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La Catalogne, une terre qui chante

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Actualité
25 juillet 2011

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Il en est de l’art lyrique comme de la viticulture : les sols mieux ensoleillés produisent un vin plus généreux. La Catalogne fait partie de ces terres bienheureuses où la musique, plus qu’ailleurs, a pris racine. Des compositeurs – Montsalvage, Granados, … –, des voix – Montserrat Caballe, Victoria de Los Angeles, José Carreras (que l’on prénomme Josep en catalan)… –, des lieux – Le Liceu bien sûr mais pas seulement. Suivez le guide.

 

 

Caballe, Montsalvage disions-nous mais c’est Gaudi qu’il faudrait citer d’abord. Le père de la Sagrada Familia n’est-il pas aux architectes ce que l’opéra est à la musique : un pied-de-nez au bon sens, un refus de la ligne, un appel au rêve ? L’un fait onduler la pierre ; l’autre chanter les mots. A Barcelone, l’Art nouveau, dont Gaudi fut l’apôtre, éclabousse les façades de ses fantasmes curvilignes. Ses volutes, tels des liserons grimpants, pénètrent à l’intérieur de pièces qu’elles ornent de leurs tiges courbes et de leur fleurs pédonculées.

 

Le Liceu, sauvé par les flammes

 

Un des plus beaux exemples de ce type de décoration intérieure est signé non pas Gaudi mais Alexandre de Riquer. On peut le voir au Liceu de Barcelone justement, dans l’une des quatre salles du Cercle ouvertes au public. Le Cercle est un club privé sur plusieurs étages dont l’accès est jalousement réservé à l’élite locale, depuis 1847, date de l’inauguration du Liceu. Peu sont donc autorisés à admirer, dans le vestibule inférieur, les quatre baies avec vitraux représentant des scènes d’opéras de Richard Wagner.

Cette partie du bâtiment fut heureusement épargnée par le gigantesque incendie qui, le 31 janvier 1994, ravagea le théâtre. Vécu à l’époque comme une catastrophe nationale, le sinistre peut être considéré avec le recul comme une véritable opportunité de modernisation que surent saisir les autorités locales.

 

 
Liceu de Barcelone (vue de la salle) © DR

 

De privée, l’institution devint publique avec, pour le commun des mortels, les avantages que cela représente en termes d’ouverture et d’accessibilité.

Reconstruite à l’identique, en respectant la décoration et le style originaux, le confort de la salle fut amélioré, l’acoustique perfectionnée, les dernières technologies sollicitées : téléprompteur individuel avec possibilité de choisir sa langue, installation de petits écrans d’où l’on voit la totalité de la scène pour les places à visibilité réduite. Surtout, la configuration de l’espace fut repensée : de 12 000 m2, la superficie exploitable passa à 36 000 m2. Un triplement de surface qui bénéficie à la machinerie, au public avec l’installation d’un foyer supplémentaire ainsi qu’aux techniciens, musiciens et personnel administratif. Avec une capacité de 2 292 places, le Liceu est aujourd’hui le 2e opéra plus grand d’Europe, juste derrière l’Opéra Bastille (2 703 places), et l’un des plus modernes au Monde. Confortablement installé dans le paysage lyrique international, l’institution barcelonaise continue d’accueillir les plus grandes voix du moment. Roberto Alagna, Angela Gheorghiu, Ramon Vargas, Diana Damrau, Juan Diego Florez et bien d’autres feront les beaux soirs des Linda di Chamonix, Bohème, Adriana Lecouvreur et autres opéras programmés la saison prochaine. Mais là comme ailleurs, on commence à percevoir les effets néfastes d’une crise économique qui devient culturelle. Faute de budget, Faust sera représenté au mois de septembre en version abrégée et de concert. (Plus d’informations sur www.liceubarcelona.com)

 

Le Palau de la Música, en quête d’identité musicale

 

Autre témoignage audacieux de l’Art nouveau, le Palau de la Música Catalana fut édifié en 1908 à une dizaine de minutes à pied du Liceu, par Lluís Domènech i Montaner, l’un des principaux représentants du modernisme catalan. A la fin des années 80, un nouveau bâtiment de six étages lui a été adjoint et l’une des façades a été encapsulée dans un cercueil de verre. Même si l’on nous affirme le contraire, on ne peut s’empêcher de penser que ce réaménagement nuit à l’esprit des lieux.

A l’intérieur, dans la salle de concert agrandie, les sièges en bois ont été recouverts d’un vilain tissu moucheté. De part et d’autre de la scène, le buste de Beethoven dominé par une Walkyrie échevelée fait face à un groupe de jeunes filles en fleur personnalisant une chanson folklorique de Josep Anselm Clavé. D’un côté la musique savante, de l’autre la musique populaire. Tout le dilemme du Palau de la Música se trouve représenté là. A ne pas avoir voulu choisir son camp, cette salle dont l’architecture délirante semble réclamer les paroxysmes de la voix chantée, n’a pas trouvé sa place dans le paysage musical barcelonais.

