OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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LIEGE
12/04/2008


Patrizia Ciofi
© MSM


Patrizia Ciofi, soprano
Mario Cassi, baryton

Luciano Acocella, direction musicale
Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie


Gaetano Donizetti (1797-1848)
Ouverture de Don Pasquale
Aria di Norina,  «Quel guardo il cavaliere », Don Pasquale

Gioacchino Rossini (1792-1868)
Ouverture de La Gazza Ladra

Gaetano Donizetti
Duo Norina – Malatesta, Acte I, Don Pasquale

Vincenzo Bellini (1801-1835)
Ouverture de Norma

Gaetano Donizetti
Aria di Lucia, « Regnava nel silenzio », Lucia di Lammermoor

Pause

Giuseppe Verdi (1813-1901)
Ballabile, Acte III, Macbeth
Aria di Gilda, « Caro Nome », Rigoletto

Gaetano Donizetti
Air d’Alphonse XI, « Viens, Léonore », La Favorite

Giuseppe Verdi
Prélude Acte I, La Traviata
Aria di Violetta, « E strano… », La Traviata

Encores :

Giacomo Puccini (1858-1924)
Valse de Musetta, « Quando men vo’ », La Bohème

Ernesto de Curtis (1875-1937)
« Non ti scordar di me »

Gaetano Donizetti
Duo Norina – Malatesta, Acte I, Don Pasquale

Liège, 12 Avril 2008

Les débuts de Ciofi à l’ORW, une victoire à l’arrachée…

Curieuse soirée à l’Opéra de Wallonie. Le nouveau directeur général, Stefano Mazzonis di Pralafera, fort d’un contact privilégié avec Patrizia Ciofi, désirait rentabiliser la venue de la soprano sur la scène de son théâtre.

A la fin du mois d’avril, Ciofi débutera dans le rôle meurtrier de Maria Stuarda. Au delà de la difficulté et de la rareté de l’œuvre, une prise de rôle comme Stuarda est un moment unique et risqué, d’autant que la soprano avait annulé ce même rendez-vous, en début de saison, à Lyon et à Paris en concert (1). Patrizia a toujours eu un emploi du temps chargé. Quelques jours après Vienne (2), au sein des répétitions de cette future Maria Stuarda et en partance pour Berlin pour un dernier Rigoletto le 19, Mazzonis a donc convaincu Ciofi de faire ses débuts in loco dans ce qui nous était présenté un peu prématurément comme un récital. Peu à peu, à grand renfort d’ouvertures (3) et avec la participation du baryton Marco Cassi, le rendez-vous s’est mué en concert lyrique.

Curieuse soirée donc où de prime abord, on s’étonne de constater que malgré les efforts publicitaires et une solderie last minute à dix euros, le théâtre de Liège est loin d’être rempli. Le statut médiatique de la soprano italienne n’aurait il pas atteint les rives de la Meuse ?

Pour l’occasion, Patrizia était sensée pouvoir compter sur le soutien amoureux de son époux, le chef italien Luciano Acocella. Ciofi privilégie de plus en plus les rendez-vous lyriques avec son mari. Acocella sera également aux commandes des Stuarda liégeoises. Le chef italien n’a pas encore une très grande carrière derrière lui. Même si, de part le répertoire fréquenté par son épouse, on devine son orientation future, l’identité musicale actuelle du chef reste assez floue. Ce qu’il nous a été donné d’entendre lors de ce concert, ne nous a guère éclairé et encore moins convaincu. A défaut d’admettre, on peut tenir compte de beaucoup de paramètres devant la perplexité du résultat musical offert par le chef et sa phalange. Ce concert a été programmé «en dernière minute», on devine l’orchestre fort occupé par les répétitions de Stuarda, œuvre pas évidente et qu’il n’a sans doute jamais joué, combien de répétitions ont été accordées à ce concert ? Enfin, dans l’agenda qui est le sien, combien de temps Patrizia a t-elle pu accorder à la préparation de cette soirée ?

