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Giuseppe Verdi

Sinfonie da opere diverse 
(ouvertures diverses d'opéras)

Orchestra Filarmonica Marchigiana
GUSTAV KUHN

Arte Nova classics 74321 80785 2
Enregistré en janvier 2001 au Teatro Pergolesi de Jesi.
Durée : 62 mn. 31 s.

Texte de présentation des ouvertures 
et des exécutants en allemand, anglais et italien.


Messa da Requiem, Pezzi sacri, opéras, bien sûr... mais les ouvertures et préludes ?  N'oublions pas cet aspect important des opéras, qui donne un « ton », ou plutôt : une « tinta », une couleur, terme cher à Verdi. Combien de metteurs en scène commettent l'erreur (l'horreur?) de «meubler» aujourd'hui les ouvertures par une pantomime  soit ridicule, soit incompréhensible, mais en tous cas n'apportant rien à l'oeuvre, si ce n'est de distraire le public de la musique, chose grave !  C'est tellement beau une ouverture surmontée du rideau de velours... FERMÉ ! La forme de l'ouverture italienne d'opéra est fixée par Rossini puis modifiée par le pauvre Bellini (qui eut le temps d'en faire à peine deux significatives : I Capuleti et Norma) et surtout par Donizetti, Pacini, et Mercadante, même si ce dernier est plus laborieux. Grâce à ces compositeurs romantiques, l'époque de l'ouverture du type «on-en-met-une-car-c'est-la-coutume» est bien révolue et le Romantisme place à la tête de ses opéras, des « ouvertures » proprement dites et non plus d'interchangeables « sinfonie » selon le terme italien !  des ouvertures donnant véritablement le « ton » de l'opéra qui va suivre et, chose curieuse, ce ton ou cette teinte, pour revenir au terme verdien, se sentent efficacement, que les ouvertures présentent ou non des thèmes revenant dans l'opéra !
 

Verdi suit cette tendance même si ses ouvertures de jeunesse sont moins élaborées et raffinées que les ouvertures contemporaines d'un Donizetti par exemple. Nabucco, Giovanna d'Arco ou Alzira (1842-45) font sourire les musicologues, admirant au contraire l'ouverture contemporaine d'une Maria di Rohan (1843), qui impressionna tant le très difficile auditoire viennois de la création !  ...mais laissons Verdi se réaliser et nous donner les superbes ouvertures de I Vespri siciliani ou de La Forza ! Gustav Kuhn a choisi huit des dix ouvertures de Giuseppe Verdi, délaissant celle de Un Giorno di regno (1840) et la belle ouverture de Stiffelio (1850), au profit néanmoins, de morceaux moins exécutés et enregistrés comme celle de Oberto conte di San Bonifacio (1839), de Giovanna d'Arco et de Alzira (1845), qu'il dirigea en entier (!) et fort bien, au festival Verdi de Parme. Plus enregistrées sont celles de Nabucco (1842), de La Battaglia di Legnano et de Luisa Miller (1849) et il termine par les célèbres ouvertures de I Vespri siciliani et de La Forza del destino.
 

L'Orchestra Filarmonica Marchigiana tire son nom des Marches, région de l'Italie centrale dont la capitale est Ancône. En tant que l'un des douze orchestres nationaux italiens, il participe à l'activité musicale de la région, si riche en compositeurs, puisque Pergolesi, Spontini, Nicola Vaccai, Rossini y sont nés... sans parler de ceux qui connurent une sorte d'heure de gloire comme Giuseppe Persiani, Filippo Marchetti, Lauro Rossi, et dont le Teatro Pergolesi de Jesi reprend aujourd'hui courageusement les opéras.
 

Gustav Kuhn trouve un juste équilibre pour chacune des ouvertures, égalant et dépassant même les interprétations que l'on en connaît : Giovanna d'Arco, par exemple, dans l'intégrale Levine « cassait tout », et faisait tendre le dos du pauvre Verdi aux sarcasmes ! Ici, la retentissante marche finale (allegro)  sonne joliment guillerette mais jamais lourde. Lorsque ces ouvertures furent intégralement enregistrées par Herbert von Karajan, quelqu'un a osé parler de « sonorités de bastringue » et il faut dire que l'on avait parfois la chair de poule, (au sens négatif de l'expression) de voir ce que le maestro des maestri en faisait : un éclat, certes, mais écrasant... et d'une lourdeur désolante. Riccardo Muti « bâclait » souvent, de ses accélérations légendaires semblant sous-entendre : « allez, allez, hop ! on liquide !... ». Non atteint donc de la « bâclite aiguë » donc, Gustav Kuhn laisse le temps aux thèmes musicaux de se déployer, on ne reconnaît pas, par exemple, La Battaglia di Legnano, pouvant évidemment être enflammée, mais qui, ainsi posée, impressionne différemment. L'ouverture des Vespri est curieusement recueillie et intimiste, comparée à celle de deux verdiens bien connus nous en donnant une lecture brûlante de passion -le Maestro Gavazzeni, ou « brillante de passion », c'est-à-dire dire brillamment passionnée, transparente, à la lisibilité d'une limpidité saisissante, chez Riccardo Muti. La même vision recueillie nous surprend à propos de l'ouverture de La Forza del destino, qu'on a connue très «appuyée», notamment chez le véritable homme de théâtre qu'était Francesco Molinari Pradelli.

Un autre avantage de ce disque est criant de simplicité mais pas forcément présenté par ses prédécesseurs : c'est le fait de présenter les ouvertures dans l'ordre de composition, fort agréable pour l'auditeur écoutant à la suite plusieurs de ces morceaux.

Que vers les hauteurs des collines toscanes, où se trouve l'Accademia di Montegral formant de jeunes chanteurs et présidée par le Maestro Kuhn, volent nos souhaits « Tanti auguri », pour d'autres interprétations aussi au service de la musique ! 


Yonel Buldrini
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