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             « Il
est certain qu’un eunuque ne peut satisfaire qu’aux
désirs de la chair, à la sensualité, à la
passion, à la débauche, à l’impureté,
à la volupté, à la lubricité. » 
             
            Ch. d’Ancillon, 
            Traité des 
eunuques.
             
            Nous ne savons que très peu de choses de la 
vie privée des castrats, ceux-ci ne nous ont laissé aucun témoignage et leur 
psychosexualité n’a pas encore fait l’objet d’une étude rigoureuse et 
systématique. Tout ce que nous possédons, ce sont ces quelques mots, étranges, 
pour ne pas dire obscurs, de Filippo Balatri, à propos des femmes de Pise : 
« Les femmes ne sont pas accoutumées à faire l’amour, ni ne savent comprendre 
des choses mystérieuses. Je les trouve si insipides et si aigres, qu’elles me 
fatiguent (... le trovo così insipide e citrose, ch’ai gomiti mi fan venir 
sudore », traduction personnelle.)
            De nombreuses 
variables entrent en ligne de compte : si l’opération et pratiquée entre 5 et 7 
ans, l’impuissance est presque certaine, de l’habileté des opérateurs va 
dépendre le fonctionnement des organes auxiliaires, etc. Dans le meilleur des 
cas, nous pouvons supposer que les érections sont possibles, ainsi que 
l’émission de sperme, qui dépend pour 95 % des vésicules séminales, et de 
lubrifiant, produit par les glandes de Cowper. Néanmoins, si l’intensité et la 
fréquence des rapports sexuels sont probablement amoindries, l’appétit sexuel 
varie considérablement d’un individu à l’autre 
            . 
            En dehors de Cortona, devenu le mignon de 
Gian-Gastone de Médicis, les liaisons masculines des castrats demeurent le plus 
souvent clandestines, lot commun des amours illicites. Nous savons avec quelle 
réserve il faut considérer les Mémoires de Casanova, friand d’anecdotes 
douteuses et fantaisistes. Que quelques castrats aient eu un comportement 
provocant,
qu’il aient affiché leur amour des garçons,
n’est pas invraisemblable, mais de là à en
déduire que les castrats « ont tendance à
l’homosexualité »
ou à prendre l’aventurier comme référence
pour asséner que la « moitié de la population
romaine était pédéraste »... 
Il faut savoir raison garder ! 
            D’ailleurs, si nous considérons l’ensemble des 
témoignages d’époque, « l’amour philosophique », pour parler comme Montesquieu, 
est largement éclipsé par les conquêtes féminines et la rivalité qui oppose 
certains chanteurs, ardents soupirants et fines lames, 
aux hommes intègres. Toutefois, hommes et femmes pouvaient admirer la beauté des 
castrats. Un témoin 
privilégié, Lord Mount-Edgcumbe trouve Marchesi « a very well-looking youngman, 
of good figure and graceful department » 
et Velluti, le 
dernier grand castrat d’opéra était, selon Stendhal, qui le rencontre à Milan en 
1814 : « l’un des plus beaux hommes de son siècle » 
            . 
Nous pourrions multiplier les témoignages sur Porporino, Rauzzini, dont 
l’écrivain milliardaire et raffiné sybarite William Beckford, porté sur les 
jolis garçons, s’entoura, etc.  
            Le succès de certains castrats devait non 
seulement susciter la jalousie d’hommes déjà peu enclins à les tolérer, mais 
aussi leur valoir la haine de rivaux malchanceux : comment pouvaient-ils tolérer 
qu’une créature dénaturée, efféminée, soit couverte de lauriers et poursuivie 
par des admiratrices hystériques qui portent « une médaille à son effigie autour 
du cou, une à chaque bras, deux autres cousues à leurs souliers »
et préfèrent leur couche à celle d’un vrai
mâle ? Leur rivalité devait paraître
d’autant plus redoutable que leur étreinte était
stérile et qu’ils avaient, de surcroît, la
réputation de ne jamais devenir impuissants ! Sade 
ne peut s’empêcher de mentionner le fait à sa femme et à sa redoutable 
belle-mère : « Leurs facultés, disent les femmes libertines, sont d’autant plus 
précieuses qu’elles ont plus de durée. L’ardeur ne les éteint jamais. » 
            
            
             
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