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Aureliano in Palmira : de la genèse au pupitre

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25 août 2014

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Comment Will Crutchfield s’est-il retrouvé au pupitre d’Aureliano in Palmira pour la première exécution pesaresque de cet opéra après avoir réalisé pour la Fondation Rossini une édition critique encore inexistante ? Pour le savoir, une rencontre avec le chef et musicologue américain s’imposait.

Le parcours de Crutchfield n’est pas banal. Fils d’un prédicateur presbytérien, né en Virginie dans une famille de quatre garçons, il est très tôt tombé amoureux de la voix. Parallèlement à ses sermons en chaire, son père se distinguait aussi dans les grands rôles de ténor du répertoire lyrique.  « Quand on était petits, moi et mes frères, on se bouchait les oreilles dès que notre père faisait ses vocalises. Mais, à partir de l’âge de cinq ou six ans, il m’a emmené à l’opéra et je me suis mis à admirer de plus en plus ses notes aiguës. Quand j’ai commencé à étudier le piano, ce qui m’intéressait, c’était surtout de comprendre comment la musique était faite. Alors, vers l’âge de quatorze ans,  mon professeur qui était aussi chef d’orchestre m’a initié à l’harmonie et aux bases de l’orchestration. Un peu plus tard, j’ai pu assurer au piano des répétitions d’opéra. Ma première expérience marquante a été Lucia di Lammermoor. J’ai décidé d’aller à l’Université pour étudier sérieusement. »

Ses études universitaires terminées, Crutchfield travaille pour une maison d’opéra à New Haven en tant que pianiste assistant. Par hasard, on lui demande d’écrire des critiques d’opéra dans le journal local. Ces articles sont lus par le titulaire de la critique musicale du New York Times. Impressionné par son érudition musicologique, il lui propose de l’engager. À vingt-quatre ans, comment refuser cela ? « J’y suis resté cinq années, mais écrire ne me suffisait pas je voulais pratiquer. Alors, j’ai enseigné dans différentes écoles de musique, en particulier à la Juilliard School. Pour moi, le travail avec les chanteurs est crucial. Afin de conduire un opéra, il faut être capable de respirer avec eux, tout en sentant la musique comme on le fait au piano. Un chef d’opéra doit absolument avoir ce bagage. » La passion de Crutchfield ? Étudier au microscope les différents états des œuvres, les  comparer, scruter les ornements. C’est pour appliquer concrètement ses connaissances musicologiques qu’il est  passé à la pédagogie comme conférencier et  chef de chant. Puis, afin d’être vraiment en prise directe avec tous les secrets de l’orchestration, il s’est mis à la direction. Il affirme se sentir très près des musiciens : « Les relations entre le chef et l’orchestre se manifestent dès les premières minutes de répétition. Pareil avec les chanteurs. Il faut qu’ils se sentent en confiance  avec un  chef qui veut les voir donner le meilleur pour le public. Tous ont forcément envie de faire de la bonne musique ; un chef qui réussit quand les interprètes échouent, cela n’existe pas. »

Depuis1996, dans le cadre bucolique d’un grand festival qui se déroule chaque mois de juillet à une heure de Manhattan, son Bel canto in Caramoor, ayant pour règle de toujours respecter la dernière édition critique des œuvres, a maintenant conquis un large public ainsi que l’attention de la critique newyorkaise. Dans un théâtre de verdure, couvert en cas de pluie, Crutchfield, à la tête du Saint Luke’s Orchestra, a dirigé en version de concert semi-scénique de nombreux ouvrages rossiniens : Cenerentola ; La Donna del lago ; Tancredi ; Elisabetta, regina d’Inghilterra ; La Gazza ladra ; Otello ; Il Barbiere di Siviglia… Sans oublier, en juillet 2012, celui qui a initié sa collaboration avec le Rossini Opera Festival, une avant-première de Ciro in Babilonia exécutée à Caramoor avec ses principaux interprètes, avant d’aller lui-même diriger la création à Pesaro au mois d’août dans la mise en scène de Davide Livermore. C’est à la suite du triomphe exceptionnel de Ciro que la Fondation Rossini a eu l’idée de proposer à Crutchfield de se charger d’une édition critique encore inexistante pour Aureliano.

Contrairement à Ciro in Babilonia, qui avait fait un flop en 1812, quelques mois après Tancredi, à la fin de 1813, Aureliano in Palmira avait rencontré un grand succès lors de  sa création. L’opéra avait donc été représenté ensuite dans de nombreuses mises en scène.  Le manuscrit original de Rossini ayant jusqu’à ce jour disparu, Crutchfield s’est trouvé face à une tâche gigantesque. Celle de devoir comparer les manuscrits existants de quatre-vingt productions ! « Ce qui a été fascinant pour moi en examinant ces différentes versions, c’est de comprendre comment on faisait les opéras à cette époque. J’ai examiné des milliers de pages, certaines très claires, d’autres bourrées de fautes. Tout était noté à la main, avec plein d’abréviations. De nombreux passages étaient laissés en blanc. Cela montre combien chaque instrumentiste et chaque chanteur avait vraiment besoin d’être un expert. Pour repérer ce qui est fautif, il faut connaître beaucoup d’autres œuvres de Rossini. Chaque page, chaque barre de mesure doit être examinée, comparée. Quelquefois, on pense qu’un fa aurait dû être un sol, mais on s’aperçoit ensuite que c’est le sol qui est fautif ; regardez… » Et, Crutchfield montre un exemple sur son ordinateur. « Pour retrouver ce que devait être l’original, chaque mesure doit être confrontée aux autres. Un travail de détective. Une grande leçon pour moi ! »  

Aureliano in Palmira, dirigé par Will Crutchfield, a été représenté au Rossini Opera Festival les 12, 15, 18 et 22 août (voir compte rendu).

 

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