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Cinq questions à Jean-François Borras

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Interview
28 mai 2015

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New York s’en est entiché depuis qu’il a remplacé Jonas Kaufmann dans Werther. Vienne l’a découvert dans Manon et ne jure que par lui mais c’est en France que Jean-François Borras enchaine deux prises de rôle importantes : Riccardo d’Un ballo in maschera du 5 au 9 juin à l’Opéra de Metz (plus d’informations), juste après Macduff unanimement salué dans Macbeth en mai au Théâtre des Champs-Elysées. Nous l’avons rencontré à cette occasion.  


Vous allez entrer sur scène dans moins d’une heure. L’interview, c’est un bon truc contre le trac ?

Oui, même si, à vrai dire, je ne suis pas un gros traqueur. Tout dépend des circonstances, des rôles, des scènes, du temps de préparation. Quand j’ai remplacé Jonas Kaufmann dans Werther par exemple, on m’a appelé à 10h le matin pour me dire que Jonas était souffrant et on me l’a confirmé à 14h. C’était la première fois que je chantais Werther, la première fois que je chantais aux Etats-Unis à titre professionnel et la première fois que je chantais au Met… Mais mon entourage s’est mobilisé, j’ai essayé de rester très concentré car si on se laisse prendre par le trac, on a tendance à perdre en concentration. J’avais assisté à toutes les répétitions et j’avais eu la chance, contrairement à l’habitude pour une doublure, de pouvoir répéter avec le chef d’orchestre Alain Altinoglu, avec Sophie Koch et avec le metteur en scène. J’étais donc bien préparé et finalement assez serein. Par comparaison J’ai eu plus le trac en chantant dans La Bohème toujours au Met en janvier dernier. Rodolfo n’est pas un rôle évident, il faut être à 100% dès le premier acte. L’orchestre de Puccini est  très présent. Dans une grande salle, ça devient un challenge. Comme il s’agit d’un opéra que l’orchestre connaît bien, il a tendance à jouer plus fort. Alors que dans Werther, Alain Altinoglu était là pour veiller à l’équilibre. Il y avait aussi plus d’écoute de la part des instrumentistes du fait de cette couleur française qu’il leur fallait trouver.

Vous chantez plus souvent au Metropolitan Opera de New York ou au Staatsoper de Vienne qu’à l’Opéra de Paris et même qu’en France. Comment l’expliquez-vous ?

On dit que nul n’est prophète en son pays… Je suis resté trente ans à Monaco pour faire mes études, de chant notamment, et je n’y ai chanté qu’en 2013, pas avant. J’y retournerai en 2017. C’est comme ça. Je suis venu à l’Opéra de Paris pour Manon, apparemment parce qu’il n’y avait personne de libre. Je connaissais le rôle que j’avais chanté à Rome sous la direction d’Alain Guingal dans une mise de Jean-Louis Grinda – c’est d’ailleurs ainsi que j’ai été engagé à Monte-Carlo. J’avais remplacé au pied levé Vittorio Grigolo à Valence. Ca s’est bien passé, très bien même mais après, on ne m’a rien proposé d’autre. J’ai débuté en France dans des seconds rôles, j’ai chanté à Clermont-Ferrand, je n’y suis jamais retourné. J’ai chanté Borsa à Bordeaux, il y a eu ensuite certaines propositions mais je n’étais pas libre. Donc, je n’y suis pas retourné non plus. A Marseille, six ans années se sont écoulées entre Pang dans Turandot et la Messa di Gloria de Puccini.  Que dire… J’ai pu faire des rôles de premier plan en France à Rouen avec Rigoletto, puis Giovanna d’Arco et Lakmé. L’année dernière, je chantais pour la première fois au Théâtre des Champs-Elysées dans La Vestale. Pendant les répétitions, Michel Franck m’a dit : « est-ce que tu voudrais faire Macduff ? » J’ai évidemment accepté. J’apprécie de travailler en France, d’autant que j’habite Nice. Mais je ne vais pas me plaindre. J’ai des contrats jusqu’en 2018. Je vais retourner au moins trois fois au Met, deux fois à Covent Garden, trois fois à Vienne. Puis il y a Riccardo dans Un ballo in maschera prochainement à Metz…

Un virage vers des rôles plus dramatiques ?