Règlements de comptes à OK Corral…

Entendons nous bien. Nous ne demandons pas à l’orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie d’atteindre au quotidien, le niveau d’une formation internationale disposant de moyens autrement substantiels. Il y a pourtant un minimum syndical requis que l’on est en droit d’attendre, quand lors de ce «concert Ciofi», on va passer plus de trente cinq longues et très laborieuses minutes en tête à tête avec l’orchestre ayant maille à partir avec cinq ouvertures et autre prélude… Totalement indifférente aux vaines gesticulations d’Acocella et ne daignant même pas accorder un regard à son chef, la phalange va flinguer à tout vent, dans ce qui va rapidement tourner à une chasse aux canards .. Le sommet ou plutôt, le fond est atteint lors du Ballo du 3ème acte de Macbeth

Les pensées seront nombreuses à vagabonder pendant ces intermèdes musicaux et on envisage notamment les futures Stuarda dans quinze jours. On espère sincèrement, devant la difficulté de la tâche qui l’attend, que le chef italien aura une main autrement plus ferme et précise ainsi qu’un coup de baguette autrement plus imaginatif, s’il veut donner vie à cette partition, mais également, ne pas mettre sa titulaire en difficulté.

Jolie découverte…

Mario Cassi est un baryton de trente cinq ans. Sa jeune carrière commence à démarrer et il a déjà quelques beaux rendez vous à son actif. Il fait partie des nombreux noms italiens que Mazzonis a emmené dans ses bagages. Cassi est pour le moment un pur baryton mozartien, les moyens sont réels sans être exceptionnels, le timbre est beau mais s’engorge très vite dans l’aigu. L’acteur a encore à se défaire de mains sur le cœur et autre torse bombé, mais dans le duo Norina et Malatesta, il enlève un joli suffrage mérité, tant par sa sincérité que par son adéquation vocale. Annoncé en italien, il nous offre finalement un extrait de La Favorite en français, ce qui est tout à son honneur pour Donizetti et le public liégeois. On lui pardonne vite un idiome assez exotique, tout en lui conseillant d’aborder ce type de répertoire avec parcimonie. Alphonse XI demandant une tout autre gestion de l’émission et un style autrement aristocratique. Cassi est encore pour quelques saisons à venir l’idéal baryton pour Mozart et ses satellites, ainsi que les Donizetti légers. On le retrouvera également lors des représentations de Maria Stuarda.

Ecartelé entre la musicienne et la cantatrice…

Il est très difficile de résister à Patrizia Ciofi. Plus qu’un réel charisme, dès son entrée en scène, on accorde à la soprano, un généreux crédit de symphatie. Il y a un moment que nous n’avions plus entendu la belle Patrizia. Avant de nous rendre à trois de ses cinq Stuarda, nous désirions réaliser dans quelle forme vocale, elle allait aborder son importante prise de rôle. Visiblement soucieuse de ne pas se fatiguer davantage, Ciofi offre en première partie deux extraits du Don Pasquale. A l’instar d’Adina et de Marie de La Fille du Régiment, Norina lui prête son exacte pointure. Si elle n’en possède plus la fraîcheur vocale, elle démontre dans son air et encore davantage dans le duo avec Malatesta (le meilleur moment de la première partie), qu’elle possède tout le piquant du personnage qu’elle sert au moyen d’un joli phrasé et de beaucoup d’esprit dans les nuances. Nuances dont elle aura beaucoup de peine à exposer les contrastes, tant le chef et l’orchestre s’avèreront incapables de s’effacer devant leur soliste. La scène de la fontaine de Lucia laisse plus perplexe. Dès que les extraits musicaux demandent un tant soit peu de dramatisme et dans le contexte peu favorable de l’accompagnement, Patrizia Ciofi est contrainte de forcer ses moyens. Si le linéaire du cantabile est encore remarquable, Lucia sera aussi le constat d’un médium sourd, d’un grave inexistant et de tensions dès les premiers aigus. Lucia permet au moins au public liégeois pourtant réputé pour sa facilité, de sortir de sa torpeur et d’entendre quelques bravos.
La deuxième partie pour Ciofi se résumera à deux airs en forme de tubes, Gilda et Violetta.
Gilda dans son actualité berlinoise, nous donne un très beau moment de musique mais une fois encore, pour apprécier son art, il faut accorder à Patrizia Ciofi, beaucoup de licences sur la fraîcheur vocale dont devrait être normalement parée la douce Gilda. La fin de l’air plus à nu dans la tessiture aiguë, sort l’artiste de son émouvant contexte poétique pour que la chanteuse puisse accrocher ses notes… Le public ne lui en tient pas rigueur et une belle ovation salue à juste titre, la performance. Traviata se nourrira du même constat. On notera une fatigue perceptible dès la cabaletta, Ciofi s’en tirera avec quelques malheureux coups de glotte que l’on ne lui connaissait pas. Une fois encore, on est écartelé entre l’image vocale laissant dubitatif (le suraigu est dorénavant très douloureux) et une générosité ainsi qu’une sincérité à toute épreuve. A aucun moment, Patrizia ne cherche à tricher ou à esquiver… Visiblement, cela touche une partie du public qui lui réserve un très bel accueil à la fin du concert.
Fatiguée, elle va encore accorder une Valse de Musetta contre vents et orchestre, et un touchant «Non ti scordar di me ». Sur l’insistance de son jeune collègue, ils reprendront finalement le duo de Don Pasquale.

