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Bernard Foccroulle : « Si j’écris un opéra, j’appliquerai toutes les recommandations que j’ai pu faire aux autres ! »

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Interview
8 février 2018
Bernard Foccroulle : « Si j’écris un opéra, j’appliquerai toutes les recommandations que j’ai pu faire aux autres ! »

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Cet été, Bernard Foccroulle présente sa dernière saison au festival d’Aix-en-Provence. Mais pour l’ex-directeur du Théâtre de La Monnaie, l’histoire ne s’arrête pas là, et ses relations avec le monde de l’opéra vont prendre une face nouvelle.


Entre le monde de l’orgue et le monde de l’opéra, les liens ne paraissent pas forcément évidents. Comment êtes-vous passé de l’un à l’autre ?

Il existe des liens entre l’orgue et l’opéra : chez des compositeurs comme Haendel, avec l’orgue comme instrument de continuo, par exemple. Mais le travail de l’organiste et celui d’un directeur d’opéra sont des choses beaucoup plus distantes, et si je suis arrivé dans le monde de l’opéra, c’est parce que je m’y intéressais déjà, en relation avec toute l’aventure de Gerard Mortier à La Monnaie, aventure que j’ai suivie de près à différents titres : j’ai joué dans l’orchestre, j’ai tenu le continuo, j’ai écrit des textes pour des programmes, j’ai été lié à des créations, notamment celles de Philippe Boesmans. Un lien s’était donc créé. Néanmoins, le fait d’être invité à candidater pour prendre la direction du théâtre est une chose qui ne m’avait pas effleuré auparavant, et dans laquelle il y avait une part de hasard.

On est donc venu vous chercher, ce n’est pas vous qui êtes spontanément allé vers ce poste ?

C’est Gerard Mortier qui m’a dit en 1989 que je devrais réfléchir à prendre sa succession le jour où il partirait. Ce n’était pas urgent, mais quelque temps après, Karajan est décédé, Gerard Mortier a été nommé à Salzbourg, et du coup j’ai dû réfléchir, peser le pour et le contre. Pendant tout le mois de septembre 1989 j’ai beaucoup fluctué, mais j’ai fini par dire oui.

Avant cela, vous aviez déjà un intérêt pour l’opéra en tant que spectateur ou mélomane ?

Ma famille maternelle était très wagnérienne, et je suis allé à Bayreuth à 18 ans. A cet âge-là, j’étais déjà allé plusieurs fois à l’opéra. Ensuite, j’ai enseigné l’analyse musicale au conservatoire de Liège, j’ai même enseigné un an à Paris, et dans ce cours, l’opéra occupait une place non négligeable. Dans la conception de la musique qui est la mienne, l’opéra était un élément important. Il y avait des partitions que je connaissais bien : Pelléas, Les Noces de Figaro, des Verdi, des Wagner… Mais entre bien connaître une partition et diriger une maison d’opéra, il y a quand même un certain chemin à parcourir !

Quels défis avez-vous eu à relever en arrivant à la tête de La Monnaie ?

Je n’avais aucune préparation managériale, donc je me suis donc formé sur le tas. Comme j’ai été nommé deux ans avant ma prise de fonctions, j’ai pu d’emblée travailler à La Monnaie, constituer une équipe, et j’ai été bien aidé par un certain nombre de personnes. J’ai notamment eu la chance d’avoir un collaborateur de très haut niveau, Bernd Loebe, qui est ensuite devenu le directeur de l’Opéra de Francfort. A Bruxelles, il était directeur de casting, et j’ai beaucoup travaillé avec lui sur la programmation, les choix artistiques, etc. Ensemble, nous avons fait beaucoup de voyages, qui nous ont entre autres permis d’engager Antonio Pappano.

Par ailleurs, au début des années 1990, La Monnaie était dans une situation financière extrêmement difficile. J’ai dû faire face à un déficit très important, de l’ordre de 10 millions d’euros, et il a fallu mettre en place des systèmes de contrôle budgétaire anticipé. Je me suis immédiatement retrouvé dans le bain, et j’ai alors développé des contacts avec le monde politique.