J’y vais à tâtons. Un ballo in maschera est un opéra extraordinaire, je vais voir si ça va bien, si j’en refais d’autre ou si j’attends encore un peu. Riccardo est plus spinto que les rôles que je chante d’habitude. Jusqu’à présent, Carlo dans Giovanna d’Arco était le plus large, Riccardo l’est encore davantage. J’avance prudemment. J’ai la chance de pouvoir interpréter des rôles extraordinaires du répertoire français : Roméo et Juliette, Faust, Manon, Werther, Lakmé… Je chante Rigoletto, Traviata, Bohème, Macbeth en ce moment… Je ne manque pas de possibilités. Je refuse Carmen depuis des années parce que justement, encore plus qu’Un ballo in maschera, c’est un rôle qui va vers autre chose, comme Tosca… Tant que je serai à l’aise dans le répertoire lyrique, autant en profiter au maximum. Aller trop vite dans un répertoire plus large peut être dangereux pour la voix.

C’est là le secret de votre fraîcheur vocale ?

Mon secret ? Comme on le dit : on fait souvent une carrière davantage sur des « non » que sur des « oui ». Je n’avais pas 30 ans qu’on me proposait déjà Don José. J’ai refusé. On demande souvent tout et n’importe quoi aux chanteurs et il faut faire attention. Par exemple, j’ai travaillé pendant des années Les Pêcheurs de perles. Après Werther, parmi les différents contrats que l’on m’a proposés figuraient Les Pêcheurs. J’ai dit oui – j’aurais dû les chanter en janvier prochain. J’ai repris le rôle et j’ai constaté que ma voix s’était un peu élargie par rapport à ce qu’exige à mon avis la romance de Nadir. J’ai préféré annuler. Il faut faire un rôle à 100% de ses capacités, en rapport avec ce que public attend, encore plus dans une salle comme le Metropolitan Opera. Bien sûr, refuser un contrat représente de l’argent. Après Werther au Metropolitan, on s’est mis à parler de moi. Il me faut rester à ce niveau-là, continuer à m’améliorer. Cela demande des sacrifices. (NDLR : Nadir sera finalement interprété par Matthew Polenzani aux côtés de Diana Damrau et Maris Kwiecien dans les rôles de Leilia et Zurga).

Quelle(s) leçons tirez-vous de l’enseignement d’artistes comme Gabriel Bacquier et Michèle Command avec lesquels vous avez étudié ?

Nous avons eu la chance dans une petite académie comme Monaco de bénéficier de l’enseignement de Gabriel Bacquier pendant dix ans. Au début, c’était une sorte de master classe. On venait, on chantait nos deux airs. Dès la deuxième année, ces cours ont été transformés en des sessions d’interprétation. On le voyait en début d’année, on choisissait un opéra et on avait toute l’année scolaire pour travailler nos rôles et il venait régulièrement nous donner des conseils jusqu’à la représentation. La première fois, j’étais davantage spectateur car je n’avais pas de rôle, le choix s’étant arrêté sur Les Noces de Figaro. Mais l’année suivante, on a monté Traviata puis L’Elisir d’amore, La Vie parisienne… Gabriel Bacquier, c’est un personnage. En plus de l’excellent baryton international qu’il a été, je retiens l’extraordinaire aisance scénique. C’est par son intermédiaire que j’ai rencontré Michèle Command à Monaco. J’ai travaillé un peu avec elle pour corriger certains détails. Nous avons toujours des contacts, Elle est venue à la générale de Macbeth. Gabriel a ce charisme énorme, envahissant, cette aisance scénique ; Michèle est une excellente technicienne. J’ai eu la chance de faire un concert caritatif avec elle en septembre dernier. On a chanté certaines mélodies suivies d’extraits de Werther et elle a toujours une voix extraordinaire. Mais mon vrai professeur reste Marie-Anne Losco qui m’a vraiment fait aimer l’opéra. Je suis dans la musique depuis mon plus jeune âge. Quand j’étais petit chanteur, j’ai fait beaucoup de sacré. La seule personne dans la famille qui écoutait de l’opéra était ma mère. Moi, à l’époque, je jetais plutôt une oreille distraite sur ce répertoire. Quand je suis entré à l’Académie de Monaco, j’ai commencé à toucher d’abord aux airs antiques. Mais c’est Marie-Anne Losco, lorsqu’elle est arrivée un an et demi après, qui m’a dit « tu as une vraie voix de chanteur lyrique, il va falloir travailler… Tiens voilà une partition, c’est L’Elisir d’amore, c’est un opéra de Donizetti, écoute, regarde… ». Et je suis tombé amoureux de cet opéra et je ne l’ai jamais chanté ! J’aimerais pouvoir le faire avant qu’il ne soit trop tard mais bizarrement, on ne me le propose pas alors qu’il correspond, je pense, exactement à ma voix. J’aimerais vraiment le chanter, au moins une fois.

Propos recueillis le 11 mai 2015

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