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Franz SCHUBERT

WINTERREISE

Cycle de lieder d'après des poèmes de Wilhelm Müller

Nathalie Stutzmann, contralto
Inger Södergren, piano

Enregistré en septembre 2003 
Co-production Radio Berlin
Calliope 9339


Le cycle du Voyage d'Hiver n'a, en fait, de cycle que le nom ; il se présente plus comme une anthologie assez décousue ayant pour toile de fond l'hiver. C'est l'ambivalence de cet hiver - gravité sourde du paysage et désespoir cruel de l'âme - qui rend l'interprétation de ces lieder si difficile.

Cette apocalypse feutrée, cette fin de l'homme romantique dans la neige et la glace, imposent au chanteur une sobriété, une simplicité qu'il est souvent tentant de briser pour se mettre en valeur. Les vallées dans le brouillard, les arbres, le vent, la nuit, le soleil blafard tournent autour de nous avec le plus inquiétant naturel. Les poèmes de Müller sont riches en contenu littéraire et métaphysique. Le déchirement est continuel. Il est curieux d'ailleurs de constater que le premier et le dernier épisode résument ce frissonnement face au vide que devait ressentir Schubert vers cette époque (octobre 1827 à janvier 1828) : Gute Nacht hyper sévère, commence par un adieu et le Joueur de vielle termine le cycle par un renoncement. Tout lui est égal, il joue...

Longtemps mûri, expérience de la scène aidant, voilà donc l'enregistrement très attendu de Nathalie Stutzmann. Désormais une référence.

De la race des "diseurs", elle fait l'impasse de toute sensiblerie. La flamme et le fer laissent la place à un monologue plein de vie ; le contralto nancéen projette son Voyage doucement, inexorablement vers la plus terrible expérience dramatique. On pense souvent en écoutant tel ou tel lied aux paysages symboliques de Caspar David Friedrich.

Le chant déraisonnablement beau de Nathalie Stutzmann, sans préciosité, fouillé, sobre, sans analyse du mot pour le mot, sans théâtralité superflue, se répand comme la mer ; son interprétation attire, séduit, ne pleure jamais. La profondeur spatiale de tel ou tel lied (Rast !) pourra laisser au bord de l'hallucination. Rares sont ceux - pour le disque - qui, comme elle, ont réussi à rendre le vide et chanter les ruines d'une manière si frémissante, tragique, mais non implorante.

Inger Södergren boit de l'oeil et de l'oreille sa partenaire, nous invente un concerto pour piano de Schubert de tous les instants, enveloppe le chant de son amie d'un écrin des plus précieux.
  


Christian COLOMBEAU




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