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COFFRET

THE ART OF JOAN SUTHERLAND

Détails des 6 CDS


6 CDs DECCA 2006
475 6302 0 DC6




MONUMENTAL !


Comme nous le signalions dans notre critique de « The Voice of the Century », les reports en CD des enregistrements en 33 tours de Joan Sutherland sont un véritable casse-tête pour les collectionneurs. Depuis des années, la firme Decca s’ingénie en effet à saucissonner les albums originaux en les diluant dans des compilations diverses.

Ce coffret de 6 CDs ne fait pas exception à la règle. 3 récitals sont intégralement repris : « Romantic french arias » (1969), « Joan Sutherland sings Wagner » (1978) et « Joan Sutherland sings Mozart » (1978) ; 6 mélodies « oubliées dans les tiroirs » sont publiées pour la première fois ; une partie du concert de soutien à la ville de Darwin est reprise pour la première fois en CD (Song for a city – 1975 – « Dormono entrambi » extrait de « Norma ») ; au global, les inédits en CD ne font pas la moitié de la durée de ce coffret.

De plus, le coffret ne respecte pas la chronologie initiale : le deuxième CD (consacré à Mozart) commence par une Konstanze de 1960, suivie d’une première Reine de la Nuit de 1963 puis d’une seconde de 1978, d’une Donna Anna de 1968, etc. Aucune de ces précisions de dates n’est d’ailleurs mentionnée clairement sur le coffret. Ainsi, suivant les plages, es orchestres varient, voire les chefs, la prise de son est plus ou moins réverbérée, le timbre change en fonction du micro utilisé ou de l’age de la cantatrice ! Enfin, la prononciation de la chanteuse est plus ou moins bonne suivant les années (meilleure en début et en fin de carrière qu’au milieu de celle-ci). Sans parler de la construction initiale des programmes soigneusement concoctés par les producteurs originaux.
Que ne préfèrerait-on retrouver ces morceaux tels qu’ils avaient été assemblés !

Une fois évacuée cette frustration, force est de reconnaître que le prix modique de ces 6 CD rachète la présence de nombreux doublons et on se fera une douce violence en réécoutant quelques pages absolument inégalées extraites notamment des intégrales de la diva australienne.

Les CD sont, approximativement, classés par thématique. Le premier s’ouvre sur un programme Haendel qui hérissera la barbe des baroqueux de stricte obédience. On ne niera pas tout ce que le public moderne doit aux formations baroques pour la renaissance de ce répertoire ; mais il faut bien reconnaître qu’on n’a pas entendu ces 20 dernières années un soprano ayant le quart des moyens de la chanteuse australienne : puissance du souffle, vocalises hallucinantes, trilles parfaits, et surtout la palette de couleurs d’un timbre riche magnifiquement conduit dans les plus subtiles nuances. Plus conformes au goût moderne, les pièces qui suivent (Arne, Bononcini, Paisiello, Piccini, etc.) bénéficient de la baguette délicate de Granville Jones.

Du deuxième CD, consacré à Mozart, on retiendra plutôt les pages déjà cités que le report du récital de 1978 plus tardif, où la voix manque un peu de souplesse.

L’intérêt remonte avec le troisième CD qui offre en première partie une série de Verdi de jeunesse d’une insolence vocale époustouflante. A-t-on jamais entendu une voix d’une telle souplesse et d’une telle virtuosité déployer une telle puissance ?
Le programme se poursuit par une véritable curiosité puisqu’il s’agit des rares Wagner enregistrés par Dame Joan. A sa sortie en 1978, la tentative avait fait sourire la critique. Il faut dire que l’époque ne manquait pas de cantatrices wagnériennes d’ampleur. Avec le recul, on se rend compte de l’inanité d’une telle réserve. D’abord, on serait bien heureux de trouver aujourd’hui des wagnériennes ayant des moyens équivalents ; ensuite, ces enregistrements se distinguent largement de ceux des chanteurs de l’époque par une perfection vocale et un respect unique de la partition. Qui d’autre aura su exécuter les trilles et autres difficultés techniques clairement prévues par le sourcilleux compositeur, par exemple dans l’air d’Elizabeth ou dans l’extrait « Rienzi » ? Alors, certes, le tout n’est pas parfait mais dépasse largement la simple curiosité pour fans de belcanto égarés dans un autre répertoire.

Consacrés au répertoire français, les CD 4 et 5 n’appellent aucune réserve, hormis une prononciation pas toujours très articulée. A l’époque de son double album « Romantic french arias », Dame Joan est dans une forme éblouissante et dans un répertoire qui l’amuse, l’excite et la passionne. C’est un must absolu où chaque air serait à citer. Le 5ème CD est complété de quelques doublons et des fameux inédits. Ces mélodies françaises ne révolutionnent pas la discographie de Dame Joan mais elles ont le mérite de rappeler les programmes de ses récitals de chant où elle ne manquait jamais de défendre ce répertoire oublié et négligé accompagné de son mari au piano.

Le 6ème et dernier CD intéressera les collectionneurs les plus assidus pour le report d’une partie d’un concert de charité au profit de la ville de Darwin sinistré. Objectivement, Sutherland est en petite forme pour ce duo de « Norma » enregistré en « live », les notes graves ayant du mal à sortir de manière nette. Plus connus mais bien plus remarquables sont les extraits de « Lucia » ou de « Traviata » qui complètent le CD : la chanteuse s’y révèle unique et d’une intégrité sans compromission. On chercherait par exemple en vain l’effet vériste un peu facile qui séduit immédiatement le public : avec Joan Sutherland, l’émotion naît de la subtilité des nuances, de la variation des couleurs vocales, du jeu des dynamiques d’une voix d’une grande puissance mais capable de s’alléger pour figurer la fragilité d’une héroïne.

En synthèse, ce coffret permettra à la fois de découvrir la diversité et la richesse du répertoire de la diva australienne et de retrouver quelques unes de ses plus grandes incarnations. Un hommage monumental à l’une des plus grandes artistes lyriques de tous les temps.




   Placido CARREROTTI

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