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IV. Rencontre avec Dietrich Henschel

Camille De Rijck

 

Tri Sestri est considéré comme un des opéras les plus importants de ces dernières années, qu'est-ce que la création du rôle de Tuzenbach a représenté pour votre carrière ?

Avant tout une expérience concrète avec la musique moderne, avec une musique écrite spécialement pour ma voix car Peter Eötvös a écrit ce personnage en fonction de ma personnalité vocale. La deuxième expérience a été de travailler avec un metteur en scène d'origine japonaise et de me frotter - par conséquent - à une vision japonaise de la scénographie ; scénographie qui par son statisme et sa grande liberté d'intention ressemble presque à une chorégraphie. C'est un peu comme travailler avec Bob Wilson dont le travail déclenche chez l'interprète une indéniable sensation de liberté.

Commet définiriez-vous ce personnage ?

Tuzenbach est un très jeune homme, extrêmement amoureux d'Irina dont il partage le détachement vis-à-vis de la communauté. Cette sorte de détachement leur permet justement de se rapprocher l'un de l'autre, mais c'est un amour sans espoir qui entraînera la mort de Tuzenbach.

Vous allez bientôt chanter Die Soldaten, Wozzeck, deux œuvres qui font clairement partie de la musique moderniste. Qu'est-ce qui vous attire vers ce genre d'œuvres ?

Les personnages les plus intéressants de l'opéra sont ceux issus de l'opéra littéraire et c'est justement dans la musique du XXe siècle qu'on les rencontre. Leur sort est tellement plus proche de ce qui nous occupe ! Maintenant, au niveau strictement vocal je préfère l'opéra classique et quand j'aborde Henze ou Berg j'essaye toujours de trouver un côté cantabile à mon rôle. Il y a d'ailleurs chez Henze des pages qui réclament une maîtrise du bel canto. Eötvös est très différent car son écriture fait appel à des techniques expérimentale.

Y a-t-il des compositeurs contemporains avec lesquels vous aimeriez travailler ?

Oui, bien sûr ! J'adore par exemple la musique de Ligeti, il y a aussi un compositeur munichois quasi-inconnu qui s'appelle Rudi Spring (il a d'ailleurs un site web) dont la musique est tellement sensible ! En règle générale j'aime bien travailler avec les compositeurs, mais pas sans une certaine distance, sans quoi il est impossible de se faire une idée propre d'un rôle.

Comment définiriez-vous -en gros- l'écriture vocale de Peter Eötvös ?

C'est un paradis ! Tout est parfaitement pensé, et comme je pense quand je chante c'est extrêmement simple ! (rires) Il y a pourtant quelques difficultés, il demande par exemple aux chanteurs de dépasser les limites de leurs voix en écrivant systématiquement " au dessus " de leurs possibilités, ce qui fait qu'il y a entre la musique écrite et le résultat un intervalle… qui fait l'interprétation !


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