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Luigi BOCCHERINI (1794-1805)

STABAT MATER (Première version)
QUATUOR EN SOL MINEUR OP.24 n° 6 G.194

Sophie Karthäuser (soprano)
Les Folies Françaises
Patrick Cohën-Akenine, violon
Leonor de Recondo, violon
Michel Renard, alto
François Poly, violoncelle
Hervé Douchy, violoncelle

RICERCAR RIC 244.
Enregistré en mai 2005 à l'église Saint-Apollinaire de Bolland.
59 minutes - Stéréo DDD.
 


C'est en 1781 qu'est créée cette première version du Stabat Mater commandé à Boccherini par l'infant Don Luis, frère du roi d'Espagne, pour sa résidence de Las Arenas. Une seconde version suivra en 1801, le compositeur souhaitant éviter "la monotonie" en le transcrivant pour trois voix et en modifiant le tissu instrumental en substituant une contrebasse au second violoncelle.

Cette seconde mouture du Stabat Mater sera la seule oeuvre vocale de Boccherini éditée de son vivant, l'originalité et l'abondance de son écriture instrumentale, notamment dans le domaine du quintette, éclipsant ce domaine pourtant significatif de son travail. La version enregistrée ici est en quelque sorte un compromis entre les deux versions, car si la distribution du premier est préférée, les interprètes le dotent en préambule, "in loco introduzione", du somptueux Larghetto en mineur du Quintette op. 10 n° 4, de même que Boccherini faisait précéder la seconde version du premier mouvement de la Symphonie op. 35 n° 4. 

Le principal attrait de ce Stabat Mater en est l'originalité de sa facture, Boccherini équilibrant le côté un peu opératique de l'enjeu (une constante dans le Stabat Mater depuis Scarlatti et Pergolèse...) par l'intégration de la voix dans le tissu d'un quintette à cordes au sein duquel le violoncelle dispute avec éloquence la première place à la soprano.

Il s'agit plutôt d'un sextuor pour cordes et voix, et l'on se tromperait sur la nature même de la composition en la dotant d'un dramatisme doloriste à contresens. Le registre est celui de la désespérance sourde, du silence abruti devant l'énormité de la situation, une femme qui perd son enfant et en cherche le sens. Au risque sinon de la mièvrerie, du moins de cette fameuse "monotonie" que fuyait Boccherini dans la seconde version (quelle belle lucidité devant les errements possibles de son ouvrage...), mais que contredit la magnificence du tissu timbrique, Sophie Karthäuser et Patrick Cohën-Akenine respectent cette option de linéarité, d'absences de vocalises ou d'ornementations : un aigu vrillant le coeur sur O quam tristis, une voix d'une sobriété absolue, mais d'une magnifique élocution et intonation, et dont les harmoniques fruitées s'allient idéalement avec les cordes notamment dans les passages avec sourdines.

Boccherini restant Boccherini, on s'agace ça et là d'une joliesse mélodique, d'une carrure quelque peu guillerette pour le sujet (Fac me plagis), mais on reste interdit devant la densité mélancolique de l'écriture, notamment dans les deux séquences extrêmes de début et de fin. L'interprétation en est complétée par un Quatuor en sol mineur, miroir idéal de l'atmosphère du Stabat, et dans lequel s'exprime avec talent le violon de Patrick Cohën-Akenine.
 
 
 

Sophie ROUGHOL


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