 


Palau de la Música (vue de la salle) © DR

 

Aujourd’hui, les formations qui se la partagent ne suffisent pas à lui construire une identité cohérente. On cherchera d’ailleurs en vain une brochure récapitulative de l’ensemble de la saison 2011-2012. A défaut, on trouvera dans un recoin du vestibule quelques dépliants peu appétissants. On y picorera cependant des miettes de proposition : El Giravolt de maig, un opéra du compositeur catalan Eduard Toldrà Soler (1895-1962) interprété par les forces du Liceu le 11 juin 2012, une Passion selon Saint Matthieu par le Collegium Vocale Gent le 4 avril 2012 ou, plus près de nous, le 17 octobre 2011, La Grande Messe en Do mineur de Mozart dirigée par Ivor Bolton. Pour rentabiliser l’affaire, le Palau de la Música Catalana est loué de temps à autre à des organisateurs de spectacles privés. Ainsi, le jour où nous l’avons visité, on affichait un show intitulé Opera i Flamenc censé mélanger allégrement flamenco et airs d’opéra extraits de Carmen, I Pagliacci et Tourandot (sic). A fréquenter donc avec précaution. (Plus d’informations sur www.palaumusica.org).

 

L’Auditori, la salle philharmonique que Paris n’a pas (encore)

 

Faut-il en déduire que le Palau de la Música Catalana ne s’est pas remis du départ de l’Orquestra Simfonica de Barcelona i Nacional de Catalunya (OBC) qui il y a douze ans occupait encore les lieux ? Sans doute. Depuis 1999, la première formation symphonique barcelonaise (avec l’Orchestre du Liceu) est en résidence à L’Auditori, un espace qui est à la capitale de la Catalogne ce que La Cité de la musique sera à Paris une fois le projet de salle philharmonique abouti. Edifié par Rafael Moneo dans un quartier en devenir, au point de jonction des trois plus longues avenues de Barcelone historique (Diagonal, Gran Via and Meridiana), le bâtiment ne bénéficie pas d’une architecture engageante.

 


L’auditori © DR

 

Ce polyèdre de béton plutôt inamical abrite sur 42 000 m2 l’Ecole supérieure de Musique de Catalogne, le Musée de la Musique ainsi que quatre salles de concert à l’acoustique étudiée, d’une capacité de 2 200, 600, 400 et 152 places. Outre l’OBC, la Banda Municipal de Barcelona, le Quartet Casals, La Capella Reial de Catalunya fondée en 1987 par Jordi Savall, le bcn216 – une formation de musique contemporaine – et l’Orquestra Arab de Barcelona ont investi l’endroit. C’est dire si l’offre est plurielle. Chacun pourra y trouver son bonheur, l’amateur d’art lyrique comme les autres. Par exemple, Christian Gerhager dans Das Lied Von Der Erde de Gustav Mahler en fin de saison ou auparavant, à la fin du mois de septembre 2010, la cantate Alexander Nevsky de Prokofiev interprétée par la flamboyante Ewa Podles. A surveiller car peut mériter le voyage. (Plus d’informations sur www.auditori.cat).

 

Peralada, un festival de renommée internationale

 

Mais Barcelone n’agglomère pas à elle seule toutes les initiatives lyriques de Catalogne. A cent cinquante kilomètres au nord de la capitale, le Festival International de Musique Castell de Peralada, fête ses 25 ans. Depuis 1987, cette manifestation, dont l’organisation, la gestion et le financement sont privés, dépend de l’Associació Cultural Castell de Peralada, association à but non lucratif présidée par Mme Carmen Mateu de Suqué qui est aussi la propriétaire du Château de Peralada. Ceci explique cela. La manifestation a lieu chaque année dans le parc de la propriété. La scène et la salle – sièges gradins – sont installés dans une vaste clairière entourée d’arbres sur lesquels nichent des cigognes. Les soirs de concert, il arrive à l’oiseau échassier de ponctuer la partition de ces craquètements. L’expérience est suffisamment insolite pour devoir être vécue.

