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Richard WAGNER (1813-1883)


DAS RHEINGOLD

Wotan, Thomas Stewart
Donner, Wladimir de Kanel (image), Leif Roar (son)
Froh, Hermin Esser
Loge, Peter Schreier
Alberich, Zoltan Kelemen
Mime, Gerhard Stolze
Fasolt, Gerd Nienstedt (image), Karl Ridderbusch (son)
Fafner, Louis Hendrikx
Fricka, Brigitte Fassbaender
Freia, Jeannine Altmeyer
Erda, Martha Mödl (image), Birgit Finnilä (son)
Woglinde, Eva Randova
Wellgunde, Edda Moser
Flosshilde, Liselotte Rebmann

Berliner Philharmoniker
Herbert von Karajan

Mise en scène et « supervision artistique », Herbert von Karajan
Décors et costumes, Georges Wakhevitch

1 DVD Deutsche Grammophon, 00440 073 4390



Un noyé dans le Rhin


On peut être Karajan et ne pas forcément être suivi par sa maison de production. Petit flashback : Karajan qui avait déjà trois Ring à son tableau de chasse en voulait un quatrième ; Karajan créa donc, à sa (dé)mesure le Festival de Pâques, à Salzburg, pour s’offrir cette Tétralogie (sa dernière) en scope et en couleurs ! Il la monta ; l’enregistra ; commença à la ré-enregistrer et… voulut la filmer. Mais… Mais Unitel ne fut pas d’accord et M. von K. dut se contenter de ce Rheingold qui nous revient aujourd’hui pour cause de commémorations intensives du centenaire !

On peut être, donc, Karajan et ne pas être suivi par sa maison de production. Mais, on peut aussi être Karajan et se fourvoyer ; ceci expliquant in fine cela. Le spectacle de Salzburg dut êre grand ; on le dit en tout cas. Mais ramené aux proportions d’un écran de télévision… eh bien, cela ne passe pas. Cela ne passe plus ! C’est, au mieux, sans grand intérêt et à peine regardable ; au pire, risible (les filles du Rhin sont indicibles… au sens propre du terme). Plutôt pas mal décoré, pourtant, avec cette pleine erratique et minérale ; avec ce Walhalla qui a un côté Fritz Lang pas totalement digéré, mais Fritz Lang quand même.

Mais que c’est mal dirigé, quand la caméra, indiscrète, vulgaire, colle aux visages ; comme c’est mal tourné, aussi, avec ces inserts du Rhin, cet espèce de traveling vomitif vers le Niebelheim (vomitif et à peine digne d’un très mauvais film de la Hammer des sixties) ! Avec cet insert affreux de Erda, indigne !

C’est un cas d’école, quasi médical, que cette césure, cette cassure même, entre le geste créateur, démiurgique du chef d’orchestre et le petit tricotage de xème zone du metteur-en-scène. Entre la main géniale qui pétrit la matière sonore du Prélude sous le Rhin et celle du petit maître qui colle la voix de Finillä sur l’image de Mödl (mais c’est un drame de ne pas l’avoir enregistrée, elle) ; qui atiffe ainsi le pauvre Schreier ; qui surcharge de squames baveux les nains du Niebelheim etc…

Bref, on est tellement effaré ou déçu ou tout ce que l’on peut vouloir dans l’ordre de l’incompréhension que l’écoute est sérieusement perturbée. Ce qui est, forcément, très dommage. Karajan ne pensait pas qu’il faisait du Wagner chambriste, mais seulement qu’il rendait sa musique à sa vraie nature. Don’t act ! Mais le fait est que la musique, ici, est d’une richesse sans nom ; sans borne et sans fond. Chatoyante, comme scintillante de poudroiements quasi-impressionnistes sous le Rhin, tendue au Niebelheim, bouillonnante à l’appel de Donner, jusqu’à la montée luminescente, irradiante de l’Abendlich final.

La distribution, elle, est (encore une fois, cela devient presque perturbant) mythique, historique de plein droit, avec du connu (voire très connu, mais est-ce bien un problème ?) et du moins connu. Avec Stewart, qui donne, enfin, son Wotan initial ; avec Stolze qui retrouve, génialement, les criaillement de Mime ; avec Fassbender, tout jeunette et très en voix (deux qualités par forcément habituelles chez elle) ; avec des Géants… géants ; avec un Alberich parmi les deux ou trois plus indispendables de l’histoire du disque ; et, surtout, avec un Schreier d’exception qui susurre l’un des Loge les plus fins, les plus venimeux qui soient parce que « a-vocal » par excellence, n’ayant que la ressource du mot !

Bref, il faut éteindre son téléviseur et continuer à imaginer que Karajan, wagnérien de génie, a été un grand homme de scène dont, hélas, on n’a rien conservé du Ring !

Benoît BERGER




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