Outre le contact avec les artistes et avec la création en particulier, une des choses qui me passionnaient le plus et qui continuent à m’intéresser est le travail d’ouverture à de nouveaux publics, l’effort de rajeunissement des spectateurs. A Bruxelles d’abord, à Aix ensuite, j’ai créé un service éducatif, un service « socio-artistique ». J’étais président des jeunesses musicales en Belgique quand Gerard Mortier m’a invité à envisager sa succession, donc j’avais déjà un certain background dans ce domaine. J’avais fondé un festival de musique contemporaine, Ars Musica. J’avais déjà le souci des questions de politique culturelle, souci qui ne m’a jamais quitté. Si je n’avais pas eu ce bagage musical, j’aurais eu beaucoup de mal, avec le peu de formation que j’avais dans le domaine de l’administration.

Quand vous êtes arrivé à Aix, les choses ont-elles été plus faciles pour vous grâce à l’expérience acquise ?

Oui, clairement. Je suis arrivé à Aix avec quinze ans d’expérience à Bruxelles, expérience qui s’était beaucoup  développée sur le plan international, par les collaborations multiples que nous avions mis en œuvre, avec Stéphane Lissner au Châtelet puis à Aix, et avec les grands festivals européens. J’ai beaucoup travaillé dans une perspective de circulation des productions, et surtout des créations. J’ai été très frappé, à la fin du XXe siècle, de voir le nombre d’ouvrages que l’on créait et que l’on abandonnait aussitôt. La motivation profonde n’était pas toujours au rendez-vous de la part des institutions et des équipes, les créations étaient souvent faites par obligation, pour attirer la presse. On passait une commande individualisée à un compositeur, en lui disant : « Reviens dans trois ans et on s’occupera de ta création ». Et là, le pauvre compositeur assistait, passif, parfois effaré, à une création qui ne rencontrait absolument pas l’imaginaire qui était le sien.

J’ai donc travaillé pour créer des équipes de création, afin que le compositeur ne soit pas un artiste isolé mais qu’il soit intégré dans un contexte, avec un metteur en scène, un chef d’orchestre, un librettiste bien sûr, mais aussi des chanteurs, afin qu’il sache pour qui il travaille et qu’il puisse nourrir ce processus de sa propre vision créatrice. Par ailleurs, j’ai fait en sorte que nos créations, à Bruxelles puis à Aix, circulent très largement, qu’elles soient coproduites, qu’elles tournent. Je pense avoir créé une trentaine d’opéra, mais surtout je suis très heureux de leur avoir assuré une vraie circulation en Europe et même un peu au-delà : Written on Skin a été présenté à New York, à Moscou, bientôt à Pékin. Pinocchio tourne aussi beaucoup, même choses pour les œuvres de Pascal Dusapin ou de jeunes compositeurs, car je n’ai pas seulement fait appel à des figures majeures et confirmées : Luca Francesconi a été révélé à la Monnaie avec Ballata. C’est une grande satisfaction d’avoir pu travailler avec des gens que j’estimais, en leur donnant les meilleures conditions de travail possibles, et aussi les meilleures conditions de reconnaissance possibles.

A Bruxelles, vous avez assuré une lourde succession, venant après un directeur qui avait marqué l’histoire du lieu. Avez-vous néanmoins pu imprimer votre marque ?

Par rapport à l’ère Mortier, les éléments de continuité étaient évidents importants et assumés, même si j’ai pu travailler très librement puisque la page de la programmation était blanche. A Gerard Mortier j’ai repris sa manière de concevoir l’opéra comme un art total, où musique et théâtre doivent s’équilibrer, se nourrir mutuellement sans dictature de l’un sur l’autre. J’ai cherché à faire venir à l’opéra des artistes très créatifs dans leur domaine, des metteurs en scène mais également des artistes visuels. J’ai aussi imprimé à la programmation quelques accents nouveaux : l’opéra baroque avait été très peu exploré par Mortier, car ce n’était pas sa tasse de thé, alors que pour moi c’était beaucoup plus naturel puisque l’une de mes trajectoires en tant que musicien était la musique baroque. René Jacobs fut un partenaire de premier plan, et nous avons aussi collaboré avec Philippe Herreweghe. Sur les quatre opéras de Cavalli que j’ai programmé à Bruxelles et Aix, j’en ai « créé » deux : Eliogabalo a connu à La Monnaie sa première scénique dans les temps modernes, même chose pour Elena à Aix. En matière de création, Gerard Mortier n’avait pas commandé ni créé tant d’ouvrages que ça : sur dix ans, il y avait eu trois ou quatre créations mondiales. Pour ma part, j’ai tenu à avoir un rythme annuel, avec parfois deux créations plutôt qu’une, parce que c’est une manière de nourrir la maison, de nourrir le public, de nourrir un répertoire, de le mettre en mouvement. Sur ces deux plans-là, la maison a évolué.