 


Peralada (photo montage) © DR

 

Eclectique, le Festival s’intéresse autant à la pop et au jazz qu’à la musique de chambre. L’église del Carme, située dans l’enceinte du château, s’avère dans ce dernier cas un écrin idéal. Mais ce sont les récitals de grande voix et l’opéra qui font d’abord la réputation de Peralada. En témoigne la programmation de cette 25e édition qui aligne les noms de Montserrat Caballe, Placido Domingo, Roberto Alagna, Vessa Vassileva et Sondra Radvanovsky. Côté opéra, Nabucco en version de concert ouvrait les festivités (cf. notre compte-rendu) et La Fura del Baus réunit sur scène chanteurs mais aussi musiciens et danseurs pour un Orfeo ed Euridice de Gluck qui promet de détonner. Dans cette région où les nuits sont aussi chaudes que nos jours, la pluie n’est venue qu’une seule fois interrompre le cours d’une représentation. Violetta Valery – La Traviata -, ce soir là, fut graciée. (Plus d’informations sur www.festivalperalada.com)

 

Vilabertran, schubertiades au sud des Pyrénées

 

Peralada est une bourgade trop petite pour que, de son château, la musique se déverse dans les rues, les églises et les demeures avoisinantes. Mais son festival est suffisamment renommé pour empêcher toute autre manifestation musicale de s’implanter dans les environs. Jordi Roch, le président de les joventuds Musicals d’Espanya, a trouvé la parade en baptisant schubertiade, et non festival, la série de concerts de musique de chambre et de mélodies qu’il organise chaque année en été à quelques encablures de Peralada dans l’Abbaye Canoniale de Santa Maria de Vilabertran.

  


Vilabertran © DR

 

Version méridionale des soirées qui réunissait à Vienne Schubert et ses amis autour d’un piano, dont la tradition se perpétue aujourd’hui à Porrentruy, Feldkirch et New York, les schubertiades de Vilabertran se caractérisent par un lieu exceptionnel (un des exemples les mieux conservés en Catalogne de l’architecture des abbayes canoniales régulières médiévales) et la présence de musiciens prestigieux. Mathias Goerne y a ses habitudes ; Angelika Kirchschlager aussi. La dernière découverte de Deutsche Grammophon, Mojca Erdmann, interprètera le 2 septembre dans l’intimité dépouillée de l’église du XIe siècle des lieder de Schumann et Strauss. Preuve que Schubert n’est pas le seul compositeur au programme, même s’il demeure, avec les romantiques allemands, le fer de lance de la manifestation. On peut d’ailleurs certains soirs écouter d’autres langues que celle de Goethe s’élever sous ces voutes de pierre. Entre Schubert et Schönberg, le 27 août, Hannah-Elisabeth Müller insèrera « Le colibri » d’Ernest Chausson, cette mélodie magnifique sur des vers de Leconte de Lisle qu’il faut avoir entendu chantée par Philippe Jaroussky pour en saisir le charme délétère. (Plus d’informations sur www.schubertiadavilabertran.cat)

 

Inutile de chercher un endroit où dormir à Vilabertran. Le village, avec ses 930 habitants, ne propose pas de chambre au voyageur. C’est à Figueres qu’il faudra aller pour trouver le repos. Là, Salvador Dali occupe une place trop importante pour qu’un art autre que la peinture y ait droit de cité. Mais en Catalogne, l’opéra réussit à s’immiscer là où on ne l’attend pas. Les nombreux visiteurs du théâtre-musée que le maitre du surréalisme a imaginé pour mettre en scène ses propres œuvres sont accueillis dans le patio par un assemblage intitulé « Carro-naval ». Il s’agit de la sculpture de la reine Esther d’Ernst Fuchs trônant sur le capot d’une Cadillac noire. De ce que l’on suppose être l’autoradio s’échappe la voix d’Ernest Blanc dans Les pêcheurs de perles.

 

Christophe Rizoud

 

Carnets d’adresse

 

A Barcelone

  • Où dormir ? Hôtel Barcelona Catedral, idéalement situé dans le quartier touristique près de la cathédrale, à moins de 10 minutes à pied du Liceu et du Palau de la Musica. L’établissement, d’un confort contemporain, présente l’avantage de disposer d’une piscine sur son toit – C/ Dels Capellans 4 – www.barcelonacatedral.com

  • Où manger ? Senyor Parellada, dans le quartier branché de Barcelone – C/ Argenteria 37 – www.senyorparellada.com ; Tragaluz, un des fleurons du Groupe Tragaluz ; assister à l’ouverture du toit vitré mérite à lui-seul le repas, excellent par ailleurs – Ptge. De la Conceptio 5 – www.grupotragaluz.com/rest-tragaluz.php ; La Gavina, sur les quais, face au port, histoire de ne pas oublier que Barcelone est aussi une ville maritime – Plaça Pau Villa, 1 – www.lagavina.es

 

A Figueres

  • Où dormir et manger ? Hôtel Duran, un établissement historique dans le centre-ville où Dali aimait prendre ses repas en amicale compagnie – C/ Lausaca 5 – www.hotelduran.com

Plus d’informations

 

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