Curieuse soirée décidément, où l’on fait une fois de plus le constat que Ciofi est de ces artistes (elle en est une au sens le plus noble du terme), capables non seulement de dissimuler ses faiblesses mais encore, de les dépasser en les rendant expressifs.

Au sujet de la perspective de Maria Stuarda, rendez vous attendu par bon nombre de lyricophiles, nous sommes ressortis du théâtre avec plus d’interrogations que de réponses. Nous formons bien des encouragements pour Patrizia, mais nous espérons aussi qu’elle trouvera dans la fosse, tous les soutiens dont la réussite de sa prise de rôle dépendra largement…

Philippe PONTHIR


Notes
(1) Dans le cadre du Ring Tudor entre Lyon et Paris, Maria Stuarda a été donnée en septembre 2007. A l’origine, Natalie Dessay était prévue. Elle recula devant la difficulté de la tâche. Patrizia Ciofi une fois encore, vint suppléer la soprano française. Mais, elle annula finalement tout le projet à quelques semaines de la première. Ciofi arguant manquer de temps pour la préparation de la partition. L’argument ne passa pas aisément auprès du public lyonnais et parisien, d’autant que Ciofi avait également « sur le feu» une autre rareté, La Straniera de Bellini pour Opera Rara. Apparemment, elle privilégia le projet londonien puisque le disque fut mis en boîte. Ruth Ann Swenson vint finalement à la rescousse du projet.

Voir critiques de Maria Stuarda à Lyon et à Paris


(2) A l’agenda de Patrizia Ciofi :
4, 22 mars 2008 RIGOLETTO, Berlin
25, 29, mars & 2, 5, avril 2008 La SONNAMBULA, Vienne
12 avril 2008 Concert, Liège
19 avril 2008, RIGOLETTO, Berlin
30 avril & 3, 6, 8, 11 mai 2008 MARIA STUARDA, Liège
On ajoutera que Liège a déjà signé un projet pour I Capuleti ed I Montecchi
avec Ciofi pour janvier-février 2010.

www.patriziaciofi.com

(3) Coup de gueule :
A l’origine, les ouvertures peu nombreuses lors des concerts lyriques, permettaient aux divas et divi vieillissants de se reposer de temps à autre, entre deux groupes d’airs. Il semblerait que la génération actuelle aie la malencontreuse habitude d’abuser plus que de raison de cet outil… Tout en comprenant qu’un chanteur ne peut prester aussi longuement qu’un instrumentiste en concerto par exemple, on peut légitiment se poser la question de savoir s’il est indispensable dans ce qui est annoncé comme un récital, qu’une ouverture vienne systématiquement s’insérer après chaque air…
Le public est en droit de se poser quelques questions quand le temps imparti à ces moments de repos musicaux frise le temps de prestation du soliste vocal…
Une autre manie agaçante est de considérer que les bis octroyés font en fait, partie intégrante de la seconde moitié du programme…
Quitte à assumer un passéisme de bon ton et sans réclamer les marathons qu’offraient mesdames Caballé, Ricciarelli et Cie, certaines dames en vue actuellement, pourraient-elles y songer un instant ?

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