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Un jour, une création : 23 mars 1810, l’œil était dans la tombe (ou plutôt la fosse)…

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23 mars 2020
Un jour, une création : 23 mars 1810, l’œil était dans la tombe (ou plutôt la fosse)…

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Cette petite liberté prise avec le dernier vers de l’admirable chef d’œuvre que constitue La Conscience de Victor Hugo vous a sans doute permis de comprendre d’emblée le sujet de nouvel épisode d’Un jour, une création. Voici en effet 210 ans, La mort d’Abel de Rodolphe Kreutzer était créée à l’Académie impériale de musique, à Paris.

Tout le monde connaît au moins le nom de Kreutzer. La faute à Beethoven, qui dédia à Rodolphe, né à Versailles en 1766 et violoniste de grand renom fort admiré par le bougon Ludwig van, sa fameuse sonate éponyme, la 9ème pour violon et piano, que Kreutzer n’a jamais jouée, la jugeant « inintelligible ». Puis la faute à Tolstoï qui tira du tout la nouvelle que l’on sait. Il ne faut pas le confondre avec un autre Kreutzer, contemporain et lui-même compositeur, Conradin, que tout le monde a, pauvre de lui, oublié pour de bon.

C’est qu’en 1810, Rodolphe Kreutzer est un musicien en vue. Excellent instrumentiste, il est aussi un professeur de violon au Conservatoire –il le restera jusqu’à ses 60 ans- très prisé. Il compose de nombreuses pièces et laissera plusieurs opéras, dont cette Mort d’Abel.

Le livret est écrit par François-Benoît Hoffmann – à ne pas confondre avec l’autre Hoffmann… décidément ! – et s’inscrit dans la mode, lancée par l’exécution triomphale et monumentale de la Création de Haydn quelques temps plus tôt à Paris. Le public veut du biblique, du grandiose, du transport. Très prépapré, sûr de frapper un grand coup, Kreutzer ne peut créer son opéra qu’in extremis, non pas par manque d’inspiration, mais parce que Napoléon apprend sur le tard qu’on allait créer à l’Académie impériale de musique une œuvre profane sur un sujet tiré de l’Ancien Testament. Quelques semaines à peine avant la première, en pleines répétitions, l’Empereur écrit ainsi au surintendant des théâtres, le comte Auguste-Laurent de Rémusat : « En général, je n’approuve pas qu’on donne aucun ouvrage tiré de l’Ecriture sainte. Il faut laisser ces sujets pour l’Eglise ». Mais il est trop tard pour l’empêcher – Napoléon n’a pas fait donner la foudre pour autant – l’œuvre est créée, en 3 actes, ce 23 mars 1810, hors de la présence impériale. Saisissante mais vite oubliée, la partition est remaniée et condensée en 2 actes une douzaine d’années plus tard. C’est cette version que Berlioz a entendue, un jour de 1823. À la sortie, le jeune homme d’à peine 20 ans, fait une sorte de crise de nerfs tout à fait romantique. Exalté, il écrit : « Oh ! génie ! Je succombe ! Je meurs ! Les larmes m’étouffent ! La Mort d’Abel ! Dieux ! Quel infâme public ! Il ne sent rien ! Que faut-il donc pour l’émouvoir ? Ô génie ! Et que ferai-je, moi, si un jour ma musique peint les passions ! On ne me comprendra pas… Sublime, déchirant, pathétique ! Ah ! je n’en puis plus : il faut que j’écrive ! A qui écrirai-je ? Au génie ?… Non, je n’ose pas. C’est à l’homme, c’est à Kreutzer… Il se moquera de moi… Ça m’est égal… Je mourrais, si je me taisais… Si la plume ne me tombait des mains, je ne finirais pas. AH ! GÉNIE !!! ».

Il y a plusieurs années, à l’occasion du bicentenaire de cette œuvre fort intéressante et à l’instrumentation très riche, l’indispensable fondation Palazzetto Bru Zane en a édité une interprétation comme toujours très soignée avec les Agrémens dirigés par Guy van Waas. En voici le finale du Ier acte, avec le délicat arioso du doux Abel (« Mon Dieu de l’amour le plus tendre mon frère a resserré les nœuds »)  suivi de la colère blasphématoire de Caïn.

 

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