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L'édito...
Sylvain Fort
novembre 2007
 

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Pauvre Italie!

Dans le Sud de l’Italie, le Jour des Morts offre aux lamentations des pleureuses la toile de fond immaculée de son ciel azur. Les façades aux guirlandes baroques fixent comme jamais cette lumière d’un jaune très pâle. Et dans les rues, le touriste nombreux se laisse aller – oui, en novembre – aux délices de glaces colorées.

Pourtant, pauvre Italie ! Dans un récent numéro de Diapason, c’est Cecilia Bartoli qui entonnait de sa voix dodue un début de thrène : pour l’art, plus d’argent, plus de talents, plus rien, et par conséquent elle-même n’y travaillait plus, déplorant un pays fini, en perdition.

Dans une autre publication, c’est René Jacobs qui pestait contre ce pays, dont pourtant il aura ressuscité (et de quelle manière !) les purs joyaux : l’Italie serait entrée en décadence dès le XVIe siècle, et ça n’était pas fini.

L’autre jour, à l’Opéra de Rome, on se rendit au Wozzeck qui n’y avait pas été donné depuis plus de trente ans. On contempla avant spectacle les affiches des années 40, où dans le chef-d’œuvre de Berg Tullio Serafin dirigeait Tito Gobbi. Las, la première de cette résurrection attendue se fit devant une salle presque vide. Loges désertes, travées dépeuplées, et une très séduisante Madame Lafont flanquée de Denise Dupleix contempla son mari Jean-Philippe donner devant ce parterre clairsemé une performance d’anthologie. Tristesse. A la deuxième, il y eut encore moins de monde : les invités étaient déjà venus.

L’année prochaine, on a su convaincre Riccardo Muti de venir donner un Otello, histoire de remonter le niveau moyen de remplissage. Et pourquoi pas Cecilia Bartoli ?

Continuons : pour les obsèques de Pavarotti, le kitsch et le ridicule ont donné une idée assez fidèle de l’estime dans laquelle les Italiens tenaient leur ténorissimo. En réalité, leur revenait dans un gros cercueil un fils du pays qu’ils n’avaient pas revu depuis près de quinze ans. Lui aussi avait trouvé que l’herbe était plus verte ailleurs.

A la fin du mois d’octobre, on fêtait dans les larmes les quatre années de la disparition de Franco Corelli. Avec le temps, la distance, il apparaît de plus en plus clairement que Franco Corelli fut le plus grand ténor italien de ce siècle. On ne conseillera pas au lyricophile de réaliser une écoute comparée de ses divers enregistrements de Celeste Aida avec la performance d’un de nos compatriotes mise en ligne par le Metropolitan Opera sur son site internet. Ce serait leur demander de comparer l’or et le plomb, ou la caresse d’une hétaïre et les flagellations d’une rombière.

Corelli, qu’on a pu dire braillard et peu musicien, fut le dernier à incarner ce pour quoi la terre d’Italie encore et toujours nous est chère : une générosité dispendieuse, un débraillé sympathique, une séduction de tous les instants. Peut-être ne sont-ce là que des clichés. Mais à tout prendre, je les préfère au pessimisme des enfants ingrats. Car de Corelli en Italie il ne fut pas question. Pas une note à la radio. Pas un entrefilet dans le journal. Un ami italien, sceptique sur le devenir de son si cher pays, me disait avec amertume « ah, qui se souvient de Franco aujourd’hui ? », à quoi je ne trouvai rien à répondre sinon « ben…moi ! ».

Oui, l’azur enveloppe et fait chanter les anges des églises. L’air sec et limpide nous enivre et nous ravit. Mais l’Italie n’est plus en Italie. Elle s’est réfugiée dans une mythologie que chérissent et cultivent et amplifient ceux qui en somme auront fait connaître au monde les splendeurs de ce pays et n’auront de cesse d’en perpétuer la louange : les fous d’opéra.

Sylvain Fort
Éditorialiste

 
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