Autant je suis très attaché à l’excellence artistique et à la dimension d’innovation que nos institutions doivent porter, autant je suis opposé à l’image d’élitisme, qui réserverait les maisons d’opéra à des cercles privilégiés et fortunés. Personne n’est exclu ; ce n’est pas parce que des gens sont fortunés qu’ils ne sont pas les bienvenus à l’opéra, au contraire, mais l’opéra ne peut pas aujourd’hui se contenter de ce public-là. Il a besoin d’accueillir de nouveaux spectateurs, des jeunes, des gens issus d’autres milieux culturels, d’autres horizons. Par exemple, les communautés issues de l’immigration sont très peu représentées dans les salles d’opéra. Sur ce plan, je pense que la réalité de La Monnaie et du festival d’Aix est devenue très différente de ce qu’elle était auparavant. Je ne dis pas que le combat soit gagné, mais nous avons imprimé une dynamique, et je constate que, dans les deux maisons, tout est mis en place pour que ça continue.

Un directeur de maison d’opéra peut-il se faire plaisir, suivre ses goûts personnels, ou est-il prisonnier d’obligations de programmation ?

J’ai eu ce privilège de ne pratiquement programmer que des choses que j’aimais bien, mais j’ai l’avantage d’aimer beaucoup de choses ! J’ai donc pu me faire plaisir pendant 27 ans. Il y a très peu d’ouvrages que j’aie fait par obligation. Il y en a pas mal que j’ai décidé de ne pas faire, pensant que d’autres le faisaient mieux. Je n’ai jamais eu de grandes affinités avec Massenet et avec une partie de l’opéra français du XIXe siècle : je suis fan de Berlioz, Bizet, sans parler de Debussy, mais le grand opéra à la française est une chose qui ne me touche guère. Je ne prétends pas avoir raison, je pense simplement qu’on ne fait très bien que les choses pour lesquelles on s’engagé avec une conviction totale. Donc j’ai toujours cherché à faire des choix positifs.

Pour le choix des artistes, vous aviez votre mot à dire, vous pouviez influencer les choix du directeur de casting ?

Oui, bien sûr, mais la réponse est plus subtile. Durant toute cette période, je me suis tenu à cette ligne : ne pas imposer des chanteurs à un chef ou à un metteur en scène. J’ai voulu construire les casts en dialogue, en tenant compte des affinités du chef, des raisons qu’il pouvait avoir de préférer tel ou tel artiste. René Jacobs a joué un rôle déterminant dans certains choix. Les metteurs en scène ont aussi des coups de cœur ou des vétos, que je peux entendre. Concevoir ainsi une distribution est un vrai plaisir, même si c’est fatigant pour le directeur de casting parce que cela prend du temps. Un directeur de casting adore qu’on lui dise : « on va faire tel titre en telle année, débrouille-toi pour faire une magnifique distribution ». Ça, c’est facile comme tout, ça ne pose aucune difficulté. Par contre, faire une distribution avec l’accord du chef, du metteur en scène, du directeur de la maison et des contraintes budgétaires et de planning, ça devient beaucoup plus complexe et ça prend du temps ! Nous avons travaillé en dehors du star system, mais ça ne nous a pas empêché de travailler avec des artistes de très haut niveau mais qui acceptaient de se plier à un certain nombre de règles : le travail d’équipe, la présence aux répétitions… Je n’ai jamais accepté d’inviter un artiste qui nous disait d’emblée : « Moi je ne viens répéter que deux ou trois semaines », même des gens que j’admire énormément. Je ne le fais pas parce que je pense que ça pourrit le métier. Si on est prêt à participer à un production d’opéra, il faut accepter qu’il y ait six ou sept semaines de répétitions. Après, s’il faut se libérer un chanteur quelques jours, ça peut se faire avec un peu de flexibilité, bien sûr.

Vous pouvez citer des noms ?

