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Lodewijk MORTELMANS (1868-1952)

"In Flanders' Fields" Volume 33

"Aube et lever de soleil"
extrait de l'opéra Les Enfants de la mer
Mignon

Atmosphère de l'aube
Hélios
In Memoriam
Mythe du printemps

Ninna Stemme (soprano)
Flemish Choir
Flemish Radio Orchestra
Direction : Zsolt Hamar
BRTN Philarmonic Orchestra-Brussels
Direction : Fernand Terby

1 CD n°92033 - PHAEDRA
(distribué par Codaex france)



En toute franchise, je n'avais jamais entendu une seule note de Lodewijk Mortelmans, seul son nom figurait sur quelques listes de musiciens. Pourquoi une telle ignorance de ce compositeur flamand qui fut tant fêté de son vivant ? sans doute en raison du tournant musical pris au début du 20e siècle et qui réforma le romantisme post-brahmsien avec des sauts très rapides dans l'écriture. Songeons qu'en trente ans, nous passions de R.Strauss à Debussy, Schoenberg, Stravinsky ou Varèse (Ecuatorial date de 1932-34 !). 

Il est certain que Lodewijk Mortelmans ne pouvait qu'être oublié des programmes considérablement enrichis par pléthore de compositeurs extraordinaires, rejoignant ainsi Korngold, entre autres "portés disparus" de cette époque foisonnante. Ce dernier ne dut son salut qu'au cinéma et il survécut tant bien que mal pour aujourd'hui revenir en force. Lodewijk Mortelmans n'eut pas cette chance, menant une vie très rangée de professeur de composition, chef d'orchestre, directeur de conservatoire et organisateur de concerts dans son pays.

Aujourd'hui que l'on porte un regard bienveillant sur les grands oubliés de l'histoire musicale, l'oeuvre de Lodewijk Mortelmans est des plus plaisantes. Dans l'anthologie proposée par le label flamand, on trouve de belles et mélodieuses compositions pour orchestre, dans le style de Ropartz ou Korngold, voire Respighi, Rachmaninov ou Zemlinsky. 

Il y a du lyrisme, un certain souffle qui, avec le recul, forme une écriture à part, proche de ce que l'on appelle les musiques de films. Son traitement est très descriptif, avec force cordes, des harmonies transparentes, une ardeur qui dynamise l'auditeur. Héritier direct de Brahms et Tchaïkovski, il semble être passé totalement à côté des bouleversements opérés par les écoles allemandes, russes et françaises du début du vingtième siècle.

Quoique J.L.Broeckx ait affirmé, dans son ouvrage sur Lodewijk Mortelmans, la dimension "universelle, intemporelle et illimitée", de la musique du compositeur belge, on ne peut trouver réellement matière à mortification de l'avoir laissé dans l'ombre. Tout est très bien ficelé, porté par un savant usage de l'orchestre, mais rien ne reste vraiment avec force de l'écoute de ses oeuvres. 

Lodewijk Mortelmans, l'un des fondateurs du Concours International Eugène Ysaÿe, l'actuel Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique, a obtenu le Premier Prix de Rome, dont on sait l'académisme à l'époque. Un "Festival Lodewijk Mortelmans" eut même lieu à Anvers en 1899 où son oeuvre symphonique reçut un accueil enthousiaste. A partir de ce moment-là, il fut considéré comme la figure de proue de la vie musicale anversoise, et ce jusqu'à sa mort.

Dès les premières mesures d'Aube et lever de soleil scène d'ouverture avec choeur d'après son opéra Les Enfants de la mer tiré de la pièce de Rafael Verhulst, on est séduit par la narration musicale qui n'est pas sans rappeler les compositeurs véristes, Mascagni en tête (Iris). C'est très italien et à la fois très américain dans certaines couleurs hollywoodiennes. C'est pourquoi on ne peut dater cette écriture qui nous semble familière, alors même que le nom du compositeur est inconnu de la plupart. Glissandi, cymbales, soli de flûte et de cors entrelacés, hautbois évoquant la nature, tutti de cuivres pour le soleil surgissant de l'horizon, tout est là pour conforter notre oreille.

Dans Mignon, "Le pays où fleurit l'oranger", la magnifique voix de Nina Stemme s'extrait des longues phrases enchevêtrées et portées par les seules cordes. L'interprète aborde avec passion ce trop court lied orchestré. En l'abordant comme un arioso de Richard Strauss, le timbre somptueux de la soprano suédoise et son sens dramatique hissent cette oeuvre fort bien construite au plus haut. Accompagnement parfait de Zsolt Hamar dans une page définitivement voluptueuse. Peut-on, pour autant, estimer que Lodewijk Mortelmans est "le prince du lied flamand", comme l'écrivit Paul Gibson ? Il faudrait en avoir entendu davantage pour porter crédit à cette affirmation. 

Les quatre poèmes symphoniques qui suivent : Atmosphère de l'aube, Hélios, In Memoriam, Mythe du printemps, sont de la même eau. Séparés de vingt-six ans, c'est à peine si on peut noter une légère évolution entre chacune de ses oeuvres, comme si le compositeur avait trouvé une "manière" sans jamais chercher à la transcender. L'ensemble est fort bien interprété par le chef Fernand Terby, qui n'en fait jamais trop dans les "vagues sonores" souvent utilisées par Lodewijk Mortelmans.

En somme, un disque de mémoire des plus attachants qui ravira bien des auditeurs. Néanmoins, on ne tient pas ici le prototype d'une injustice flagrante, car il semble manquer à Lodewijk Mortelmans cette touche personnelle qui permit, par exemple, à Korngold de regagner ses lettres de noblesse. Habile, flatteur, évocateur, voire très joli sont les premiers mots qui viennent à l'esprit à l'écoute de cette évocation musicale.

Il faut remercier le label Phaedra pour son travail de mémoire et la très belle qualité musicale apportée à cet enregistrement. La pochette est sans doute un peu trop austère (s'adressant ainsi aux seuls curieux) et le texte d'accompagnement assez mal traduit. C'est dommage, car ce disque pourrait plaire très largement et engager bien des "non spécialistes" à s'intéresser aux compositeurs plus innovants de cette période.
 
 

Jean VERNE

 



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