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Juan Diego Flórez : « j’aurais sans doute pu devenir un ténor mozartien »

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Interview
5 octobre 2017
Juan Diego Flórez : « j’aurais sans doute pu devenir un ténor mozartien »

Infos sur l’œuvre

Détails

Juan Diego Flórez place sa rentrée sous le signe de Mozart avec un premier album sous son nouveau label, Sony Classical entièrement consacré au divin Amadé. « J’aurais sans doute pu devenir un ténor mozartien », affirme-t-il. L’humeur n’est pourtant pas aux regrets mais à la plénitude vocale d’un ténor au sommet de son art. Une tournée accompagne ce nouvel album, dont un concert à Paris au Théâtre des Champs-Elysées le 12 novembre dans le cadre des Grandes Voix.


Un de vos premiers enregistrements était Marzio dans l’intégrale de Mitridate dirigée par Christophe Rousset. Avec cet album Mozart vingt ans après, peut-on parler d’un retour aux sources ?

Oui, un peu, on pourrait dire ça. Quand j’ai commencé à travailler le chant, au Pérou, je travaillais surtout des morceaux de Haendel et de Mozart. C’est donc quelque chose que j’ai dans le sang, depuis le début. Ensuite j’ai été amené à me concentrer sur ce qu’on a coutume d’appeler le bel canto, sur Rossini en particulier, les notes aiguës, la colorature, mais j’aurais sans doute pu devenir un ténor mozartien. En tout cas, c’est un répertoire que j’ai toujours aimé.

D’Idomeneo à Tamino, vous parcourez la galaxie du ténor mozartien. Comment le définiriez-vous ?

On peut dire qu’il existe deux grandes catégories de ténor mozartien. Il y a le premier Mozart, qui écrit dans un style encore proche du baroque, pour des baryténors virtuoses. Et puis il y a le Mozart de Don Giovanni, de Così, plus « romantique », si l’on veut, plus moderne, où c’est le legato qui devient la qualité primordiale du ténor.

Duquel de ces rôles vous sentez aujourd’hui le plus proche vocalement, ou personnellement ?

Je pense que tous ces personnages sont intéressants, chacun à sa manière. Ils sont toujours pleins d’émotions, très subtils, très délicats. Et dans le second Mozart, tous ces rôles ont un dénominateur commun : la simplicité, qui est précisément ce qu’il y a de plus difficile. Ces rôles ne sont pas écrits pour des voix très aiguë, l’orchestre n’est pas énorme, donc la voix est très exposée, mais ils ont tous quelque chose de magique, et c’est à l’interprète d’en tirer le maximum.

L’allemand, nécessaire pour chanter Tamino et Belmonte, est une langue qui vous est moins familière que l’italien. Comment l’avez-vous appréhendée ?

C’est vrai, l’allemand est quelque chose d’un peu nouveau pour moi, même s’il m’est arrivé durant mes études de chanter des opérettes en allemand, ou plus tard, en concert, d’interpréter parfois un morceau en allemand. C’est une langue difficile à chanter, mais on peut dire cela de bien d’autres langues aussi, comme le français, qui est difficile à chanter tant qu’on n’en a pas pris l’habitude ! Mais j’ai aimé chanter ces extraits en allemand, même si cela me demande beaucoup plus d’attention.

Qu’est-ce que votre maîtrise du chant rossinien vous a enseigné pour interpréter Mozart ?

Peut-être pas tant de choses que ça, car l’écriture de Rossini est très aiguë, alors que celle de Mozart est un peu basse. Je dirais que mon expérience du répertoire français, de Werther, par exemple m’a davantage servi. Le Mozart de la maturité écrivait des rôles aigus et virtuoses pour les sopranos, linéaires et centraux pour ses ténors. En revanche, le jeune Mozart composait des airs rapides, où la colorature est très sollicitée, et Rossini a bien sûr repris cette tradition pour la porter vers une époque nouvelle.

Cette incursion discographique dans le répertoire mozartien sera-t-elle suivie de réalisation(s) scénique(s) ?

Je pourrais sans doute chanter les opéras sérias de Mozart, comme Idomeneo ou La clemenza di Tito. Je ne l’ai pas encore fait, mais j’aimerais chanter certains de ces rôles à Vienne, où je vis et où je vais beaucoup chanter dans les années à venir. Et pourquoi pas Tamino, qui serait un grand défi ! Comme ça, mon fils pourrait venir me voir dans La Flûte enchantée. Oui, ce serait une bonne idée, mais il n’y a rien que je puisse annoncer de manière officielle pour le moment.

Et l’opéra français, vers lequel vous sembliez de plus en plus vous orienter, le mettez-vous entre parenthèses ?

