C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Rolando VILLAZON

Opera recital

Offenbach - Les Contes d'Hoffmann
"Il était une fois à la cour
d'Eisenach"
"Allons, courage et confiance"
Puccini - Tosca - "Recondita armonia"
Mascagni - Cavalleria Rusticana - "Mamma, quel vino"
Giordano - Fedora - "Amor ti vieta"
Flotow - Martha - "Ach so fromm"
Tchaikovsky - Eugen Onegin - "Kuda... kuda"
R. Strauss - Der Rosenkavalier - "Di rigori armato il seno"
Verdi - Un ballo in maschera - "Forse la soglia attinse"
Donizetti - Don Pasquale - "Com'è gentil"
Donizetti - La favorita - "Favorita del re"
Bizet - Carmen - "La fleur que tu m'avais jetée"
Bizet - Les pêcheurs de perles
"A cette voix... je crois entendre encore"
Verdi - Ernani
"Padre, con essi intrepido...Odi il voto... sprezzo la vita"

Bayerischer Rundfunkchor
Münchner Rundfunkorchester
Michel Plasson, direction

Enregistré à Munich 13-17 juin 2005 (Bavaria Studio)
et 25 sept. 2005 (Studio 1, Bayerischer Rundfunk)

CD Virgin Classics durée : 62'13 - 0946-344733 2 3
DVD Bonus : Le Making of du CD (Durée 40 min. env)




Deux ans après son premier disque, consacré à l’opéra italien, qui m’avait moyennement convaincu, et douze mois exactement après son CD d’airs français enthousiasmant en revanche, tous deux chez Virgin Classics, Rollando Villazòn nous propose une troisième série d’airs, en quatre langues, qui explore certains rôles non encore inscrits à son répertoire. Après ces deux premières publications, l’enjeu est donc clair : stop ou encore ?

Commençons par l’accessoire : la moindre originalité de ce CD n’est pas d’être accompagné d’un DVD retraçant, en quarante minutes, les conditions d’enregistrement du disque, avec des airs intégraux (La fleur, Kuda, Les pêcheurs de perle) et des entretiens avec le ténor et le chef. On entend Michel Plasson dire son admiration pour le tempérament de feu du jeune Rolando, tempérament attesté par ses blagues de potache, sa gestuelle totalement relâchée (nous sommes en studio !), sa bonne humeur communicative et sa totale expressivité parfois grimaçante. Difficile, évidemment, de savoir si Villazòn est toujours comme ça – ce qui paraît très vraisemblable ! - ou si la caméra produit son effet. Mais, en tout cas, même si le DVD aurait gagné à montrer encore davantage le travail de préparation de l’enregistrement (au piano, avec les répétiteurs linguistiques…), l’effet est réussi : on en redemande et c’est un complément bien sympathique du CD lui-même !

Venons-en à l’essentiel, ce que l’on entend. Le programme manque de cohérence : qu’y a-t-il de commun à Cavaradossi, Ernesto, Turiddu, Lenski et Don José ? Villazòn a choisi de montrer l’étendue de ses capacités d’adaptation, bien au-delà des rôles qu’il incarne aujourd’hui (Hoffmann, Don José et Lensky). Pour quel résultat ?

Globalement, Villazòn confirme les bonnes impressions laissées par le récital d’airs français. Le timbre est magnifique, et ça, on le savait. La caractérisation des personnages est  très personnelle, et Villazòn fait la preuve de ses qualités de musicien, parfois même là où on ne l’attend pas : la messa di voce à la fin de l’air de Fedora « Amor ti vieta » surprend… mais que c’est beau ! De même, dans l’air de Lensky, la reprise est attaquée piano. Michel Plasson, à la tête du Münchner Rundfunkorchester, et qui succède à Marcello Viotti et Evelino Pidò aux côtés de Villazòn, soutient parfaitement le jeune mexicain et on sent une entente étroite.

Dans ce qui est son répertoire actuel, Villazòn se promène. La ballade de Kleinzach, que les Parisiens pourront entendre à Bastille en janvier 2007, est d’un naturel et d’une théâtralité confondante et son français est quasi parfait, même si l’air de la fleur manque d’un petit je-ne-sais-quoi pour emporter l’adhésion (allez, par exemple un si bémol piano). La romance de Nadir est, pour Michel Plasson dans le DVD, le « gros morceau » du programme, tant elle est ingrate et difficile. Dans le récitatif, Villazòn est, à son habitude, ardent et théâtral. Sa prononciation et son sens de la ligne font ensuite merveille dans « Je crois entendre encore… ». Oui, Villazòn fera un très beau Nadir.

Langue qu’il ne parle pas, le russe ne semble guère lui poser de difficultés, même si le DVD permet de surprendre une répétitrice corriger sa prononciation ici ou là. Villazòn « latinise » le russe et cela fonctionne fort bien. Son « Kuda » est bouleversant.

Son allemand est en revanche bien moins convaincant, alors même qu’il parle la langue ! Dans le tube « M’apparì », tiré de Martha et rendu célèbre notamment par Caruso, que Villazòn choisit de chanter dans sa version originale (« Ach so fromm, ach so traut »), le texte est difficilement compréhensible et la prononciation peu naturelle, défaut qui revient aussi dans l’hymne à la Vierge de Stradella, air peu gravé et peu connu de nos jours.

Côté italien enfin, « Com’è gentil » de Don Pasquale n’apporte pas grand-chose au programme et le « Di rigori armato il seno » du Rosenkavalier est anecdoctique – avec une attaque un peu tendue au demeurant. En revanche, l’air de Fernando dans la Favorita et celui de Riccardo dans le Bal masqué sont magnifiques et lui vont très bien. Dans Cavalleria Rusticana, on a l’habitude de voix plus lourdes et plus dramatiques. Au disque, Villazòn peut se le permettre, mais quid en dehors du studio d’enregistrement ? Si sa limite est là, souhaitons, et ardemment, qu’il ne la franchisse pas !

Villazòn a choisi de conclure son CD par un air quasi inédit d’Ernani, composé par Verdi pour un final alternatif, et assez rock’n roll, du II, semble-t-il sur une suggestion de Rossini, pour le ténor Ivanov. André Tubeuf, dans la notice qui accompagne le CD, estime que l’avenir de Villazòn se trouve principalement du côté de Verdi, dont il incarne déjà  Don Carlo, Macduff, Alfredo Germont et le duc de Mantoue. Soit, mais on peut aussi ouvrir d’autres pistes : bien préparé, pourquoi Villazòn ne marcherait-il pas sur les traces d’un Wunderlich, en s’attaquant au répertoire de lieder, et par exemple aux Dichterliebe de Schumann ?
 
Jean-Philippe THIELLAY


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