De ce point de vue, quelqu’un comme Natalie Dessay s’est montrée professionnelle à 200%, totalement engagée, totalement présente. La plupart des grandes chanteuses qu’on a pu voir à Aix ces dernières années sont toutes passées par ce même type d’engagement. Je leur en suis reconnaissant et je pense aussi qu’elles en ont une forme de reconnaissance parce qu’elles ont pu trouver d’excellentes conditions de travail…

Sur ces 27 années passées à Bruxelles et à Aix, avez-vous des regrets, des œuvres que vous auriez aimé monter ?

A Bruxelles comme à Aix, je me suis heurté à des contraintes financières, mais aussi liées aux problèmes techniques, de fosse, etc. Je n’ai pas monté Saint François d’Assise, par exemple, qui est sûrement un opéra majeur de la fin du XXe siècle, mais je savais dès le départ que c’était impossible. Ce qui est plus douloureux, c’est de devoir abandonner un projet sur lequel on a commencé à travailler. A La Monnaie, il a fallu renoncer à un Ring, pour plusieurs raisons. A Aix j’aurais bien voulu monter l’Otello de Verdi, que j’adore, ou Don Carlos, mais ce sont des ouvrages vraiment très lourds. Même chose pour certains opéras baroques : nous avions mis en route avec William Christie et Trisha Brown un Hippolyte et Aricie, et on s’est rendu compte qu’on n’y arriverait pas : c’est un des plus beaux opéras de Rameau, mais trop lourd financièrement, à cause du nombre de musiciens, de chanteurs, de choristes, et de danseurs nécessaire. Si on veut le faire bien, notamment avec un compagnie de danse qui fait un travail créatif, cela dépasse les budgets. Dans ces cas-là, je préfère renoncer que de monter uns pectacle au rabais.

En tant que directeur, avez-vous un point de vue sur la question des diffusions de spectacles au cinéma ?

Aujourd’hui, le monde de l’opéra est tiraillé entre deux tendances : un pôle commercial, consumériste, très proche du star system, et un pôle auquel j’essaye de contribuer, basé sur la création, la modernité, l’élargissement des publics. Je pense que les grandes orientations des deux institutions que j’ai dirigées se situent entre ces deux pôles-là. On ne se situe jamais totalement à une extrémité, en général on se rapproche plus de l’une que de l’autre, ou bien on peut être au milieu. Le premier pôle me paraît dangereux, et il faut tout faire pour résister à la dérive qui va dans le sens de la marchandisation.

Les retransmissions d’opéra contribuent à élargir le public et notamment à porter l’opéra dans des lieux qui n’en étaient pas pourvus : petites villes, ou villes importantes dans des pays sans tradition d’opéra, come certains pays d’Afrique noire ou d’Asie, où tout à coup ces diffusions peuvent jouer un rôle, qu’elles aient lieu dans une salle de cinéma ou sur un grand écran en plein air. A Aix, nous avons beaucoup travaillé la question des diffusions, selon deux axes prioritaires, mais toujours sur le principe de la gratuité. Un opéra sur grand écran peut être un moment fort, artistiquement, en termes de convivialité : quand tout un village se déplace pour l’occasion, c’est magnifique, mais cela ne doit pas confondre avec la nature réelle de l’opéra. La gratuité me semble être la meilleure manière de respecter les artistes et d’indiquer au public qu’on est plutôt dans le domaine de la diffusion, de la sensibilisation. Dans un certain nombre de cas, à l’étranger, ces diffusions ont été le prélude à l’invitation de nos productions : à Pékin avant d’aller présenter Le Songe d’une nuit d’été, à Séoul avant Così fan tutte. Dans plusieurs villes en Amérique latine, cela a également suscité le désir d’inviter nos productions.

Quant aux diffusions comme celles que propose le Met de New York, j’ai des amis qui y vont, y compris des amis artistes qui en tirent un énorme plaisir. Moi je ne les  fréquente pas, donc il m’est difficile d’en juger. En revanche, lorsqu’elles tendent à vider les salles d’opéra dans les villes de province, j’y vois une concurrence un peu déloyale. Entre un opéra du Met, avec des stars sur grand écran, et un opéra dans une salle de province, je préfère sans hésiter la représentation « vivante ». Dans un monde idéal, je me servirais de l’un pour amener vers l’autre.

Même si, ces dernières années, vous n’avez sans doute pas eu tellement de temps à consacrer à cette activité, vous êtes aussi compositeur : envisageriez-vous de composer un opéra ?

