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Sandrine Piau

Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

Airs d'opéras

détails

Sandrine Piau, soprano
Freiburger barockorchester
Gottfried von der Golz, direction

Enregistré au Théâtre de Poissy en octobre 2001 - DDD
Textes en allemand, anglais et français
Astrée Naïve E 8877 (63 min.)



Encore un récital Mozart ? Oui, mais l'un des plus excitants parus depuis bien longtemps. Naïve nous invite à une balade hors des sentiers battus (la trilogie Da Ponte et les airs de concert) en la plus délicieuse des compagnies. N'est-ce pas une aubaine en ces temps de disette où les plats réchauffés et les produits formatés tiennent trop souvent lieu de nouveauté ? Sandrine Piau bénéficie d'atouts considérables pour marquer de son empreinte le belcanto mozartien : un grain personnel et immédiatement reconnaissable, comme le parfum délicat d'une fraise des bois au milieu de fragrances plus capiteuses, un timbre frais et juvénile, en même temps lumineux et très légèrement ombré de mélancolie, une voix fine et d'une extraordinaire plasticité qui ont séduit, au premier chef, William Christie et Christophe Rousset. Pour ce dernier, elle fut l'interprète idéale des héroïnes de Haendel (Giulio Cesare, Riccardo Primo, Scipione, Tamerlano) - elle chantera sous sa direction le rôle-titre d'Arianna in Creta l'été prochain, au Haendelfespiele de Halle et au Festival de Beaune -, l'Amour enchanteur de Mondonville (Les Fêtes de Paphos) et Ismene dans le Mitridate de Mozart, aux côtés de Cecilia Bartoli et Nathalie Dessay. L'Opéra de Bordeaux accueillait l'année dernière sa première Constanze, il lui permettra bientôt d'aborder Ilia (Idoménée) et Sophie (Le Chevalier à la rose). 

Ce récital fait bien sûr la part belle aux pages brillantes et truffées de difficultés (les extraits de Lucio Silla et Mitridate, re di Ponto) : l'abattage du soprano est stupéfiant d'aisance et de vivacité, la netteté et la fluidité des vocalises, la légèreté et la souplesse des notes piquées, la qualité des suraigus nous laissent pantois d'admiration. La précision et la pureté de son intonation, son sens des nuances - qui ne sont pas les vertus les mieux partagées du monde lyrique - constituent pourtant l'essence du belcanto, bien plus que les débordements virtuoses qui ont forgé la légende des castrats. Sandrine Piau a de l'abattage et du tempérament, mais aussi la grâce des funambules, au gré de pianissimi d'une impalpable douceur. 

 A mille lieues de la performance purement technique, le programme, équilibré et judicieux, permet aussi d'apprécier la musicalité et la sensibilité de l'artiste qui sait animer un récitatif, compose une Pamina simple et touchante (un rôle qu'elle a incarné au Théâtre des Champs-Elysées avec Jean-Claude Malgoire) et dont la ligne frémissante, les inflexions subtiles épousent la souriante tristesse de Constanze ou la tendresse langoureuse de Zaïde. Alors que tant de jeunes cantatrices ne laissent aucun souvenir dans Mozart, Sandrine Piau convainc et retient l'attention même si les références se bousculent dans la mémoire du mélomane et affûtent ses exigences. Le Freiburger Barockorchester signe une lecture probe et efficace, vigoureuse, mais un peu trop littérale pour offrir un accompagnement à la hauteur du chant. Par contre, il faut saluer le bon goût de Jérôme Corréas qui a écrit les cadences et l'ornementation des reprises du grand air de Giunia : "Ah se il crudel periglio" (Lucio Silla) et de l'air d'Aspasia : "Al destin che la minaccia"(Mitridate). Sandrine Piau inaugure en beauté son contrat d'exclusivité avec Naïve, gageons qu'ils nous réservent d'autres merveilles ! 
  


Bernard Schreuders

 




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