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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

REQUIEM
en Ré Mineur, K.626

Sibylla Ruben, soprano
Lioba Braun, Mezzo-soprano
Steve Davislim, ténor
Georg Zeppenfeld, basse

Choeur de la Radio bavaroise

Orchestre Philharmonique de Munich

Christian Thielemann (direction)

1 CD Deutsche Grammophon  00289 477 5797,
Enregistré en public en février 2006



Divin Requiem


Voici une des plus belles versions discographiques du Requiem de Mozart. Probablement la plus belle depuis quelques décennies. Sans aucun doute la plus émouvante au regard des diverses lectures proposées ces dernières années, de Bernius à Abbado.

Et pourtant, le présent enregistrement a fait l’objet des critiques les plus vives, des reproches les plus dédaigneux. On lui a reproché de faire du Karl Böhm en moins bien, du Karajan version minus habens, du Bernstein du pauvre. Bref, de faire du pompeux, du creux, du schleu.

Il serait sans doute temps de faire la part entre les postures sans doute maladroites de Thielemann, posant avec veste autrichienne et donnant l’impression que les temps du pangermanisme lui inspirent une nostalgie certaine, et la réalité de sa conception de la musique et de l’orchestre.

Ce qui de toute évidence marque le présent disque, c’est précisément une rupture forte avec les conceptions très symphoniques des Karajan, Bernstein, Böhm, et le choix d’une agogique orchestrale au cordeau, loin des solennités des grands anciens. L’articulation nette, le refus de l’ampleur pleine de rubatos (Bernstein) ou de cordes soyeuses (Karajan), la clarté sonore, la subtilité rythmique opposée à toute raideur (Böhm), dessinent un Mozart certes saisi en pleine pâte, nourri de la lumière même d’un orchestre superlatif, mais dépourvu des ornements inutiles d’une certaine tradition -  comme de l’aridité caricaturale dont nous ont (utilement sans doute, mais douloureusement) accablé certains petits maîtres de chapelle baroques dont les enregistrements sont pires que la haire et la discipline.

Au-delà de l’ascétisme orgueilleux d’un Bernius ou d’un Harnoncourt, frappe chez Thielemann – et cela peut étonner – une absolue humilité devant le caractère catholique de cette musique dont le drame ne se confond ni avec le théâtre, ni avec la philologie appliquée. Au contraire, il règne ici une forme d’adhésion au dessein religieux de cette musique, faisant sourdre du texte les mouvements intérieurs de la conscience mise face à la mort, et non les tourments opératiques d’un cœur palpitant d’angoisse feinte. Humilité et sincérité n’affectant ni un franciscanisme déplacé ni les tartufferies enflées de tel maître authentiquement germain.

Les chanteurs sont faibles, c’est certain. Mais ils sont au service même de cette conception qui interdit fondamentalement que l’égo vocal prenne le pas sur le sens et sur la vertu repentante du texte. Il est des clameurs qui se passent de timbres raffinés et de diminuendos à l’italienne.

Telle quelle, cette interprétation nous apparaît fondamentalement comme la plus exempte de partis pris philologiques ou intellectuels, comme une pure effervescence de l’âme face à la mort, comme une leçon mozartienne de très haute tenue.


 
Sylvain FORT


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