TANCREDI
un dossier proposé par Catherine Scholler
 
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Argument de Tancredi

par Catherine Scholler


(Tancredi au Théâtre San Carlo)



"Je deviendrais infini si je cédais au plaisir de dire ce que je pense de chacun des morceaux de Tancrède" (Stendhal).
 

Acte I



L'oeuvre commence avec une ouverture empruntée à La Pietra del paragone.
La Sicile est envahie par les Sarrasins conduits par Solamir. Syracuse, qui a réussi à préserver son indépendance, est déchirée par la rivalité de deux familles, celles d'Argirio (ténor) et d'Orbazzano (basse). Ceux-ci décident de faire front commun contre l'envahisseur (introduction : Pace, onore, fede, amore). Pour sceller la réconciliation, la fille d'Argirio, Amenaïde (soprano), doit épouser Orbazzano.

Mais la jeune fille aime secrètement Tancredi (contralto, rôle travesti) qui, bien que né à Syracuse et de sang royal, a été banni dès son plus jeune âge en même temps que son père (choeur et cavatine d'Amenaïde : Come dolce all'alma mia). La jeune fille lui a écrit pour qu'il vienne la retrouver et libérer Syracuse des Sarrasins. Par prudence, elle n'a pas mentionné le nom du destinataire sur la lettre. Or Tancredi est déjà de retour, incognito. Avec le fidèle Roggiero (soprano, rôle travesti) il désire défendre sa ville contre les Sarrasins et veut revoir Amenaïde (récitatif et cavatine : O patria !... Di tanti palpiti) : tout y est dit de la tendresse, de l'impatience, de l'anxiété après une séparation si longue.

Amenaïde survient en compagnie de son père qui lui ordonne d'épouser Orbazzano et lui apprend que Tancredi risque la peine de mort s'il est surpris à Syracuse (air : Pensa che sei mia figlia). Restée seule, la jeune fille se trouve en présence de Tancredi, mais pour sauver la vie de son amant, elle l'exhorte à quitter Syracuse sans lui en expliquer les raisons et sans lui révéler le projet de mariage conçu par son père (récitatif et duo : L'aura che intorno spiri).

Alors que les préparatifs de mariage commencent (choeur : Amori scendete), Tancredi se présente comme le chevalier inconnu et propose son aide pour défendre Syracuse. À sa vue, Amenaïde déclare publiquement son refus d'épouser Orbazzano. Ce dernier, furieux, dévoile à l'assemblé la lettre d'Amenaïde qu'il a interceptée et prétend que le destinataire en est Solamir. Amenaïde, qui ne peut pas dire en public le nom du destinataire de la lettre, car ce serait condamner Tancredi à mort, ne peut se disculper, ni auprès de l'assistance ni auprès de son amant. Accusée de haute trahison, elle est jetée en prison et condamnée à mort (récitatif et premier final : Ciel ! que intesi !).

Acte II



En proie au désespoir, Argirio hésite avant de signer la condamnation à mort d'Amenaïde que lui réclame Orbazzano (récitatif et air : Ah ! segnar invano io tento). Isaura (mezzo-soprano) prie pour son amie (air : Tu che i miseri conforti). 

Seule dans sa prison, Amenaïde se prépare à affronter son châtiment (scène et cavatine : No, che il morir non è). L'air est précédé d'un prélude particulièrement inspiré. Tancredi, toujours incognito, se présente alors comme champion de la jeune fille et, pour prouver son innocence, dont il n'est lui-même pas convaincu, au cours du jugement de Dieu, provoque Orbazzano en duel. Unis dans la même douleur et la même espérance Tancredi et Argirio s'étreignent (récitatif et duo : Ah, se de' mali miei).

Bientôt la nouvelle de la mort d'Orbazzano et de la victoire de Tancredi arrive jusqu'à Amenaïde qui laisse éclater sa joie (récitatif et air : Giusto dio che umile adoro) Le peuple célèbre la victoire du héros inconnu (choeur : Plaudite, o popoli). Cette scène est introduite par les instruments à vent seuls, suivis de l'orchestre entier, effet de spatialisation qui suggère l'approche de la foule. Libérée, Amenaïde ne parvient pas à convaincre Tancredi de son innocence. Il part trouver la mort dans le combat contre les Sarrasins (récitatif et duo : Lasciami, non t'ascolto). C'est le duo des adieux et des larmes refoulées, d'une délicatesse et d'une mélancolie infinies.

Ruggiero, qui a appris d'Isaura qu'Amenaïde n'a pas trahi Tancredi, invoque la paix pour l'âme tourmentée de son maître (air : Torni alfin ridente e bella).
 

Final de Venise :

Non loin du camp sarrasin, Tancredi pleure sur son triste sort, il ne pourra jamais oublier sa bien-aimée infidèle (scène et cavatine : Ah ! che scordar non so). Les soldats sarrasins passent non loin de là en se vantant de leur triomphe imminent (choeur : Regna il terror). Argirio et Amenaïde, qui sont à la recherche de Tancredi, font leur apparition. Argirio tente de convaincre Tancredi de l'innocence de sa fille, mais au moment où celui-ci commence à fléchir, des soldats sarrasins apparaissent, proposant qu'Amenaïde épouse Solamir en gage de paix (marche : Qual suon ? che miro !). Tancredi repousse de nouveau Amenaïde et court chercher la mort en prenant le commandement des soldats combattant les Sarrasins (scène : Or che dici ? or che rispondi ?).
Amenaïde et Isaura attendent l'issue de la bataille. Les chevaliers syracusains reviennent : ils ont remporté une pleine victoire sur l'ennemi. Tancredi a tué Solamir qui, en mourant, lui a révélé l'innocence d'Amenaïde. Tous chantent leur bonheur (récitatif et second final : Fra quei soavi palpiti).

Final de Ferrare :

Dans un endroit isolé au pied de l'Etna, Tancredi pleure sur son triste destin, il ne pourra jamais oublier sa bien-aimée infidèle (scène et cavatine : Ah ! che scordar non so, texte et musique identiques au final de Venise), mais les chevaliers syracusains le rejoignent et demandent son aide contre Solamir (choeur : Regna il terror, même musique que le choeur des sarrasins du final de Venise, sur des paroles différentes). Argirio et Amenaïde, qui sont à la recherche de Tancredi, font leur apparition, mais il refuse de les écouter et repousse la jeune fille (rondo : Perché turbar la calma). Il se met à la tête des Syracusains et promet de les conduire à la victoire. 
Argirio rentre seul du combat, annonçant que Syracuse a remporté la victoire, mais que Tancredi est mortellement blessé. Les chevaliers reviennent portant le héros agonisant (choeur : Muore il prode) qui apprend de la bouche d'Argirio que le billet d'Amenaïde lui était destiné. Tancredi pardonne à la jeune fille tandis qu'Argirio unit leurs mains. Il meurt dans la plus parfaite simplicité, sur des longues tenues de cordes seules (cavatine finale : Amenaïde serbami tua fé), sans un cri, sans lamentation inutile, sans explosion d'orchestre grandiloquente, simplement sur le filet de voix d'un agonisant.
 
 

Catherine Scholler
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