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GIACOMO PUCCINI (1858-1924)


TURANDOT

Drame lyrique en trois actes et cinq tableaux
Création : La Scala de Milan 1926

Livret : Giuseppe Adami et Renato Simoni
d’après La fiaba cinese teatrale tragicomica de Carlo Gozzi
et l’adaptation allemande Turandot, Prinzessin von China
de Friedrich von Schiller


Direction musicale : Giuliano Carella
Orchestre symphonique et Chœur du Gran Teatre del Liceu
Polifonica de Puig-Reig
Cor Vivaldi – Petits Cantors de Catalunya

Mise en scène : Nuria Espert
Décors : Ezio Frigerio
Costumes : Franca Squarciapino
Lumières : Vinicio Cheli

Coproduction : Gran Teatre del Liceu, ABAO, Bilbao

La principessa Turandot : Luana DeVol
L’imperatore Altoum : Josep Ruiz
Timur : Stefano Palatchi
Liu : Barbara Frittoli
Ping : Lluis Sintes
Pang : Francisco Vas
Pong : David Alegret
Un mandarino : Philip Cutlip


Enregistrement live Gran Teatre del Liceu,
24 et 27 juillet 2005

DVD TDK Video - 2006 – LPCM Stereo
132 minutes + Bonus 19 minutes
Worldwide


Mieux vaut la mort que l’amour !


En plus des vidéos en VHS ou réalisations télévisuelles hors commerce, il existe déjà plusieurs DVD de l’ultime chef d’œuvre inachevé de Puccini, dont celui de l’Opéra de San Francisco de 1994, remarquable sur le plan visuel par la magie des décors de David Hockney.

Ce nouveau DVD TDK est un enregistrement « live » réalisé durant l’été 2005. Il s’agit d’une reprise de la mise en scène de Nuria Espert crée en 1999 et diffusé sur Arte à l’occasion de la réouverture du Liceu après l’incendie. Mais, Giuliano Carella a remplacé Bertrand de Billy au pupitre et la distribution est entièrement différente.
   
Disons le d’emblée, ce qui fait l’originalité de cette production fastueuse, assez conventionnelle, c’est la tension dramatique qui résulte de l’interprétation fascinante et très personnelle de Luana de Vol dans le rôle-titre. Rarement sans doute une Turandot n’est apparue aussi humaine et psychiquement fragile. Cet aspect du personnage prend tout son sens dans la version remaniée adoptée ici — dont le dénouement est le suicide de Turandot. Dès lors, la terrifiante princesse se révèle en proie à une irrépressible phobie et non plus uniquement cruelle, sanguinaire et vengeresse. La découverte de l’amour auquel elle cède furtivement et surtout l’ultime baiser sensuel illuminant son visage juste avant qu’elle ne se poignarde la rendent touchante et crédible. La soprano américaine (1) ne force ni son talent, ni ses moyens vocaux. Mais, elle les utilise à cent pour cent au service de l’œuvre. L’intensité et la vérité de son jeu sont tels qu’elle éveille notre sympathie (au sens grec de souffrir avec).

Une image vidéo bien maîtrisée, évitant les mouvements de caméra intempestifs et distrayants permet de goûter pleinement la brillante reconstitution scénique d’une Chine impériale de légende avec ses nombreux effets saisissants, notamment le trône d’Altoum, la première décapitation, la cage surmontée de crânes humains, dans laquelle sont enfermés les candidats à l’épreuve. Les gros plans donnent à voir toute la richesse des étoffes, tout l’éclat des ors et des pierres précieuses dont sont faits les somptueux costumes. Le tout réalisé dans une belle harmonie de bruns et de bleus.

Malgré ces deux atouts considérables que sont une Turandot d’exception et une mise en scène spectaculaire, il règne un certain ennui qui ne se dissipe que rarement. Les causes en sont multiples.

D’abord, au lieu de la respiration large qui doit littéralement faire vivre cette musique, ô combien expressive, intégrant adroitement de subtiles résonances asiatiques, l’on a droit à une pâte sonore monotone qui accompagne les chanteurs sans vraiment participer à l’action dramatique. Ensuite, la masse mouvante du peuple de Pékin évolue constamment dans un rêve cotonneux et une apparente indifférence, alors qu’il est impliqué à fond dans le drame terrifiant qui se joue. Enfin, le reste de la distribution est honnête, sans plus. Malgré sa prestance, ses aigus puissants et quelques beaux accents durant l’extraordinaire scène des énigmes, le ténor Franco Farina ne parvient pas à nous emporter dans la folie amoureuse qui doit être la sienne. Quoi qu’il advienne, il reste un Calaf buté, aux aguets, mais sans ardeur véritable. En plus d’êtres assez ridicules avec leurs épaules nues disgracieuses, les trois ministres, Ping, Pang et Pong, exécutent leur partie correctement mais assez platement. Un comble quand on songe à la vivacité de la partition ! Quant à Altoum et Timur, ils tirent bien leur épingle de ce jeu qui nous enthousiasme pour sa Turandot et ses images fortes, tout en nous décevant par ailleurs.

Il faut mentionner un joker : la jolie soprano lirico-spinto Barbara Frittoli qui séduit par son timbre agréable et sa ligne de chant bien conduite. Son suicide, magnifique temps fort de la mise en scène, parfaitement en phase avec le paroxysme musical, est très impressionnant. Dans un geste qui laisse présager une intention meurtrière, Turandot se saisit du poignard dont Liu vient de se servir afin de sauver la vie de celui qu’elle aime sans espoir.
   

Brigitte CORMIER

Note
(1) 
En bonus, un documentaire pour découvrir le parcours atypique de Luana de Vol avec en fond sonore — perturbant car sans aucun lien avec l’image — La Moldau de Smetana.

Commander ce DVD sur  www.integralmusic.fr
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