAN




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