Ah, il y a beaucoup d’opéras que j’aimerais chanter et j’ai trop peu de temps pour pouvoir tout faire ! Cette saison, je vais faire mes débuts dans Les Contes d’Hoffmann, et dans un avenir proche, je serai aussi Des Grieux dans Manon. Je prévois aussi de chanter dans Norma, dans Traviata et d’autres titres encore. En ce qui concerne le répertoire français, il y a beaucoup d’œuvres qui m’attirent : j’ai déjà interprété Roméo et Werther. Faust serait peut-être un peu grave.

Allez-vous donc chanter moins de Rossini ?

Disons que je me réserve pour Pesaro : l’an prochain, je chanterai dans Ricciardo e Zoraide, une œuvre très rarement donnée. Et puis, à Vienne, je chanterai l’habituel Barbier de Séville, que je suis ravi de garder dans le gosier !

Souscrivez-vous à l’idée que chanter Rossini est un bon entraînement pour la voix ?

Tout à fait ! Chanter Rossini est un peu comme un sport extrême. Il faut avoir les notes aiguës et le courage d’affronter cette musique, mais si vous avez ça, alors oui, Rossini maintient votre voix en forme. C’est comme d’aller en salle de sport, cela vous permet ensuite d’affronter à peu près tous les autres types de rôles. Pour Werther, par exemple, qui est un rôle très central, sans aucune difficulté technique, il faut bien sûr soutenir la voix et apprendre à se montrer très expressive, mais il n’y a pas là de défis comme lorsque vous devez émettre des notes aiguës en succession rapide. Même dans Lucrezia Borgia, que je chante en ce moment, il y a beaucoup à chanter, il y a des aigus, des phrases longues, et c’est une écriture qui est vraiment faite pour mettre en valeur la voix. Alors qu’avec Werther ou Roméo, il s’agit surtout de sentiment et d’expressivité. Bien sûr, l’orchestre est plus lourd, mais l’orchestre de Rossini peut aussi faire beaucoup de bruit ! Et puis il faut aussi que le chef soit raisonnable, et permette aux spectateurs d’entendre et de comprendre le texte.

En plus de vingt ans de carrière, votre voix n’a rien perdu de sa souplesse et de son éclat. Quel est votre secret de jouvence ?

Je me suis toujours intéressé aux questions de technique, mais avec une approche très naturelle. Bien sûr, ma voix a évolué un peu, j’ai dû m’adapter quand j’entendais qu’elle changeait. Mais, je le répète, j’ai toujours privilégié une approche naturelle. Depuis 1995, je n’ai plus de professeur de chant. Cela fait donc 22 ans que j’étudie seul, que je trouve seul des solutions aux difficultés techniques. L’essentiel est de ne pas produire un son artificiellement, de ne pas pousser la voix. C’est peut-être le secret : la voix doit rester libre, il ne faut pas surmener les muscles vocaux, il ne faut éviter la surcharge. Je chante beaucoup, hier nous avons eu la générale de Lucrezia Borgia, avant-hier j’ai également chanté l’opéra d’un bout à l’autre. Cela peut devenir un problème si votre technique est trop musculaire, si vous poussez, mais si chantez de manière naturelle, alors votre voix peut rester fraîche même si vous chantez beaucoup. C’est l’essentiel : la technique est comme une assurance pour votre voix.

Votre association Sinfonia por el Perù, qui aide les enfants péruviens à vivre une vie meilleure à travers la pratique musicale, compte plusieurs années d’existence. Quel bilan tirez-vous de cette initiative ?

C’est une des choses de ma vie dont je suis très fier. En six années d’existence, cette association a déjà accueilli 7000 enfants, dont elle a changé la vie, en leur redonnant confiance en eux-mêmes, en les aidant à s’intégrer à la société, pour les rendre meilleurs dans tous les sens du terme. Il s’agit surtout d’enfants défavorisés, car le but est de démocratiser la musique classique au Pérou. Quand j’ai décidé de me lancer dans la musique, ma mère s’est beaucoup inquiétée : elle avait peur que je meure de faim. Mon père était chanteur, dans la variété, donc elle avait une certaine expérience. Avec Sinfonia por el Perù, nous ne cherchons pas à former des musiciens professionnels : cette initiative s’adresse surtout à de jeunes enfants, depuis leur entrée à l’école jusqu’à l’âge de 17 ou 18 ans. Après, s’ils veulent continuer dans la musique, nous les y aidons, bien sûr, mais notre objectif est avant tout de former de bons citoyens, de bons êtres humains.

Propos recueillis et traduits le 25 août 2017

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