C’est une option sur laquelle je travaille concrètement. J’ai plusieurs projets, plusieurs possibilités en tête et je suis très enthousiasmé par cette perspective. Je connais maintenant assez le métier pour m’appliquer les recommandations que j’ai pu faire aux autres !

Dans combien d’années cela pourrait-il se concrétiser ?

J’ai un projet à court terme, qui est porté par les Bouffes du nord, où il sera présenté l’année prochaine. Ce n’est pas un opéra, mais un projet musical en version scénique. Je suis presque au terme de la composition, et ce travail m’a absolument ravi de A à Z. Je pense ensuite composer des opéras à proprement parler ; je suis intéressé par différentes formes, y compris l’opéra destiné à un public familial, même si je n’ai pas forcément envie de commencer par là. J’envisagerai d’abord une œuvre de taille intermédiaire, car j’ai souvent recommandé aux compositeurs ne pas se lancer directement dans la grande forme avec solistes, chœur et orchestre.

Vous êtes sensible à certains types de voix plus qu’à d’autres ?

Je n’aime que les belles voix ! Non, c’est une boutade, et c’est même le contraire de ce que pense : certaines voix sont émouvantes sans être les plus belles. Je suis très sensible à la manière dont les chanteurs s’investissent, à une forme de présence. A l’inverse, il y a des voix qui font de grandes carrières au disque mais qui ne me touche guère parce qu’il n’y a pas assez d’incarnation. C’est une des choses qui m’ont le plus marqué ces dernières années : la générosité de certains chanteurs, concrètement engagés dans une vie professionnelle exigeante et qui le font avec beaucoup de talent, à l’opposé de l’image de la diva, de la Castafiore.

Dans un monde idéal, par qui aimeriez-vous que votre musique soit chantée ?

Si vous prenez la liste des grands chanteurs qui sont passés par Aix ces dix dernières années, vous allez avoir une liste de gens que j’aime bien, avec qui j’ai eu un immense plaisir à collaborer, avec qui des relations d’amitié sont nées, donc si j’écris un opéra, j’irai naturellement j’irai vers des personnes que j’ai pu apprécier.

Votre carrière de directeur s’arrête, vous redevenez musicien, compositeur uniquement ?

C’est mon intention. On me demande souvent : « Où vas-tu ? » et je réponds : « Je vais vers la liberté ! » Après 27 années durant lesquelles j’ai eu beaucoup de liberté artistique mais où j’ai subi des contraintes majeures, le mot « liberté » a pour moi une forte résonnance. Pour autant, je ne compte pas rompre avec le monde de l’opéra. Je n’ai pas l’intention de reprendre des fonctions de direction, mais je garderai des contacts formels ou informels avec des institutions, des réseaux.

Je pense que le XXIe siècle est un siècle de réseaux. Sur le plan culturel, nous avons aujourd’hui besoin d’échanges sans hiérarchie, afin de faire circuler nos projets à l’intérieur de l’Europe et entre les continents. Nous ne sommes pas assez informés en Europe de ce qui se passe aux Etats-Unis, par exemple : il y a une grande différence entre l’image un peu « cliché » de l’opéra en Amérique du nord, et les réalités alternatives qui sont en train de se développer rapidement, qui montrent une dynamique dont on n’a pas tout à fait conscience. L’Opéra de Philadelphie a trois compositeurs en résidence ! C’est unique au monde, et cela va lui permettre de devenir un  pôle de référence américain et sans doute mondial. L’investissement me paraît très intelligent.

Un autre sujet qui me tient à cœur est celui de la Méditerranée, qui à la source de tout notre patrimoine culturel européen, et notamment lyrique. Alors que le genre est né dans un pays méditerranéen, en s’appuyant sur de grands mythes méditerranéens, l’opéra tourne aujourd’hui le dos à la Méditerranée. Les pays du sud de l’Europe sont en difficulté, et nous n’a pas réussi à créer des liens avec l’Afrique du nord et le Proche-Orient alors que ce sont des cultures extrêmement vivantes à maints égards. On voit des salles d’opéra apparaître à Rabat, Marrakech, Alger, Tunis etc. Je suis curieux de voir comment tout cela va se développer, comment des réseaux vont faire circuler les artistes et mettre en œuvre davantage de créations interculturelles. Je crois vraiment à cet avenir, et il n’est pas exclu que j’y participe d’une manière ou d’une autre.

Propos recueillis le 2 février 2018

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