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Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
LES PALADINS
Comédie lyrique en 3 actes
Atis : Topi Lehtipuu
Argie : Stéphanie d'Oustrac
Orcan : Laurent Naouri
Nérine : Sandrine Piau
Anselme : René Schirrer
Manto : François Piolino
Un paladin : Emiliano Gonzalez Toro
Choeur et Orchestre des Arts Florissants
William Christie
Mise en scène, décors et vidéos : José Montalvo
Chorégraphies : José Montalvo, Dominique Hervieu
Costumes Dominique Hervieu, Julie Scobeltzine, Emilie Kindt-Larsen
Lumières : Philippe Berthomé
Enregistrement en 2004 au Théâtre du Châtelet
Durée 140 min (+ 57 min de documentaire)
2 DVD Opus Arte 8 09478 00938 2
OVNI RAMISTE
On avait
connu William Christie adepte des tentatives de reconstitutions
baroques avec Villégier, de transpositions intemporelles avec
Carsen, de relectures modernes avec Bondy, de critiques politiques avec
Sellars... à tel point que l'on pensait toutes les
possibilités épuisées. C'était sans compter
avec les Paladins selon José Montalvo, sorte d'ovni dans le paysage lyrique.
Pendant plus de deux heures, on regarde ce spectacle bouche bée,
fasciné comme un enfant au cirque, intrigué comme une
poule devant un couteau. Des animaux justement, on en voit beaucoup
tout au long des trois actes : lapins, éléphants,
flamants roses, chameaux et aux animaux hybrides traversent la
scène sur les grands panneaux qui divisent le plateau en deux
niveaux distincts...
Le travail de Montalvo est avant tout basé sur les projections
vidéos qui donnent à voir à peu près tout
ce à quoi le livret fait allusion, mais avec une
inventivité, une originalité inépuisables qui
évite l'écueil d'une illustration redondante. Plus encore
que dans la Flûte enchantée
aixoise de Braunschweig, le travail sur la vidéo est ici une
source constante d'émerveillement. La métamorphose des
décors, des lieux et des êtres se fait avec la
naïveté magique des changements à vue du
théâtre baroque.
Alors évidemment, on pourra être agacé par un
travail scénique qui tourne vite en rond, une direction
d'acteurs quasi inexistante au profit d'une chorégraphie
où le hip-hop règne en maître, qu'il épouse
ou non la musique de Rameau. Mais les raisons de se réjouir
sont plus nombreuses encore : faute d'avoir le style qui convient
à cette partition et à ce genre, José Montalvo en
a incontestablement l'esprit. L'univers qu'il crée est celui
d'un vaste divertissement loufoque qui, à l'instar de Platée, détourne les codes de la tragédie en musique. En pleine Querelle des Bouffons,
une telle oeuvre n'a pas dû manquer de brouiller la limite
déjà floue entre coin de Roi et de la Reine, ce qui
explique son relatif échec.
Visuellement ébloui, on en viendrait presque à oublier
l'exécution musicale ! Pourtant, rarement les Arts florissants
auront été d'une telle virtuosité et d'une telle
luxuriance. Galvanisé par l'effervescence scénique,
William Christie chauffe à blanc ses musiciens, notamment dans
les nombreux ballets qui ponctuent la partition. La
fréquentation assidue du compositeur par les Arts florissants
faisant le reste, nous tenons là leur meilleure production d'un
opéra de Rameau, bien supérieure aux Indes galantes ou aux Boréades de Garnier.
Vocalement impeccable, la distribution réserve de nombreux
trésors, dont le moindre n'est pas la révélation
d'un Topi Lehtipuu magistral haute-contre à la française.
Le timbre juvénile et solaire sied parfaitement à la
fougue d'Atis et la diction, déjà impeccable, devrait
gagner en précision avec les années. Timbre capiteux et
chant d'une grande justesse et de beaucoup d'émotion,
Stéphanie d'Oustrac est moins à l'aise
scéniquement, fagotée dans des costumes impossibles.
Piau, Naouri, Piolino et Schirrer sont parfaits dans un
répertoire et un style qu'ils connaissent, maîtrisent et
surtout aiment.
Un coffret à mettre entre toutes les mains, sans pour autant espérer qu’il fera l'unanimité !
Sévag TACHDJIAN
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