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Bryn TERFEL

« TUTTO MOZART »

Non più andrai
Io ti lascio, o cara, addio
Soave sia il vento
Männer suchen stets zu naschen
Cosi dunque tradisci – Aspri rimorsi atroci
V’adoro – il core vi dono
Un bacio di mano
Quel casinetto è mio – Là ci darem
Ein Mädchen oder Weibchen
Hai già vinta la causa – Vedro’, mentr’io sospiro
Nun, liebes Weibchen, ziehst mit mir
der Vogelfänger bin ich ja
Crudel, perchè finora
Deh vieni alla finestra
Diggi, daggi, schurry, murry
Pa-pa-pa-pa-Papagena !
Guardate – Madamina, il catalogo è questo
Bei Männern welche Liebe fühlen
Tutto è disposto – Aprite un’ po’ quegli occhi !


Miah Persson (soprano), Christine Rice (mezzo-soprano)
Scottish Chamber Orchestra
Sir Charles Mackerras (direction)

Deutsche Grammophon 00289 477 5886
Enregistré en avril 2006
Durée 1h03’36’’




Plus bourratif que roboratif


Bryn Terfel est un ogre qui aurait avalé un chanteur. Le temps passant, le chanteur est lentement digéré et il reste surtout l’ogre. Ainsi, jamais on n’aura mieux employé l’expression « bête de scène » tant le plateau semble être pour Terfel une arène où se déverse un trop-plein d’hormones. Il est le fort des Halles et le lion en cage, le Monsieur Muscle et l’éléphant Bertrand. Vocalement, par bonheur, le voici qui se tourne, la quarantaine venue, vers des emplois qui requièrent absolument le grand format.

Pourtant, on se souvient avec émotion du petit Bryn tout poupin qui chantait d’une belle voix cuivrée les airs alternatifs de Mozart dans l’intégrale Philips, il y a quinze ans et plus. On se souvient aussi du gentil Bryn prêtant sa bedaine aux Mozart allégés de Gardiner. Et aussi du brave Bryn nous chantant des lieder de Schubert ou de Vaughan Williams avec un sentiment poétique inouï. Puis sont venus les Falstaff hénaurmes, les Don Giovanni du Metropolitan, les diables d’Hoffmann, plus récemment encore un tonnant Donner… Il  a changé. Chassant le bon élève de la Guildhall, il s’est rapproché du paysan gallois. Il a chanté avec Shirley Bassey et aussi dans les stades. Il a entonné les rengaines de son pays dans des disques inexplicablement diffusés au niveau mondial par Deutsche Grammophon. Il est devenu Bryn-le-Mégaphone.

Et le revoici dans Mozart. Un Mozart dont toutes les coutures explosent. Dont toutes les couleurs se surchargent. Un Mozart dont les nuances s’abîment dans une jovialité de banquet et une santé paillarde. Fidèles au rendez-vous, les tubes des Noces : Figaro tonitruant, lourdaud à souhait. Mais s’y adjoint le Comte, que Terfel entend adopter en lieu et place de Figaro. Un Comte qui sent la terre et le gibier, mais aussi les gros sabots – on veut bien que cet aristocrate espagnol soit un peu reître, mais faut-il qu’il soit aussi raboteux ? De même, il a fallu s’habituer à un Don Giovanni à grosses cuisses, mais il est permis de penser que Bacquier avait la brutalité ET le charme. Quant à Leporello, le manque de « grain de sel » ne compensera jamais les œillades appuyées : Leporello est un subtil.

Ce qui est un peu irritant dans cette surcharge permanente devient franchement ennuyeux dans les airs de concerts, débités sans une once d’esprit, sans un sourire. Le délicieux Un Bacio di mano, le Männer suchen stets zu naschen sont crachés d’un trait – avec trois fois moins de voix, Prey en faisait de vrais moments de théâtre.

Il est deux incarnations qui sauvent cet album d’un naufrage par excès de poids dans la cale, ce sont Guglielmo et Papageno. Guglielmo, rôle des débuts de Terfel, entretenu sans doute dans sa prime candeur et où de toute façon il n’y a guère à montrer. Et Papageno, qui possède ici toute la gouaille, toute la fraîcheur voulue… et cet allemand ! Car c’est nouveau : Terfel déforme complètement sa prononciation de l’italien, devenue franchement sale, avec ses voyelles écrabouillées et ses consonnes indurées. En allemand, il retrouve le velours de son timbre. Timbre tellement sur-pressurisé toutefois qu’il perd le plus souvent toute couleur, se transformant en exhalaison, par exemple dans des piani systématiquement détimbrés, cotonneux (Soave sia il vento). En cela, il s’aligne correctement avec l’orchestre désespérément terne de Sir Mackerras.

Bref, un disque pour faire peur aux enfants, comme aux plus grands !



   Sylvain FORT

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