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Giuseppe VERDI  (1813-1901)

LA TRAVIATA

Opéra en trois actes
Livret de Francesco Maria Piave

Mise en scène : Marta Domingo
Décors et costumes : Giovanni Agostinucci
Réalisation : Brian Large

Violetta Valery : Renée Fleming
Alfredo Germont :  Rolando Villazon
Giorgio Germont : Renato Bruson
Annina : Anna Alkhimova
Dottore Grenvil : James Creswell
Gastone : Daniel Montenegro
Douphol : Philip Kraus
D’Obigny : Lee Poulis
Flora : Suzanna Guzman

 
Los Angeles Opera Orchestra & Chorus
Direction : James Conlon
Chef de Choeur : William Vendice

Capté live à Los Angeles – septembre 2006

DVD Decca 074 3215 – 141 minutes




Autant en emporte le fervent !


Quinze mois après les représentations qui avaient ouvert la saison 2006-2007 de l’opéra de Los Angeles, Decca sort le DVD d’une luxueuse Traviata qui ravira ceux qui aiment la bonne vieille tradition, avec un plateau galactique et des décors de vrais riches californiens.

Réalisée avec l’opéra national de Washington et l’opéra royal de Wallonie, cette co-production date de 1998. Elle bénéficie des décors de l’expérimenté Giovanni Agostinucci et si, on peut se croire parfois devant une vitrine de Noël de chez Macy’s, comme à l’acte II où le feu brûle dans le cheminée, le tout fonctionne bien et les costumes mettent les chanteurs en valeur. La mise en scène de Marta Domingo, l’épouse du directeur général des lieux, est des plus traditionnelles… à tel point qu’on est surpris par l’irruption en scène, à l’acte III, d’un curieux personnage vêtu de noir qui vient mettre Violetta au lit avant, sans doute, de lui faire franchir le Styx. On est donc bien loin des audaces de Willy Decker, au festival de Salzbourg en 2005. Ici, au pays de Disney, tout a été pensé, malgré le live réel, pour la captation vidéo confiée à Brian Large. Les quatre actes défilent comme un film (1) et le plaisir est au rendez-vous. Le public dans la salle est chaud comme la braise et fait une ovation aux chanteurs, notamment entre chaque air et duos.

Outre Mme Domingo, les forces de la maison sont mobilisées et confiées à la baguette du directeur musical James Conlon. L’orchestre sonne bien et on retrouve la sobriété – qui parfois manque franchement de fougue – de l’ancien directeur musical de l’opéra de Paris. Au salut final, le chef demande à tout l’orchestre de monter sur scène, geste somme toute rare !

Venons-en aux stars. Renée Fleming, trois ans après sa prise de rôle, à Houston, maîtrise parfaitement le rôle et son évolution au fil des actes. Somptueuse courtisane pleine de classe au I et au III (quelles robes !), son visage se transforme, maquillage aidant et elle est méconnaissable au dernier acte. Son jeu, extrêmement professionnel, manque sans doute de spontanéité et de fragilité. Mais, encore une fois, cela colle parfaitement à la commande ! Vocalement, nous nous attendions à la trouver en difficulté au I, à profiter pleinement de sa voix double-cream au II et à pleurer avec elle dans « Addio del passato ». Or, dès le début, Fleming est à son aise dans ce rôle qu’elle a qualifié d’inchantable. Dans le « Sempre libera », tout est là, en place. Elle se permet même quelques fantaisies qui révèlent une maîtrise technique confondante (un petit rire étouffé sur « De volare il mio pensier »; une voix blanche presque jazzy ici ou là). La suite lui permet de mettre en valeur son sens du legato avec lequel bien peu peuvent aujourd’hui rivaliser et de distiller des piani qui font frémir la salle. On lui reprochera d’abuser des notes « parlées » qui, à la limite de la vulgarité, ne vont sans doute pas mal à Violetta, mais qui vont moins bien à la Fleming et qui peuvent lasser. Mais au total, sa prestation est enthousiasmante.

Son Alfredo est Rolando Villazon, partenaire qu’elle retrouvait, quelques années après des Traviata au Met. Le ténor mexicain apparaît en bien meilleure forme que lors du festival de Salzbourg 2005 et ne trahit aucune des difficultés rencontrées sur scène ces dernières années, dans la conduite d’une ligne de chant de moins en moins maîtrisée. On a déjà tout écrit de l’adéquation de sa voix, jeune, fraîche et vaillante à ce type de répertoire. Ajoutez à cela les baisers « alla Clark Gable » dont il couvre généreusement la Renée, et vous comprendrez qu’il soit galvanisé. Ses interventions au III (« Questa donna conoscete ? ») sont des grands moments de théâtre chanté.

Le dernier élément du trio est le vétéran Renato Bruson, alors âgé de 70 ans (il fêtera son 72e anniversaire le 13 janvier prochain), remplaçant le Dmitri Hvorostovsky de la série précédente. Certes, la voix, usée, a vieilli mais les aigus sont là et la technique aussi, évidemment. C’est une véritable leçon qu’il délivre dans le duo avec Violetta avec messe di voce, nuances, et tout le toutim. Le contraste avec un autre vétéran (de quatre ans son cadet pourtant !), entendu récemment à Garnier dans le même rôle et qui faisait peine, est terrible et le fait que Bruson, à la différence de Van Dam, ait toujours eu la voix du rôle n’explique pas tout. Scéniquement, Bruson en impose, mais sa tendresse pour son fils est palpable, notamment dans « Di Provenza il mar il sol », repris pianissimo. Du très, très grand art.

Le reste de la distribution est efficace, à l’américaine.

Dans une DVDgraphie déjà très riche (une brève recherche, sans doute non exhaustive, donne pas moins de 13 versions différentes), cette Traviata californienne, sophistiquée comme il se doit, vient s’installer tout en haut de la pile.



Jean-Philippe THIELLAY


(1) Malgré quelques petits loupés, comme la mort de Violetta, manifestement quelques mesures trop tard, alors que le docteur s’est déjà écrié « E spenta …»



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